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CHANCEL MBEMBA; "Demi-dieu" redevient divin; Tout aussi tranchant dans la surface adverse, où il a déjà marqué cinq buts cette saison, le Congolais a repris les rênes de la défense olympienne, après quelques mois délicats.
Capitaine Chancel. Une première. De retour au sommet de l'Olympe, "Demi-dieu" méritait bien cet honneur. Brassard noué autour du biceps gauche, Mbemba a guidé les siens, jeudi soir, dans la froidure anglaise. Un privilège normalement réservé à Valentin Rongier, Samuel Gigot ou Geoffrey Kondogbia. Alors, en leur absence au coup d'envoi, le Congolais l'a fièrement porté 78 minutes durant... avant de rendre l'étoffe à son aîné centrafricain en signe d'allégeance. Le contraire n'aurait surpris personne, tant le guerrier silencieux, pilier du vestiaire, fait figure d'autorité.
Un taulier qui a renoué avec ses plus belles heures marseillaises, balayant sous le tapis sa traversée du désert. Six mois, entre la fin de l'ère Tudor et le début du chapitre Gattuso, où l'on ne discernait plus ce fabuleux défenseur enrôlé libre à l'été 2022. Un roc dans les duels, terreur pour les attaquants et gardiens adverses. Un meneur taciturne aujourd'hui retrouvé, entre interventions musclées et pions empilés (déjà cinq cette saison, deuxième total derrière Aubameyang). "Ma mauvaise passe ? Après le départ du coach Tudor, il y a beaucoup de trucs qui se sont passés au club. Ça fait mal, mais c'est la vie, a glissé hier le principal intéressé. Il y a aussi eu de la fatigue... Je joue tous les matches, même en sélection. Les avions pour se déplacer en Afrique, ce n'est pas comme en Europe. C'est usant. Les gens ne s'en rendent pas compte."
"Il a connu un passage plus compliqué, en partie à cause du changement d'organisation, du passage du marquage individuel à la zone, relève, pour sa part, Gennaro Gattuso. Là, il s'est amélioré au niveau mental et physique. C'est parfois difficile d'entrer dans sa tête, mais j'aime sa façon de parler, son calme. Son flegme me rassure et m'apaise. C'est quelqu'un d'une grande valeur, tant sur le plan humain que sportif."
Déterminant, le numéro 99 de l'OM l'est chaque semaine ou presque depuis que le Calabrais a posé son baluchon en Provence. Le stoppeur congolais est, d'abord, l'un des grands artisans de la forteresse dressée au Vel' (un but encaissé en L1, record dans les cinq grands championnats). Mieux, l'homme aux 12 réalisations sous le maillot olympien (67 apparitions), soit autant que certains illustres prédécesseurs (Salif Keita, Samir Nasri, voire Marius Trésor), n'inscrit jamais son nom au hasard sur le tableau d'affichage (il a toujours ouvert le score ou donné l'avantage à son équipe). "À ce niveau, c'est simple... Chancel fait partie du gratin de la Ligue 1", salue l'ex-Marseillais Jérôme Alonzo.
Même si le réveil du Léopard date de son naufrage en trois actes à l'Ajax, Paris et Monaco, fin septembre, la résurrection d'une arrière-garde à trois têtes, attelage au sein duquel il a ébloui la France dès son arrivée, lui sied à merveille. "Déjà, ça lui permet de chasser l'adversaire, de défendre en avançant, ce qu'il fait de mieux", note le consultant. "N'oublions pas qu'il a joué attaquant, de longues années dans sa jeunesse, insiste Jean-François Lenvain, un intime. Aller de l'avant, c'est inscrit dans son ADN. Il aime ça. Il peut plus facilement se lâcher, lorsque deux camarades le couvrent en permanence." Et, ainsi, servir des caviars, comme à Lorient le week-end dernier, sur le casque d'"Auba".
Décisif à deux reprises en moins de dix minutes sur la pelouse du Moustoir, l'international congolais (29 ans, 69 sélections) arborait un large sourire. Paisible et satisfait. Symbole d'un moral au beau fixe. Loin, très loin de son énigmatique sortie ("Je garde le silence, c'est mieux"), mâchoire serrée, quand les fidèles de l'OM, sous le soleil estival, s'interrogeaient sur son niveau et... son avenir. "Chancel est plus qu'un footballeur. C'est un sportif de haut niveau qui joue au football. La nuance est importante, note celui qui l'a couvé à Anderlecht, sa première expérience en Europe. Ce n'est pas quelqu'un qui rigole souvent, alors quand il n'est pas bon, blessé ou déçu... il se ferme comme une huître. On a parfois l'impression qu'il porte toute la misère du monde sur ses épaules. Mais cette conscience professionnelle extraordinaire est aussi sa plus grande qualité. Vu qu'il se remet tout le temps en question, il arrive à vite inverser la tendance et à avoir, in fine, une carrière très régulière au plus haut niveau. Chose qui est très rare chez les joueurs de son pays. Il est, objectivement, unique."
Cette singularité rejaillit même sur ses choix de carrière. Alors que nombre de ses confrères ont cédé aux sirènes de l'Arabie saoudite lors du précédent mercato, Mbemba, lui, n'a pas cillé. Droit dans ses crampons, il a refusé en moins d'une journée le pont d'or d'un club saoudien, qui avait proposé à l'OM une somme défiant toute concurrence pour racheter ses deux dernières années de contrat. "Si on sait se réjouir des choses hors normes que les champions peuvent apporter sur un terrain, il faut aussi accepter leurs décisions qui échappent au commun des mortels. Ces gens, comme Chancel, sont extraordinaires car ils ne raisonnent pas comme nous, pose Jean-François Lenvain. Il a bâti sa carrière sur la stabilité. Ce n'est pas un mercenaire du football. Partout où il est passé, il a toujours laissé une trace. Il a toujours voulu laisser une trace." À l'OM plus qu'ailleurs.
La Provence