OM. Ismaël Koné, la folle histoire de la première recrue de l'ère De ZerbiLe milieu, né en Côte d'Ivoire et arrivé enfant au Québec avec sa maman, a connu un parcours atypique, loin des centres de formation. Avec sa prochaine signature à l'OM, il réalise son rêve de jouer pour un grand club européen.C'est une histoire à nulle autre pareille, celle d'un enfant né à Abidjan sur le point de devenir l'un des joueurs canadiens les plus chers de l'histoire du soccer national, un gamin au sang ivoirien mais à la double culture africaine et québécoise, qui déclara un jour préférer jouer au foot par -35 degrés que sous la chaleur du Qatar pendant le Mondial-2022.
Ce même enfant, devenu un longiligne et coté milieu de terrain, va devenir, après l'accord de principe officialisé vendredi par l'OM, la première recrue de l'ère De Zerbi, ce qui classe tout de même le talent d'Ismaël Koné, recruté à Watford pour 12,5M€ hors bonus. Ses qualités, nous y reviendrons, il les a forgées au gré d'un début de vie où il a migré en Amérique du Nord à l'âge de 7 ans pour fuir la guerre civile en Côte d'Ivoire, sans son père Salif, ancien footballeur.
"Il habitait dans une petite maison seul avec sa maman Suzanne, rembobine Rocco Placentino, directeur sportif du club de Saint-Laurent, qu'il a rejoint à 14 ans. Quand tu arrives dans un nouveau pays, tu dois tout refaire mais sa mère a travaillé, travaille encore. Lui était un jeune qui voulait seulement jouer au foot et avait des rêves."
"Elle l'élevait seule et c'est une grande force, une vraie source d'inspiration pour lui", estime Paul Fromont, l'un de ses premiers entraîneurs dans la formation du quartier de Montréal où la famille Koné vivait, Notre-Dame- de-Grâce, son équipe de 9 à 14 ans. Ici, il fait forte impression et gagne très vite un nouveau sobriquet, "l'artiste".
Basket, polyvalence et déneigeur occasionnelLes atouts de celui qui avait également un bon niveau au basket sont nombreux et ne le quitteront pas : "Il était intelligent dans le jeu, il a compris la tactique très jeune. Il était aussi très habile et apprenait plus vite que les autres, un vrai leader qui tirait ses partenaires vers le haut", poursuivent Fromont et son confrère au club Tony Pulcini, qui se souviennent avec émotion des ronflements du gamin en rentrant d'un match à l'extérieur, d'une cheville tordue qui s'est miraculeusement rétablie avant la finale d'un tournoi, ou de ces samedis matins ou Koné faisait du rab en remplissant manuellement les scores du club dans une machine pour gagner quelques dollars canadiens qu'il reversait à Notre-Dame pour financer les frais de tournois.
Pour poursuivre sa progression, le jeune Québécois change d'écurie pour celle de Saint-Laurent, où il peaufine sa polyvalence : le milieu central évolue aussi ailier droit ou gauche, parfois avant-centre.
"Il faisait bien mieux que les autres sur les choses simples, témoigne Rocco Placentino. Quand il était entouré de deux ou trois joueurs adverses, tout le monde se disait 'Oh my god, il va la perdre', mais il finissait toujours par s'en sortir. Il était vraiment à l'aise avec le ballon. Il a aussi une très belle frappe, je lui ai toujours dit qu'il devait plus s'en servir, il est capable de marquer des deux pieds." Malgré les coupures liées au Covid et l'interdiction de pratiquer le sport en intérieur, la motivation ne faiblit pas et Ismaël Koné s'improvise de temps à autre déneigeur pour pouvoir s'entraîner en extérieur, seul ou avec ses potes. Ce club amateur, coronavirus ou pas, est le tremplin parfait vers le monde professionnel. Après quelques essais en Belgique, c'est chez le géant local du CF Montréal (anciennement Impact Montréal), qu'il signe à l'été 2021. "Après la réalisation de son rêve, on était ensemble dans la voiture et il m'a dit : 'Moi je veux aller jouer en Europe avec les grands clubs.' Il était déjà dans le coup d'après."
"Regarde, maman, on l'a fait"Le Varois Wilfried Nancy, son coach à Montréal durant un an et demi, était présent le jour de la signature. "Il avait toujours dit à sa mère qu'il allait devenir professionnel pour l'aider. Quand cela s'est réalisé, il a beaucoup pleuré, sa mère était émue aux larmes. Ils ont une relation fusionnelle, elle a fait beaucoup de sacrifices."
"Regarde, maman, on l'a fait", avait-il publié sur Instagram quand il a été convoqué au Mondial-2022, après s'être imposé au CFM sous la houlette de Nancy, qui découvre un talent brut mais pas (encore) adapté au monde professionnel. "Je n'ai pas hésité à le lancer mais on a eu des "je t'aime moi non" plus parce qu'il avait besoin de structure. Attention, il n'avait pas un mauvais comportement mais il ne savait pas ce que voulait dire devenir footballeur pro. Il n'a pas eu la vie facile mais il a mûri rapidement grâce à ça. J'ai été patient, il a bien bossé, gommé sa nonchalance et appris l'humilité. C'est un bon garçon qui joue de la même façon avec ses amis ou pour son travail, il n'a peur de rien." Avant de pouvoir dire qu'il ne craint dégun, il faudra confirmer à Marseille ce qu'il a montré au Canada et à Watford : des qualités physiques et techniques (passes, dribbles qui cassent les lignes et frappes, la palette est complète) très au-dessus de la moyenne.
"L'incertitude qu'il instille chez l'adversaire quand il a le ballon est un vrai atout pour son équipe puisqu'il peut tout faire, développe Nancy. Il a une sacrée capacité à accélérer sur les premiers mètres. En cela, il me fait penser à Abou Diaby, toutes proportions gardées. Il était tellement dominant qu'il jouait à plusieurs postes mais je l'ai replacé en 6 ou en 8. Ismaël est très bon dans la lecture du jeu et l'anticipation, c'est un athlète dans le duel, un beau bébé. Il est donc capable de récupérer des ballons, mais ce n'est pas Marcel Dib non plus (rires)."
"Il est très fort mentalement, mais Marseille c'est Marseille"Pour Koné, il va toutefois falloir trouver de la constance et prouver qu'il a la personnalité pour s'imposer encore plus haut. Deux autres joueurs venant de D2 anglaise ont appris à leurs dépens cette saison que l'OM n'était pas l'endroit le plus évident pour s'épanouir en tant que footballeurs, Iliman Ndiaye et Ismaïla Sarr. Il pourra d'ailleurs demander des conseils à ce dernier, avec qui il a joué à Watford (63 matches, 4 buts, 4 passes décisives en tout pour le Canadien). Mais il arrive, en tout cas, en terrain conquis puisque Roberto De Zerbi a validé son transfert. "Il aime l'adversité, je ne suis pas surpris par son choix. C'est un nouvel environnement, comment va-t-il gérer ? À Montréal, il avait vite gagné le respect de tous en restant à sa place. Ce qui est sûr, c'est qu'il est très fort mentalement, mais Marseille c'est Marseille."
La nuit dernière, après avoir arraché de haute lutte contre le Chili d'Alexis Sanchez (0-0) la qualification en quart de finale de Copa América, Koné, qui n'est pas entré en jeu, en a eu un aperçu. Lancé par un supporter de l'OM présent à Orlando, il a entonné l'hymne du rap du 13 ("C'est pas la capitale, c'est Marseille bébé") pour se fondre déjà dans l'ambiance. Cette acclimatation sous le soleil provençal "sera plus facile pour lui si sa maman (qui est restée à Montréal quand Ismaël Koné jouait à Watford) le suit à Marseille", consent une source dans son ancien club québécois. "J'ai toujours dit que je jouais pour ma mère, après tout", avait déclaré l'international canadien en 2022. Bientôt, chaque week-end, à l'ombre de la Bonne-Mère, il jouera aussi pour tout le peuple olympien.
La Provence
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