Quand l’OM faillit mourir

L’OM est en crise ! Cette phrase, comme moi, vous l’avez lue ou entendue des milliers de fois. Et c’est vrai qu’en ce début d’année 2021 la situation est préoccupante. Le déficit est abyssal, les résultats sportifs sont mauvais, le divorce entre les supporteurs et la direction du club est consommé, le coach est parti (mais pas le président honni), l’incertitude règne (vente ou pas vente ?).

Pourtant, dans l’histoire riche et mouvementée de notre club, il y eut des situations bien plus graves dont certaines faillirent provoquer sa disparition pure et simple. Laissez-moi vous raconter ce qui se déroula au début des années 80 et qui faillit emporter notre OM à tout jamais.

Le jour de gloire

C’est pourtant une histoire qui commence bien. Nous sommes le 24 juin 1979 sur le stade champêtre et ensoleillé de la ville d’Amnéville. En effet, cette bourgade de Lorraine a été choisie pour accueillir les deux finales de jeunes les plus prestigieuses du football français, le Championnat National des Cadets et la Coupe Gambardella des Juniors. Les deux rencontres se disputent dans l’après-midi, et pour la première fois de l’histoire, un seul et même club remporte les deux trophées, l’Olympique de Marseille ! Les cadets d’abord qui dominent les lyonnais 1-1 (but de Flos) et 4-3 aux T.A.B., et les juniors ensuite qui remportent la Gambardella contre le RC Lens 2-0 (Castellani et De Falco).

À la surprise de tous, l’OM qui déjà à l’époque n’avait pas la réputation d’être un club formateur, venait de damer le pion aux spécialistes du genre comme Lens, Lyon, Auxerre, Sochaux etc…. Je ne résiste pas à mentionner les noms de quelques uns des jeunes héros de cette journée historique : Lévy, Lopez, Caminiti, Anigo, De Falco, Lapinta, Castellani, De Bono, Pascal et Francini pour les juniors, et Ravera, Blum, Chancel, Flos et Terrones pour les cadets. Retenez bien ces noms, nous allons les retrouver un peu plus tard dans ce récit.

La descente aux enfers

Du côté de l’équipe professionnelle, la saison 78/79 n’avait pas été de tout repos. Tout auréolé d’une belle quatrième place la saison précédente, l’entraîneur Ivan Markovic avait tout naturellement gardé les rênes de l’équipe. Il disposait d’un effectif de qualité avec bon nombre d’internationaux comme les Français Trésor, Bracci, Six , Berdoll, Victor Zwunka, le Suédois Linderoth, et le Sénégalais Sarr Boubacar.

Hélas le début de saison fut très mauvais, et Markovic fit ses valises en décembre 1978. A sa place, le Président d’Agostino rappela donc le fidèle Jules Zwunka, solide stoppeur des années Leclerc, pour jouer les pompiers de service. Et ce fut payant puisque l’OM enchaîna une impressionnante série de matches sans défaite, et termina le championnat à une modeste douzième place. Néanmoins, cette belle dynamique et les succès  de nos minots dont nous avons parlé plus haut, laissaient entrevoir un avenir radieux. À l’inter-saison on enregistrait le départ de Bracci pour Strasbourg, et les arrivées de Zambelli et du petit ailier tunisien Temime, qui s’était illustré un an auparavant lors du Mundial argentin. La confiance était donc de mise, à l’orée de cette saison 79/80.

À ce propos, laissez moi vous raconter une anecdote personnelle. En effet, j’assistais en août 79 au premier match de la saison au Vélodrome contre Lens, que nous gagnâmes assez facilement 3-1 (Linderoth, Flores, Piette). Nous étions en quart de virage et à cette époque là, les supporteurs des deux clubs pouvaient cohabiter dans la même tribune. À la fin de la rencontre le petit groupe de Lensois était venus nous voir et l’un deux m’avait demandé d’un air angoissé : « Vous croyez que nous allons nous maintenir ? » Et moi de lui répondre avec l’air suffisant et condescendant que nous avons quelquefois « Bien sûr, vous avez une bonne équipe et vous ne rencontrerez pas l’OM toutes les semaines ! ».

Et j’avais raison, Lens s’est maintenu ! Par contre ce que je n’avais pas prévu, c’est que nous, nous qui allions descendre… En effet, au terme d’une saison calamiteuse marquée par un changement d’entraîneur (Jean Robin pour Jules Zwunka) et de président (Carlini pour D’Agostino), L’Olympique de Marseille, malgré son armada d’internationaux, terminait à une piteuse dix-neuvième place, et était officiellement relégué en D2.

La mise à mort

Comme toujours en pareille situation, il y a hémorragie des meilleurs joueurs qui, même si ils sont les premiers responsables de la situation, refusent de rester pour jouer à l’étage inférieur. On assistait donc au départ des Trésor, Six, Berdoll etc. Néanmoins, Jean Robin pouvait s’appuyer sur un effectif assez qualitatif pour espérer jouer la (re) montée. Migeon, V. Zwunka, Buigues, Flores, Lechantre ou le regretté Michel N’Gom avaient largement le niveau pour réussir.

Comme on l’a vu précédemment, Christian Carlini avait pris la présidence en décembre 79. Ce Marseillais bon teint dirigeait une florissante agence de voyage qui portait son nom, et avait également présidé le Sporting Club de Bonneveine cher à mon coeur. Hélas, malgré sa bonne volonté, son mandat fut désastreux. Il y eut d’abord la tristement célèbre « affaire des bolivars ». Pour résumer, de soit-disant marseillais fortunés et exilés au Venezuela, se proposaient d’injecter dans les caisses du club, une très importante manne financière (en bolivars).

Tout le monde accueillit cette nouvelle avec beaucoup de méfiance et de circonspection, sauf le président qui y crut dur comme fer (ou argent) pendant des semaines, avant de devoir déchanter puisque personne jamais, ne vit la couleur de ce trésor. La presse parisienne en fit bien sûr des tonnes, et tourna une fois de plus l’OM en ridicule, qui pour le coup le méritait bien. Sur le terrain les résultats en championnat étaient moyens sans être catastrophiques, mais la remontée immédiate tant espérée s’éloignait peu à peu. De plus, nous avions connu une élimination humiliante au sixième tour de Coupe de France contre… St Tropez !

Mais ce qui se préparait en coulisse, allait dépasser tout ce que les Marseillais pouvaient redouter. En effet, le déficit était effrayant, et le club était en cessation de paiement et croulait sous les dettes. Celles-ci s’élevaient à 15 millions de francs, une somme énorme à l’époque. Et, le 7 avril 1981 le Tribunal de Commerce de Marseille prononçait officiellement la liquidation judiciaire de l’OM. Dans la foulée tous les joueurs et entraîneurs professionnels étaient licenciés. L’Olympique de Marseille était mort !

Le vieux cévenol et la bande de minots

Mort l’OM ? Pas si sûr. Pourtant, logiquement, en liquidation judiciaire et sans plus aucun professionnel dans l’effectif, le club n’est plus censé participer au Championnat de D2. Mais un homme va permettre à l’OM de continuer, et cet homme c’est Jean Sadoul. Ce natif d’Alès est alors président du Groupement des Clubs Professionnels (la LFP de l’époque) et il va dans un premier temps accorder les dérogations nécessaires afin que le club puisse finir la saison et disputer les six matches restant à jouer.

Jean Sadoul, ancien président de la LFP
(Photo by Alain BUU/Gamma-Rapho via Getty Images)

Il va s’attacher ensuite à mettre en place les structures provisoires avec l’arrivée à la présidence, d’un binôme formé de Jean Carrieu et Claude Cuny, nommer un comité des sages et surtout, obtenir les deux mesures vitales pour la survie du vieux club marseillais.

Premièrement, la mise en place d’un concordat par lequel les créanciers accordent au club la remise partielle des dettes ainsi que des délais de paiement. Deuxièmement, que sur cette base, le Tribunal de commerce accepte de convertir la liquidation en simple règlement judiciaire.

On ne remerciera jamais assez Jean Sadoul pour ce qu’il a fait. Il reste aux yeux de beaucoup comme le dernier (le seul ?) vrai président le la Ligue. Vous imaginez Le Graet, Thiriez ou Boy de la Tour déployer autant d’efforts pour sauver un club ? L’OM de surcroît ? Et sur le terrain, que se passe-t-il ? Vous vous souvenez des minots qui se sont illustrés deux ans plus tôt en cadets et juniors ? Eh bien ces jeunes formés au club vont écrire une des plus belles pages de l’histoire de l’Olympique de Marseille. Il restait donc quand la liquidation fut prononcée, six matches de championnat à disputer. Ils vont gagner les six matches !!!

J’ai eu l’honneur d’assister au premier, au Vélodrome contre Grenoble (victoire 1-0), et les quelques 7000 fidèles que nous étions ce soir-là n’imaginions pas ce qui allait suivre. Les deux saisons suivantes les minots comme les appelle désormais affectueusement toute la ville, et auxquels s’est joint un petit jeune vauclusien du nom d’Eric Di Méco, seront à deux doigts de valider la montée en D1. Ils vont réaliser des séries de victoires formidables, et battre au passage des records d’affluence en D2, en passant plusieurs fois la barre des 40.000 spectateurs au Vélodrome.

Marseille, la ville habituée aux stars des années 70 (Magnusson, Skoblar, Paulo César, Jairzinho), s’enflammait pour ses minots ! Par la suite ils firent à peu près tous des carrières professionnelles honorables mais somme toute assez modestes, à l’exception bien sûr de Di Méco devenu depuis une légende du club. Néanmoins n’oublions jamais que sans eux, l’Olympique de Marseille n’existerait plus.

L’OM en D1, le retour !!!

Le Graal, la remontée dans l’élite, allait enfin arriver au terme de la saison 83/84. L’OM qui s’était donné un peu d’air financièrement avait pu recruter « malin » comme on dit aujourd’hui, afin d’épauler les minots toujours fidèles au poste. Ainsi, on fit revenir deux anciennes gloires du club, Sarr Boubacar et le soldat François Bracci, mais aussi des bons joueurs de D1 comme Paco Rubio, Jean-Yves Kerjean et Zarco Olarevic.

Roland Gransart l’entraîneur depuis trois ans, avait donc à sa disposition un effectif solide et de qualité qui permit à l’OM de dominer le championnat de la tête et des épaules, et toujours devant des assistances à domicile dignes du haut de tableau de D1.

Le retour parmi l’élite fut laborieux. L’OM était désormais une petite équipe qui se sauva de justesse en 85 (dix-septième), et fit un peu mieux la saison suivante en terminant à la douzième place, dans un anonymat relatif qui va si mal à notre club et à notre ville… jusqu’à ce 19 février 1986, ou un certain Bernard Tapie qu’on n’appelait pas encore le Boss, signait officiellement à Paris, la reprise de l’Olympique de Marseille, mais ça, c’est une autre histoire !

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A propos de JLMOM265


Né à Marseille le 30/11/1956. Jeune retraité après une carrière bien remplie dans le transport routier de marchandises (Direction d'agences et de services d'exploitation). Marié depuis 40 ans, Je vis depuis de nombreuses années en région grenobloise, et je suis l'heureux père de deux grands enfants, et grand-père d'un petit diable. Supporteur acharné de l'OM depuis près de 55 ans, je dors, mange et bois OM. Je sais c'est pas normal à mon âge, mais on ne me changera plus, c'est trop tard !
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5 Réponses pour Quand l’OM faillit mourir

  1. Superbe article ! Merci

  2. Excellent, une fois de plus !

    • Que de souvenirs…Tu as su réveiller de vieux souvenirs en moi et faire renaître l’émotion. Cette magnifique épopée du club, fut peut-être la plus belle, l’OM, sauvé par ses enfants, ses MINOTS ! Un grand bravo et un grand merci, en espérant retrouver un jour…Un grand OM.

  3. Souvenirs !!! la belle époque d’ un football pas encore vérolé par des agents gourmands.
    Souvenirs des sixtes de la région du 04 dans lesquels toutes les équipes venant de Marseille et son pourtour époustouflaient tout le monde dans toutes les catégories, des plus jeunes aux autres par la qualité de leur jeu.