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PORTRAIT; Merlin dans le grand monde; Le latéral gauche, qui a toujours vécu en Loire-Atlantique, va jouer son premier match avec l'OM ce soir à Lyon. Retour sur ses années de formation, entre le FC Goéland, Pornic et le FC Nantes, où il a laissé d'excellents souvenirs.
Ils n'ont pas été nombreux, les coups de génie de Raymond Domenech lors de son court mandat nantais, entre le 26 décembre 2020 et le 10 février 2021. Huit matches, aucune victoire, mais au moins, le vice-champion du monde 2006, battu par Gennaro Gattuso et les Italiens, a offert à Quentin Merlin son premier match en pro, face au RC Lens de Jonathan Clauss. Il avait 18 ans, n'était pas encore latéral gauche, mais son éclosion n'avait surpris personne et a été confirmée par la suite : il s'est imposé en Ligue 1 sous les ordres d'Antoine Kombouaré, Pierre Aristouy et Jocelyn Gourvennec, a gagné la coupe de France, découvert la coupe d'Europe, vise les JO avec les Espoirs, et a vécu son premier transfert (12M€), vers le club du Sud de la France qui mettrait sur les nerfs le moine tibétain le plus zen du monde.
Cela pourrait l'aider à s'imposer à l'OM : Merlin a du calme et de la maîtrise à revendre depuis ses premiers pas au FC Goéland, le club de Sainte-Marie-sur-Mer (une station balnéaire faisant partie de Pornic), et de son père, pilier sur lequel a longtemps reposé sa carrière naissante. "Quentin est la fierté de tout le Pays de Retz, estime le secrétaire et éducateur Jacques Suhard qui l'a vu débarquer très tôt chez les Goélands. Son père était responsable des sections jeunes et jouait aussi en seniors, donc le petit était tout le temps au club, autour des terrains, il jouait dans son coin. Il s'est avéré qu'il était pas mal, donc il a commencé les entraînements à 5 ans et sa patte gauche m'a tout de suite impressionné, il pouvait faire des changements d'aile dans les pieds sans problème."
Il a joué à presque tous les postes au centre de formation
En quatre ans chez les Sanmaritains, qui évoluent en jaune et vert comme le FC Nantes, qui avait prêté ses jeux de maillots au club de village en 1974 (les couleurs sont restées), Merlin fait vite le tour de la question. Suhard est formel : "Ça ne servait plus à rien qu'il reste, il devait rejoindre les Canaris. Il voulait devenir pro dès gamin, c'était dans ses gènes." Un an en U11 dans le plus grand club de l'Ouest qu'il supporte, avec quatre déplacements hebdomadaires (à presque une heure de route), suffit de convaincre tout le monde de reporter le passage définitif au FCN à son entrée au centre de formation, à 13 ans. Entre-temps, il jouera deux ans à Pornic.
"Il a fait dix saisons chez nous en tout, son talent était bien identifié, mais il n'était pas forcément en tête de liste. Bien sûr, sa patte gauche était marquante, il avait une qualité de passe, une aisance, une élégance, il avait déjà des attitudes et des gestes de petits pros, même si courir, ce n'était pas toujours son truc", se souvient Samuel Fénillat, directeur du centre de formation de Nantes. Celui qui a vu passer Dimitri Payet, Jordan Vérétout, Valentin Rongier ou Amine Harit ("Il était plus sage que Jordan ou Amine, je lui ai dit pour plaisanter de plutôt se rapprocher de Valentin à Marseille", rit-il) prévient Merlin : s'il ne fait pas plus d'efforts dans les courses, la générosité et le repli défensif, il n'ira pas bien loin. Le message passe très vite à en croire Fénillat : "Quentin et son entourage étaient très à l'écoute, c'est un garçon qui ne se pose pas beaucoup de questions, qui est stable, naturel".
Et qui a une polyvalence rare : milieu défensif, relayeur, offensif, ailier, piston, et même parfois attaquant, Merlin joue partout durant sa formation, et devient latéral gauche de fortune chez les pros parce qu'Antoine Kombouaré en est dépourvu dans son effectif.
"La pression marseillaise
va le stimuler, pas l'inhiber"
À l'été 2022, six mois après sa seule apparition en pro, il effectue la présaison avec les grands mais arrive en retard avant un déplacement : "C'était à cause d'embouteillages entre Pornic et Nantes, je lui avais dit que je n'étais pas content. Mais c'était un accident. Il avait joué le lendemain avec nous, il avait marqué et fait un super match", déroule Stéphane Ziani, entraîneur de la réserve. "Il est sérieux, attachant mais j'étais très exigeant avec lui parce qu'il avait le problème classique des joueurs talentueux, il avait tout eu facilement : le pied gauche, la lecture du jeu, la technique, le physique, le mouvement permanent... L'oeil était obligatoirement attiré par Quentin. Il fallait constamment le stimuler parce qu'on sentait qu'on pouvait le pousser plus loin. Il ne comprenait pas toujours et les gens autour du terrain non plus", se marre le champion de France 2001. Pour ceux qui l'ont formé, Merlin a tout pour s'imposer à l'OM : les qualités footballistiques, le mental, l'habitude de la pression d'un public de connaisseurs ou une faculté d'adaptation au-dessus de la moyenne... Mais combien de joueurs ont perdu leur aisance et leur confiance en eux en posant le pied à Marignane ?
Fénillat poursuit : "Pas grand-chose ne le stresse. Il ne perdait pas ses moyens, gardait sa maîtrise, et n'avait pas peur, même lors de ses premiers matches en pro. Sa personnalité et son assurance vont l'aider dans cette nouvelle étape, même si j'aurais aimé qu'il reste encore un peu à Nantes !" Stéphane Ziani est aussi convaincu : "La pression marseillaise va le stimuler, pas l'inhiber. C'est quelqu'un d'authentique et d'insouciant à la Vérétout ou Ribéry, ce caractère me fait penser qu'il va réussir à Marseille, un endroit où tu échoues si tu intellectualises trop les choses. Il ne faut pas oublier non plus que quand il s'impose avec Antoine (Kombouaré), ce dernier avait eu des mots durs sur les jeunes du club. Il avait en quelque sorte le poids de la formation à la nantaise sur les épaules. Il avait tout pour se déchirer, mais il a été bon."
Loin de sa famille et de ses attaches du Pays de Retz, se fera-t-il à sa nouvelle vie ? "J'avais besoin de sortir de ma zone de confort pour me découvrir humainement. J'étais le chouchou à Nantes, là je vais vivre et continuer la vie seul", a-t-il déclaré lundi pour sa présentation. Quelques jours plus tôt, une fois le transfert quasiment bouclé, il avait fait un dernier tour de tous les bureaux administratifs et sportifs de La Jonelière pour dire merci et au revoir. Raymond Domenech était déjà loin depuis longtemps, mais c'est dans la banlieue de Lyon, sur les terres de son premier entraîneur chez les pros, qu'il enfilera pour la première fois son maillot de l'OM aujourd'hui. Et deviendra, dans le même temps, un joueur du dimanche soir, le créneau des braves et des chocs de Ligue 1, son nouvel univers. Le grand monde si proche et si loin des mercredis après-midi à taper dans le ballon avec ses copains du FC Goéland.
La Provence