France, samedi 13 novembre, à la suite du match de championnat de France entre Bastia et Saint-Étienne perdu trois à zéro par les footballeurs corses, deux joueurs du club bastiais, Franck Matingou et Pascal Chimbonda, sont violemment pris à partie par une trentaine de pseudo-supporters locaux. Le président du club, Louis Multari, ne peut que porter plainte contre X et constater dépité : « Il y a un mois lorsque nous avions des résultats, ces joueurs étaient adulés chez nous. » En réaction, l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) place la 15e journée du championnat de France de L1 sous le signe de l’appel à faire cesser toutes les haines. Deux slogans - « Non à la violence ! », « Non au racisme ! » - ornaient ainsi vendredi et samedi les tee-shirts que portaient les joueurs de L1 avant le coup d’envoi de chacune des dix rencontres de la 15e journée. Sauf à Toulouse, où les maillots ne sont jamais arrivés (voir article page 4). Toulouse où jouait Bastia. Comme souvent, la Corse est un cas particulier. Selon le rapport de l’écrivain Jean-Christophe Rufin sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme publié en octobre par le gouvernement, plus de la moitié des violences racistes commises en France surviennent en Corse. Le sport n’a pas le monopole de l’imbécillité. Dans la nuit de vendredi à samedi, la maison d’une famille d’origine maghrébine à Calvi a essuyé un jet de cocktails Molotov. Signatures laissées sur les lieux : « Joyeux anniversaire SOS-Racisme » et « Corsica pulita » (« Corse propre »).
Le ton était le même, mercredi dernier à Madrid lors d’un Espagne-Angleterre où plusieurs centaines de supporters espagnols ont conspué les joueurs noirs de l’équipe anglaise en imitant des cris de singe. S’ensuit une passe d’armes diplomatique entre Madrid et Londres. Le premier ministre britannique Tony Blair estime que « le racisme n’a pas sa place dans le football ». En Angleterre marquée par le drame du Heysel en 1985 (39 morts lors de la finale de Coupe d’Europe Liverpool-Juventus de Turin), le hooliganisme continue d’être pris à bras-le-corps par les autorités : 1 263 personnes ont été interdites de stade lors de la saison 2003-2004.
En Espagne, le gouvernement Zapatero promet de son côté de « prendre des mesures ». Il écoutera peut-être le milieu de terrain malien de Valence, Mohamed Sissoko, un des rares joueurs noirs du championnat d’Espagne, qui affirme cette semaine que les insultes racistes sont le quotidien des footballeurs exilés dans la péninsule ibérique : « Je n’ai jamais eu de problèmes de racisme hors du terrain, dans la vie de tous les jours. Mais en revanche, il y a un problème sur les stades. »
De la très neutre Suisse, le président de la Fédération - Internationale de Football (FIFA), Joseph Blatter, s’est dit lui « choqué » et promet de faire aspecter la loi sur les terrains. Le code disciplinaire de la FIFA, dans son article 55-2, affirme que celui qui, publiquement, rabaisse, discrimine ou dénigre une personne d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine en raison de sa race, couleur, langue, religion ou origine ethnique « sera interdit de stade pendant deux ans ».
C’est précisément ce que souhaite pour la France, Frédéric Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel (LFP). « Je suis pour la tolérance zéro sur ce sujet. De notre côté, nous faisons le maximum en sanctionnant par exemple les clubs avec de très lourdes amendes financières (1) lorsque leurs supporters se comportent mal mais lorsque la violence est à l’extérieur des stades, il faut que la police et la justice nous aident. » En 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait pourtant promis d’endiguer le phénomène du hooliganisme. Près de deux ans plus tard, on attend toujours la publication des décrets qui permettraient d’améliorer la loi Alliot-Marie de 1993 concernant la sécurité des manifestations sportives. « Ce qu’on veut, c’est qu’enfin, comme en Angleterre, les casseurs soient interdits de stade et obligés de pointer au commissariat les soirs de match. Rendez-vous compte qu’à la ligue, nous n’avons même pas la liste des interdits de stade. Pourtant, les renseignements généraux les connaissent parfaitement. » Le cliché du joueur de l’OM Fabrice Fiorèse, tirant un corner sous la protection des boucliers des CRS le 7 novembre dernier au Parc des Princes, n’est peut-être pas suffisamment explicite pour les autorités policières.
Le sport, école
de tolérance !
En attendant mieux, con- tinuer de distribuer des autocollants ou faire revêtir aux joueurs des tee-shirts contre la violence et le racisme, qui ne sont même pas arrivés à Toulouse, est ce suffisant ? Frédéric Thiriez, avocat de formation, n’oublie pas la vieille dialectique de la prévention et de la répression. Alors, il dit : « Les symboles ont leur importance. Il existe, par exem- ple, une charte signée par les joueurs, les arbitres, les dirigeants et les associations de supporters qui ont bien voulu le faire. » Un de ces articles écrit par Thiriez proclame que le sport est « école de tolérance, de solidarité, et facteur de rapprochement humain ».
Rapprochement humain, l’entraîneur du PSG, Vahid Halilhodzic, entend cela sous l’angle du coup de ventre donné en guise d’intimidation, à l’arbitre de PSG-Lyon vendredi. « Coach Vahid » a écopé d’un carton rouge après un long esclandre. Thiriez a soupiré : « On ne changera pas la nature humaine d’un coup de baguette magique. » Ni même avec un coup de sifflet.
(1) Cinq mille euros d’amende au PSG et 10 000 euros à Marseille après les incidents lors des matchs PSG-Marseille et Marseille-PSG des deux dernières semaines.