- Monsieur Bielsa, bonjour. Est-ce que vous avez évacué cette déception de dimanche [contre Bordeaux], est-ce que vous avez trouvé vos joueurs plus touchés après les défaites face à Lyon et au Paris Saint-Germain ? Non, la défaite contre Paris a été plus douloureuse que la défaite contre Bordeaux parce qu'elle était méritée, et parce que [contre Paris], nous ne sommes pas apparus comme l'équipe que nous pouvions être. Contre Bordeaux, il s'est produit le contraire.
- Le fait qu'il n'y ait que cinq jours entre les deux matchs, entre celui contre Bordeaux et celui contre Nantes, c'est bien pour évacuer les doutes et se relancer pour le sprint final ? Quand la saveur est amère, avoir la possibilité de modifier cette sensation de la manière la plus rapide possible est ce qu'il y a de mieux.
- Monsieur Bielsa, est-ce que la performance de certains de vos joueurs dimanche font que vous avez encore des incertitudes sur l'équipe que vous allez mettre en place vendredi à Nantes ? A quelles individualités faites-vous référence ?
- A la performance de Romain Alessandrini qui a été très bon, et aussi à la suspension de Dimitri Payet qui s'est confirmé vendredi ? Alessandrini va continuer dans l'équipe comme titulaire. Il mérite largement cette décision. Et le remplacement de Payet a été bien sûr pris en compte. Ce qui apparaît comme le plus sûr est que Michy joue à la place de Dimitri Payet.
- Du coup, vous avez votre onze. Vous le construisez. Mais il est très probable que Mendy ne joue pas, et que Morel et Nkoulou jouent. Nkoulou à la place de Morel et Morel à la place de Mendy. Et André Ayew reviendrait.
- Donc vous optez pour une charnière centrale Nicolas Nkoulou-Rod Fanni. Oui.
- André Ayew prendrait la place de Thauvin. Donc l'équipe sera Mandanda, Brice [Dja Djédjé], Fanni, Nkoulou, Morel, Romao, Imbula, Michy, Alessandrini, Gignac, André Ayew.
- Monsieur Bielsa, quel regard portez-vous sur l'équipe de Nantes qui est une équipe "difficile à bouger" ? C'est la sixième défense de Ligue 1 ? J'ai la même vision qui découle de l'analyse que vous venez de faire. C'est une équipe difficile à déstabiliser, et cela se voit par le fait que c'est la sixième meilleure défense, et moi je rejoints cette appréciation. C'est une équipe qu'on a des difficultés à déséquilibrer.
- Pour quelles raisons alors sortez-vous Thauvin du onze de départ ? Dans ce cas-là, j'ai trois options et je dois en choisir deux, en considérant la quatrième qu'est Lucas Ocampos. Je dis trois parce que, lors du dernier match, il y avait Alessandrini et Thauvin. Donc j'ai choisi pour la position d'ailier droit, Alessandrini à la place de Thauvin, et pour la position d'ailier gauche, André Ayew à la place de Thauvin.
Et j'ai aussi choisi Alessandrini à la place d'Ocampos à la place d'ailier droit, et André Ayew à la place d'Ocampos à la place d'ailier gauche.
- Est-ce que cela veut dire que les prestations de Florian Thauvin ces dernières semaines ne sont pas satisfaisantes selon vous ? Non, je crois que lors du dernier match, il a eu une manière de jouer convenable. Je l'ai vu très combatif, très agressif. Il a donné deux passes qui auraient pu être converties en buts, une passe au coeur de la défense adverse, un centre depuis la gauche, et ces deux actions ont amené une situation de but pour nous. En deuxième mi-temps, il a maintenu son agressivité, a facilité le jeu en association avec Morel, et à la soixantième, quand j'ai décidé le changement, il jouait un match équilibré et honnête.
- Monsieur Bielsa, même si votre philosophie est de ne pas juger les prestations des arbitres, est-ce que vous comprenez le sentiment d'injustice qui règne au sein de l'OM, à la fois chez les joueurs et chez les dirigeants ? Oui, je ressens aussi ce sentiment.
- Du coup, que pouvez-vous faire ? Est-ce un sentiment d'impuissance ou un sentiment de motivation qui doit amener les joueurs à se surpasser pour faire face à ce sentiment-là ? Regardez, quand on discute une position qu'un des partis considère comme juste et évidente, et que la personne chargée d'administrer la justice considère le contraire, il y a un sentiment de rébellion proportionnel entre l'évidence et la décision. Ceci est naturel, comme il est aussi naturel que celui qui doit prendre les décisions puisse avoir raison ou se tromper.
Les deux choses sont des manières de se conduire légitimes des êtres humains.
- Et pour prolonger la question, quand on sait que certains joueurs sont sanctionnés pour des propos hors du terrain par exemple, est-ce que vous donnez comme consigne à votre équipe de se taire ? Indépendamment du sentiment d'injustice ou non, est-ce que jusqu'à la fin de la saison, votre consigne sera, quoi qu'il arrive, vous [les joueurs] vous vous taisez ? Ceci n'est pas un ordre ou une consigne que je devrais donner moi. Mais cela devrait être l'attitude normale d'un professionnel qui participe à un jeu. Durant la formation d'un professionnel du football, ce que l'on enseigne à un joueur est d'accepter les décisions de l'arbitre et au contraire, de ne pas se rebeller contre ces décisions.
Ce qui ne veut pas dire que n'importe quel être humain oublie la consigne et se rebelle contre quelque chose qu'il considère comme injuste.
La position que devraient avoir les protagonistes est très claire. Parfois, on arrive à la respecter, parfois, non. Ceux qui dirigent le club ne sont pas contraints aux mêmes règles. Ceux qui dirigent le club ont des obligations différentes de ceux qui interprètent, qui jouent au football. Ils sont tenus par des réalités administratives qui ont à voir avec le lieu où se prennent les décisions, qui leur permettent, et ils y sont obligés, d'agir de manière différente que nous.
Donc n'importe quelle réaction exagérée de footballeur face à quelque chose d'injuste n'améliore pas ses possibilités, mais au contraire, les empire. Et la position de l'autorité est celle qui correspond. Et ce n'est pas moi qui doit les interpréter ou les juger car elles sont éloignées de ce que je fais moi. A chaque fois, je dis que celui qui est le conducteur d'un projet [l'entraîneur] essaye de protéger ce projet.
- Quand même, depuis quelques jours, on ne parle que d'arbitrage. Est-ce que vous ne préfériez pas qu'on parle plutôt de jeu ? Moi, je ne décide pas de quoi l'on parle. Et d'un autre côté, cette analyse que nous faisons, de mon point de vue, exige un argument en plus que nous n'avons pas pris en compte, qui est que les réclamations conditionnent l'arbitre pour qu'à la prochaine action, il compense la supposée erreur qu'il a faite avant. Et je suis encore moins de cet avis, car pour améliorer l'activité à laquelle nous appartenons, on ne peut pas imaginer qu'une erreur commise s'améliore en commettant une autre erreur.
Et ceci est l'objectif de la pression que l'on met sur les arbitres. Qui consiste à penser "tu t'es trompé sur cette action, favorise-nous sur la prochaine".
Pour moi, ma position est d'essayer de faire que l'arbitre n'ait aucune incidence sur le déroulement du jeu. Bien sûr, je n'ignore pas le scénario du match, et je sais bien que parfois, il faut réclamer pour obtenir. Ceci est une position qui est celle qui est la plus courante, mais qui rend plus délétère le climat dans lequel nous travaillons.
(Un journaliste de la salle : "Oh non ! Pfff...")
- Est-ce que vous considérez, malgré toutes ces décisions arbitrales, l'OM doit gagner justement au-delà de ces décisions défavorables ? Oui, bien sûr. Nous, nous ne justifions pas nos défaites en disant que l'arbitre s'est trompé. Moi, je ne dirais jamais cela.
- Pendant plus de sept mois, vous avez fait partie du podium de la Ligue 1. Là, depuis le week-end dernier, vous n'y êtes plus. Quel est votre travail, comment gérez-vous cette situation pour maintenir la confiance du groupe ? Regardez, pour moi, ce que je vais vous dire n'est pas convenable, ne convient pas. Je ne devrais pas le dire de cette manière. Si le championnat se terminait là, la meilleure équipe du championnat est l'Olympique de Marseille. Qui, de mon point de vue, a les meilleurs joueurs et a produit le meilleur football. Si cette conviction personnelle qui n'a pas pour objectif de minimiser la valeur des autres équipes, mais plutôt d'exprimer ce que moi je pense, cela nous place à la quatrième place, je dois évidemment être insatisfait de mon travail.
Je ne changerais rien, à l'Olympique de Marseille, contre aucune des autres équipes françaises. Il y a des équipes qui ont de bons joueurs en plus grande quantité que la nôtre, et ceci est un inconvénient bien sûr, mais les joueurs avec lesquels joue habituellement l'Olympique de Marseille, dans leur totalité, je ne les changerais pour rien contre les joueurs des autres équipes.
Donc, avec cette pensée et cette conviction, nous sommes quatrièmes. Et je suis en train de dire que c'est l'équipe qui me plaît le plus. La conclusion est inévitable et évidente : je ne suis pas satisfait de ce que j'ai fait avec les joueurs que j'avais à ma disposition.
- Qu'est-ce qu'il a manqué ou qu'est-ce qu'il manque d'après votre raisonnement pour que l'OM ne soit pas plus haut et ne concrétise pas son jeu ? Mais cette question, j'y ai répondu une vingtaine de fois ! A chaque fois que l'équipe n'a pas réussie à gagner, j'ai fait référence aux raisons qui expliquaient le fait qu'on ne l'emporte pas.
Est-ce que cela a un sens de répondre une énième fois à la même question ? Je peux faire un résumé mais je considérerais cela comme totalement répétitif. Et analyser une campagne, c'est analyser la somme des matchs et la tendance dégagée par cette équipe. Et nous, nous avons obtenus moins que ce que nous méritons.
Ceci est validé par une série d'arguments, dont certains se répètent beaucoup et d'autres moins. Le seul qui ait été toujours présent fait référence aux efforts des joueurs et du préparateur physique, et consiste dans le fait qu'à chaque fois, nous avons plus couru que l'adversaire, et beaucoup couru. Et que nous avons fait le nécessaire.
Après, nous avons manqué des buts, on a permis que l'adversaire nous inscrive des buts, on a manqué des buts faciles à mettre, on a encaissé des buts faciles à éviter. Le système de jeu a eu un développement variable.
Parfois, nous avons joué moins que ce que nous pouvions jouer. Et tout ce que je suis en train de vous dire, vous l'avez beaucoup entendu de ma part.
- Monsieur Bielsa, beaucoup pensent ici que si Marseille n'est pas sur le podium à la fin de la saison, vous quitterez le club. Alors on n'est pas dans votre tête, on ne sait pas ce qui va se passer, mais le fait que vous disiez que vous n'êtes pas satisfait du travail que vous avez fourni avec les joueurs que vous avez à votre disposition, justement, cela ne vous pousserait-il pas à rester pour amener ce groupe plus haut, au sommet ? Il faut que je lutte pour que l'équipe figure dans les trois premiers, et je dis cela avec beaucoup de tristesse, car je ne peux pas dire qu'il faut que nous luttions pour que l'équipe soit championne. Je crois que les possibilités de lutter pour le titre étaient très accessibles, vraiment très accessibles. Ca, c'est le premier point. Le second point, c'est que l'on peut expliquer chaque match, mais notre obligation est de produire des résultats, et la mienne particulièrement. Si l'on ne lutte pas pour le titre jusqu'à la dernière journée, évidemment, nous devons nous trouver parmi les trois premiers.
En ce qui concerne la question en particulier, pour moi, en lien avec un projet de travail, que l'équipe que je dirige participe à telle ou telle compétition internationale, n'est pas une condition
sine qua non. D'aucune manière, j'argumenterais que je veuille intégrer ou continuer ou non dans une institution en fonction des compétitions auxquelles elle participera. Pour moi, un projet sportif comporte beaucoup de données plus importantes plus que celles-ci. Tout cela je le dis, et j'ajoute avec force, que de ne pas avoir combattu pour le titre est une immense déception, que de placer cette équipe parmi les trois premiers ferait qu'on parle très mal de ma gestion.
Je suis obligé, et il en va de ma responsabilité, de placer cette équipe parmi les trois premiers. Il n'y aucun argument qui permettrait d'expliquer une éventuelle position différente aux trois premières places.
- Monsieur Bielsa, je voulais juste éclaircir une info que l'on a lu ces derniers jours. On a pu lire que Margarita Louis-Dreyfus était venue vous voir, la patronne, justement pour vous demander de rester une saison supplémentaire. Est-ce que c'est vrai ? Ce qu'elle m'a dit, c'est qu'elle désirait que je continue. Je veux être précis. Elle m'a aussi dit qui est la chose que j'ai le plus apprécié de son message. Qu'elle appréciait ma conduite sur le plan humain. De cette affirmation, je lui donne beaucoup plus de valeur que n'importe quelle autre.
Pour résumer ma position, et en essayant d'être à la hauteur de la reconnaissance que m'a faite la propriétaire, et ceci, en rapport avec ma conduite, quand se termine le championnat se terminera mon contrat. Je ne sais pas à quelle position figurera l'équipe. Je désire ardemment qu'elle soit deuxième ou troisième, et ce sera à ce moment-là que toutes les cartes seront abattues, pour faire n'importe quelle projection sur le futur de l'Olympique de Marseille.
Il n'en va pas de même de composer avec un entraîneur qui a atteint ses objectifs que de composer avec un entraîneur qui ne les a pas atteint. Nous, les entraîneurs, nous savons que, pour ne pas atteindre les objectifs, il y a un prix à payer.
En résumé, ce qu'il est convenable, c'est que chaque partie fixe sa position en ayant toutes les données en main. Et je valorise beaucoup ce que m'a dit la propriétaire en ce qui concerne ma conduite et mon comportement.
Et je place cela, même au-dessus, du fait qu'elle m'ait demandée de continuer au club.
- On a pu lire aussi que la Fédération saoudienne vous faisez une cour effrénée. Est-ce que vous pourriez quitter Marseille pour le projet de l'Arabie Saoudite ? Je ne parle d'aucune proposition quand je suis encore sous contrat. Et je ne me prononce seulement que lorsque j'aurais terminé ma relation. Ce qui est sûr, c'est que j'agirais dans ce sens et de manière correcte.
Je n'entamerais pas des discussions à propos d'une offre si j'ai un contrat en cours.
- On a l'impression donc, du coup, si vous dites vrai, et je n'en doute pas, que vous n'avez pas pris votre décision encore. Est-ce vrai ? Ce n'est pas comme ça. Ici, je n'ai rien dit de différent que ce que je dis à chaque fois que je m'exprime. Je réponds toujours à des faits concrets. Que la propriétaire du club m'a dit "j'aimerais que vous continuiez avec nous" n'est pas la même chose que de renouveler un contrat qui se termine.
J'estime énormément les mots de la propriétaire, mais je répondrais seulement si je reçois du club une proposition concrète. Et cela, c'est bien mieux si le club le concrétise, s'il le désire, après avoir qualifié la manière de me comporter.
Donc ce n'est pas la même chose si nous finissons premiers, que si nous finissons troisièmes ou quatrièmes. Ce qui correspond d'après moi comme professionnel, c'est de permettre que le club évalue le fait que je prolonge ici ou non, en ayant en main tous les éléments pour pouvoir juger. Si cela est bon pour moi ou est mauvais pour moi. Et s'ils prennent une décision en particulier, on écoute et on y répond.