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Dans les coulisses de l'intégration réussie d'Amir Murillo à l'OM
Recrutement le plus surprenant et le moins clinquant de l'été de l'OM, Amir Murillo, discret international panaméen de 27 ans, a réussi son intégration dans le groupe et ses premières titularisations à l'automne.
Appelez-le Amir, et surtout pas Michael ! Dans la vie de tous les jours, Michael Amir Murillo est un garçon discret et adorable, qui se fond dans un vestiaire sans la moindre anicroche, et seule cette histoire de prénoms peut réussir à le crisper. Quelques secondes, pas plus. « Il bosse, il est tranquille, il ne parle pas. Quand tu as cette attitude, tu sais que l'opportunité viendra », dit Chancel Mbemba, lui aussi passé par Anderlecht pendant sa jeunesse (2011-2015). Très attaché au club bruxellois, le roc congolais sourit : « Je regarde tous les matches des Mauves. Je savais qu'il était un bon joueur, mais ce n'est pas facile de s'imposer dans un club comme l'OM. »
Fin août, le transfert de Murillo, pour près de 3 M€, a étonné de l'autre côté de la frontière franco-belge. Et d'abord le principal intéressé, qui a failli faire le deuil de l'aventure marseillaise avant même qu'elle ne commence. « Les premiers contacts avec Javier Ribalta (ancien directeur du football, qui a quitté le club marseillais en octobre) remontent à la fin juin, confie un proche du joueur. Mais Amir a fait une rechute aux ischio-jambiers, lors de la Gold Cup avec le Panama, début juillet, et le dossier est resté en stand-by. » Les images de la première IRM réalisée par le médecin de la sélection nationale ne s'avèrent guère rassurantes, l'opération est même envisagée. Un autre praticien, connu sur la place d'Anvers, va apporter de la nuance : le joueur est bon pour plusieurs semaines de convalescence, il pourra reprendre en septembre. Il délivre ce message au staff médical de l'OM, Ribalta n'a pas abandonné la piste.
Murillo est une envie du coach Marcelino, l'Espagnol appréciant ses qualités athlétiques et ses centres précis. Mais le Panaméen n'a jamais joué pour le technicien qui a souhaité le prendre. Retapé, il connaît sa première titularisation contre Monaco, le 30 septembre (2-3), sous la férule de Gennaro Gattuso. L'Italien le fait évoluer aussi bien à gauche qu'à droite, dès que Renan Lodi et Jonathan Clauss sont blessés ou suspendus.
Expulsé pour un coup de coude après qu'un adversaire lui a touché les fesses
Sur le terrain, Murillo ne fait pas de vagues, il tâche de contenir ses péchés bruxellois. « "Papito", il nous désarçonnait, dit tendrement Floribert Ngalula, adjoint de Vincent Kompany à Anderlecht, désormais à Burnley aux côtés du technicien belge. Sur les gros matches, il était prêt pour le combat, il réduisait au silence les meilleurs ailiers du Championnat, il a été étincelant face au Bruges de Philippe Clement, j'ai vu (Kaoru) Mitoma (ailier japonais de Brighton, alors à l'Union Saint-Gilloise) changer de côté tant il le marquait bien. Et puis sur les "petits" matches, il pouvait baisser d'intensité, avoir des sautes de concentration, laisser centrer facilement un ailier moyen. Il en avait conscience, on faisait des séances vidéos, on essayait de le motiver pour ce type de rencontres. »
Murillo connaît des hauts spectaculaires. Arrivé début 2020, il réussit un magnifique début de saison suivante. Kompany le bade, son apport offensif, dans une équipe conquérante, est important. « On l'avait recruté au New York Red Bull pour 900 000 €, uniquement sur vidéos, à une époque où on se lançait dans la data et on élargissait nos territoires de scouting, confie Michael Verschueren, alors directeur sportif d'Anderlecht. Sa puissance, sa rapidité, la répétition des efforts, tout cela nous impressionnait. Un garçon positif, mais au mental parfois fragile, pour des raisons qui m'échappent. »
Les creux sont ainsi majuscules. Après un transfert avorté au Spartak Moscou, en août 2021, et la fin du mirage d'un contrat pharaonique, la tête n'y est plus pendant de longues semaines. Certains adversaires de Pro League appuient aussi sur son côté sanguin. Le 31 octobre 2021, « pour le titiller », Sébastien Dewaest, défenseur de Louvain, lui caresse les fesses. Murillo lui assène un coup de coude et prend un rouge. « Ma réaction n'était pas bonne, mais il ne m'a pas respecté non plus, explique le latéral droit à la presse belge. Au Panama, vous ne trouverez pas une seule personne qui fait ça. Ça entraînerait une bagarre générale. Même ses équipiers lui en voudraient. Bien sûr qu'on a déjà souvent essayé de me provoquer, mais avec des paroles. Même quand on m'a fait des remarques parce que je suis noir, je m'en fiche. Du moment qu'on ne me touche pas ainsi. »
Buteur avec Anderlecht lors du premier match auquel a assisté sa mère en Belgique
Kompany concentré sur son tableau noir, Floribert Ngalula passe de longues heures à échanger avec un « garçon simple, très croyant, qui n'aime pas se faire remarquer et ne pense qu'à la famille. Il était loin d'eux et se réconfortait par de longues sessions en visio ». Sa maman se déplace en Europe pour la première fois pour assister à un match contre Zulte-Waregem (4-1, le 21 mars 2021), Murillo ouvre son compteur et Floribert croise Rosalia dans les couloirs du stade : « Je lui ai dit : "Vous pouvez être fière de votre fils, de l'avoir élevé avec de telles valeurs. Merci pour ce bon gars". » Murillo ne rate jamais l'occasion de célébrer Rosalia. « Elle est mon énergie, la personne la plus importante de ma vie », glisse-t-il. Dans la petite ville de Colon, elle s'est occupée, seule, d'Amir, de son grand frère et de ses quatre soeurs, tous dormants dans la même pièce.
« Mon enfance a été difficile, parfois, on n'avait rien à manger le soir, nous confie Murillo. Dès l'âge de 10 ans, j'ai fait des petits boulots pour aider maman, j'aidais des gens à porter leurs courses, à monter des meubles, j'allais sur des chantiers de construction. » Il n'aime pas le sport national, le baseball, trop lent et ennuyeux à son goût, et lui préfère le ballon rond. Un homme va changer sa destinée : « Ezequiel Gomez. Il a créé l'académie de l'Olympic Colon (en 2010), et avec un autre coach, Joaquin, ils ont cru que je pourrais réussir une carrière dans le foot. » Alors attaquant, Murillo va gravir les échelons, signer pour la réserve du San Francisco FC, le grand club du Panama, s'imposer en équipe première avant de rejoindre l'eldorado, la MLS, au sein du New York Red Bull. Maman est à l'abri depuis longtemps, elle ne travaille plus, le fiston lui a payé une maison avec ses premiers salaires.
Son souvenir le plus fort reste attaché à sa sélection, avec le premier match du Panama en Coupe du monde, contre la Belgique, le 18 juin 2018 (0-3), et il file au pays dès qu'il peut, quitte à revenir avec un jour ou deux de retard, si la direction de son club n'est pas trop autoritaire. En ce mois de décembre, sa femme et sa fille Aelanys sont déjà parties en éclaireuses au Panama, mais Murillo a du boulot. Faire oublier Clauss, dimanche, puis Lodi, mercredi à Montpellier, suspendus tour à tour. Histoire de régler cette histoire d'Amir auprès du grand public, une fois pour toutes.