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COUPE DE FRANCE FÉMININE; La double vie de Coline Gouineau; La défenseure de l'OM jongle entre ses deux métiers : marin-pompier et footballeuse
Cette saison, Yacine Guesmia, l'entraîneur de l'OM, ne s'est jamais passé d'elle en championnat. Même pas une minute. Titulaire et présente sur l'intégralité des quatorze journées de D2 jusque-là (1 260 minutes au total), Coline Gouineau est la joueuse la plus utilisée de l'antichambre de l'élite du football féminin français. Et l'une des principales raisons de la solidité de l'arrière-garde olympienne, deuxième meilleure défense de D2 avec six buts encaissés.
Son secret pour performer ? Ne pas dormir, ou très peu. "C'est lorsque j'ai le moins dormi (la veille d'un match) que je cours le plus", sourit la native de Blois (Loir-et-Cher). Car depuis son arrivée à l'OM à l'été 2020, la défenseure de 26 ans mène une double vie professionnelle entre les pelouses du Campus et la caserne de Louvain (8e arrondissement) où elle officie en tant que marin-pompier. C'est justement son second (et bientôt unique) métier qui l'a amenée à Marseille. Et son père, pompier professionnel à Albi, puis son frère, marin-pompier à la caserne de la Pointe-Rouge (8e arr.), qui lui ont transmis la passion de l'uniforme.
Deux à trois gardes
de 24 heures par semaine
Elle décide donc, à l'été 2019 et à seulement 23 ans, de mettre le football de côté et d'arrêter ses études (Master 1) pour rejoindre la cité phocéenne et suivre une formation de marin-pompier. Un choix peu évident après sept saisons disputées entre D2 et D1 avec l'ASPTT Albi (2007-2017) puis Dijon (2017-2019), des couleurs sous lesquelles elle aura connu deux montées dans l'élite (2014 et 2018). "Cette décision était dure à prendre car j'avais 23 ans et je jouais en D1 mais je voulais un vrai métier, retrace la défenseure centrale. Tu peux vivre du football féminin mais ce n'est pas comme chez les hommes où tu peux te 'mettre à l'abri' donc j'ai prévu la suite."
Mais la passion du ballon rond ne s'évapore pas en un claquement de doigts : "Quelques semaines après mon arrivée, Jean-Christophe (Colombi, ancien adjoint au club) m'a contacté. L'OM était encore en D1 mais j'étais en formation toute la semaine donc ce n'était pas possible. Puis, l'été suivant (après avoir intégré le bataillon de Louvain), je me suis renseignée pour faire du foot 'tranquille' avec la réserve. Il n'y en a pas eu donc j'ai intégré le groupe D2."
Le point de départ d'une aventure olympienne... qui aurait pu se conclure l'été dernier. "Je me suis posé la question puis je me suis dit que ce n'était pas possible d'arrêter comme ça, avoue Coline Gouineau. Je ne regrette pas et je crois que je m'en mordrais les doigts si j'avais dit stop." Car ses deux premières saisons à l'OM font sans doute partie des plus compliquées de sa carrière. La faute, dans un premier temps, au covid qui a subitement interrompu les championnats en mars 2020. Puis, à une seconde saison durant laquelle les Marseillaises ont obtenu leur maintien (7es sur 11) grâce à quatre victoires dans le sprint final.
Cette année, la donne est différente. Sous l'impulsion de son nouveau coach, Yacine Guesmia, le club olympien côtoie à nouveau les premières places de sa poule et Coline Gouineau exprime tout son talent. "Ce n'est pas dérangeant (sa double carrière) car c'est une fille qui ne fait pas semblant et même si elle est fatiguée, elle ne lâche jamais. Elle a un métier où il faut être une vaillante, souligne l'entraîneur marseillais. Elle est bien organisée pour faire son planning, donc c'est huilé. Elle prévoit ses jours de repos pour les matches."
Cette "double vie" suscite forcément l'admiration de ses coéquipières, dont certaines allient également football et petits boulots ou études, mais également de ses camarades de caserne. "Je trouve qu'elle gère plutôt bien, appuie Guenael Borneres, avec qui elle a passé sa formation. Très souvent, on ne dort pas la nuit et le lendemain, en sortant de garde, elle doit aller à l'entraînement. Elle est titulaire à chaque match alors qu'on pourrait se dire que son second métier provoque une perte de performance. C'est beau à voir, elle a vraiment de l'envie."
Finir en beauté ?
Malgré les perches tendues par ses collègues de bataillon et ses coéquipières, celle qui est également championne du monde militaire avec l'équipe de France depuis l'été dernier tirera sa révérence en fin de saison : "Cela nécessite beaucoup de sacrifices au quotidien, dans ma vie privée. Je ne vois pas beaucoup ma famille et lorsque je prends des vacances avec le boulot, c'est pour l'OM. Je ne regrette pas mais j'arrive à un âge où j'ai envie de profiter de ma vie et de mes proches." Avant de poursuivre : "Je ne pensais pas que c'était possible, qu'on me fasse confiance car oui je fais un métier sportif mais ce n'est pas facile, je loupe des entraînements, j'arrive parfois aux matches sans dormir (elle effectue deux à trois gardes de 24h par semaine)...Je remercie d'ailleurs l'OM pour ces trois années."
Avant de fermer le livre, il reste encore des objectifs à aller chercher : une troisième montée en D1 et, pourquoi pas, une coupe de France. Première réponse aujourd'hui, en quart de finale, face à Thonon-Évian.
La ProvencE