Information
« Il était pétri de qualités, mais à l'état brut » : le nouveau joueur de l'OM Ismaël Koné raconté par Wilfried Nancy
Vainqueur du Championnat américain l'an dernier avec Columbus Crew, l'entraîneur français Wilfried Nancy a façonné Ismaël Koné à Montréal en 2021 et 2022. Il raconte la progression du garçon de 22 ans, première recrue de l'OM cet été.
Wilfried Nancy est un homme occupé. Mais quand on contacte le coach de Columbus Crew pour évoquer Ismaël Koné, la première recrue estivale de l'OM, en provenance de Watford, il revient vers nous pour raconter ce minot qu'il a façonné au CF Montréal : « Il le mérite ! »
« Quel est votre premier souvenir d'Ismaël Koné ?
Début 2021, le directeur sportif Olivier Renard me dit qu'on prend à l'essai un joueur originaire de Montréal qui avait failli rentrer à notre académie, avant de commencer dans un petit club local (le Club de Soccer Saint-Laurent), puis de tenter sa chance en Belgique (Genk, Mouscron). Il arrive à l'entraînement et, en deux touches de balle, je suis saisi. Ismaël est là comme s'il jouait avec ses potes, il est naturel, il a de la personnalité.
Comment cela se passe-t-il ensuite ?
On est sur la fin du Covid, l'année 2021 est bizarre, il s'est entraîné un peu avec la réserve, mais il est surtout resté avec nous. Il avait besoin d'une structure claire et définie : Ismaël est un jeune qui n'a pas connu de centre de formation. Il était pétri de qualités, mais à l'état brut. Il ne savait pas comment s'entraîner, avec la discipline nécessaire. Il m'a appris à être patient.
C'est-à-dire ?
Logiquement, il ne connaissait pas les codes, mais moi, je n'étais plus le formateur du CF Montréal, j'étais le coach qui avait succédé à Thierry Henry et qui devait avoir des résultats, j'aurais pu m'impatienter. Je voyais le talent, il lui a fallu apprendre à devenir régulier pendant les entraînements, mais aussi avant et après. Il avait besoin de temps, je l'ai gardé avec moi alors qu'il n'avait rien prouvé. L'idée était de ne pas le robotiser, mais de lui faire prendre conscience d'avoir les bonnes attitudes. J'ai alterné les leviers avec lui, en le cajolant parfois, en étant ferme à d'autres moments. Comme un père avec son fils.
Quand l'avez-vous lancé en pro ?
J'aurais dû lui donner des minutes de jeu en 2021, il le méritait. Pendant huit mois d'apprentissage, il s'était fondu dans le groupe, il avait assimilé tactiquement, tout ça était respectable. Deuxième match de la saison 2022, il est titulaire, et il va griller les temps de passage ensuite. La MLS découvre un joueur qui court longtemps, douze à treize kilomètres, facile, grand de taille avec son 1,88 m. Il a le profil d'Abou Diaby, box to box, très chaloupé, rapide balle au pied. Un beau bébé, pas encore bien taillé, mais avec de vraies prédispositions.
Lesquelles ?
Il voulait tout le temps aller sur le même rythme. Or, notre jeu est de surprendre l'adversaire, on doit temporiser pour mieux accélérer après. Il a appris à avoir la bonne position du corps, à varier, dix touches parfois, une touche parfois, à aller entre les lignes, à prendre la profondeur. Il évoluait dans un double pivot, mais aussi en numéro 6 ou dans une position entre les lignes, en numéro 10. On avait deux numéros 10 entre les lignes, il a appris les late runs, venir de derrière faire la course en profondeur, comme une deuxième vague, avec un dépassement de fonction pour un milieu relayeur.
Quels sont ses matches marquants avec Montréal ?
Il a eu le déclic contre Santos Laguna, en Ligue des champions Concacaf, en février 2022. On joue devant 35 000 personnes, on gagne 3-0, il marque un top but, devant tous ses potes en tribune. Il avait été extraordinaire. En octobre 2022, il marque un but important en quarts de finale des play-offs contre Orlando. Un but sur lequel on avait beaucoup travaillé, pour attirer l'adversaire, le manipuler et le prendre de vitesse. Il est très bon dans l'enchaînement, cela couronne une performance stratosphérique, alors qu'il avait beaucoup de pression pour son âge (20 ans).
Quand vous a-t-il touché au coeur ?
Quand il a signé son premier contrat pro en août 2021, il était très ému, sa mère aussi. Il est arrivé au Canada pendant l'enfance, depuis la Côte d'Ivoire, il a toujours dit qu'il ferait tout pour devenir pro et aider financièrement sa maman, il voulait la mettre à l'abri, il était parti tenter sa chance en Belgique pour cela. Il avait réalisé cet objectif initial, c'était beau. On nous avait pris pour des fous à son arrivée, des gens au club n'y croyaient pas car il venait de nulle part, il n'avait pas de références. Et là, il était récompensé.
Comment le voyez-vous évoluer sous Roberto De Zerbi, à l'OM ?
Ah, De Zerbi ! Il devrait faire jouer ''Isma'' dans la paire des deux milieux qui vont combiner avec les centraux et faire le lien entre les deux lignes. Pour De Zerbi, les centraux sont fondamentaux dans la construction. Après, ''Isma'' est un relayeur qui se déplacera, parfois numéro 6, parfois numéro 10. Il se projettera, pas de soucis. Il a un style à la Pogba, techniquement propre, avec une capacité à percuter avec le ballon, à briser les lignes. Mais en partant d'un peu plus bas sur le terrain.
Où doit-il s'améliorer aujourd'hui ?
Dans la dernière passe. Il sait faire circuler la balle, jouer entre les lignes, mais dans la dernière passe, il peut être plus précis. Dans sa finition, dans le dernier tiers, il confond parfois vitesse et précipitation. Il est très calme, très serein avant, mais se disperse un peu dans le dernier tiers.
Le voyez-vous réussir à Marseille ?
Il faudra lui donner du temps, bien sûr. Mais il n'a pas peur, il a choisi Marseille parce qu'il est courageux, il veut affronter l'adversité. Il connaît le contexte d'un top club, après, il va le vivre, ça ne s'enseigne pas. »