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Mbemba, roc en stock
Arrivé libre en juillet, l’international congolais est devenu le pilier de la défense marseillaise. Avec une remarquable régularité. DE NOTRE ENVOYé SPéCIAL PERMANENT
MATHIEU GRéGOIRE MARSEILLE – Et si, dans l’ombre des vedettes venues de l’Inter Milan (Alexis Sanchez) ou de Manchester United (Bailly), dans le sillage de pistons aussi tonitruants qu’irréguliers (Clauss et surtout le fantasque Tavares), Chancel Mbemba était la plus belle recrue de l’été olympien ? Libre de tout contrat, l’international congolais de 28 ans n’a pas hésité longtemps avant de rejoindre l’OM, le 15 juillet, convaincu par un coup de fil du président Pablo Longoria, quelques jours plus tôt.
Le président espagnol savait qu’il ne pourrait lui proposer la somme réclamée pour prolonger au FC Porto (4 M€ net annuels), une demande qui avait fait achopper les négociations avec le club portugais. Mais il pouvait lui garantir jusqu’aux deux tiers de ce montant, au moins, sur trois saisons, et l’assortir d’un challenge sportif excitant, bien plus attirant que les offres sur la table, entre clubs du Moyen-Orient ou formations anglaises de seconde zone. Mbemba est venu, et on a vite vu. Il n’avait disputé que deux matches à Porto dans une défense à trois et un en sélection contre le Maroc en mars dernier ? Le voilà défenseur central le plus utilisé dans le système d’Igor Tudor, devant Leonardo Balerdi, Samuel Gigot, Sead Kolasinac et Eric Bailly, par ordre décroissant des minutes jouées.
Sa fiabilité épate le staff, quand lui dévoile sa philosophie en atmosphère pressurisée : « Lors de la saison 2020-2021, avec Porto, pour rester dauphin du Sporting, il fallait absolument éviter une défaite à Benfica à quatre journées de la fin et gagner un dernier match. J’avais très mal aux ischios, mais tous les membres du club sont venus me voir, un par un, pour me demander de jouer. Alors, j’ai joué, pas le choix, on a fait nul là-bas (1-1, puis victoire 5-1 contre Farense) et après, on m’a laissé me reposer, j’étais off pour les ultimes journées, direction les vacances ! » Le sentiment du devoir accompli pour un « leader silencieux du vestiaire », selon l’expression de Tudor, ou en tout cas avare en mots. Il préfère les longues notes vocales sur WhatsApp aux blagues de groupe, mais éclaire toujours par son comportement, classe et détaché. À Lisbonne, dans un match émaillé de vilaines fautes d’un Sporting à l’amertume délétère (2-0, mercredi), on l’a vu relever un adversaire et avoir quelques phrases de réconfort pour Nuno Santos, milieu portugais en perdition.
Décrit comme « gentil » et « fort mentalement »
« Chancel est un homme très gentil, très honnête, c’est un “authentique”, confie Olivier Deschacht, entraîneur adjoint de la sélection belge Espoirs. À son côté à Anderlecht, en charnière, j’ai vécu la meilleure saison de ma carrière, en 2014-2015. On est champions, on fait des matches fantastiques en Ligue des champions… Je suis bien plus âgé que lui (de treize ans) et il écoute bien. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes prennent mal les remarques et s’énervent, vous voyez le tableau. Chancel, à chaque petite erreur, il prend le temps de parler, réfléchir, digérer, corriger. »
Autre ancien coéquipier chez les Mauves, désormais adjoint à Anderlecht, Guillaume Gillet n’est pas étonné par le début de saison de ce joueur « réservé, souriant et positif » : « Chancel ne se pose pas mille questions. Le carton rouge à Tottenham (0-2, le 7 septembre) ne l’a pas fait tergiverser, il est fort mentalement, il sait pourquoi il est là. C’est un vrai soldat, tu peux compter sur lui à tout moment. Dans le un contre un, c’est une force de la nature, et il n’est pas dénué de qualité dans le jeu aérien, même si c’est un axe de progression, encore. En plus de ses qualités physiques, il a surtout cette facilité à attaquer l’espace balle au pied et à casser des lignes. Cerise sur le gâteau, il va te garantir cinq à six buts par saison, le luxe ! »
Auteur d’une transmission cruciale pour Amine Harit à l’origine de l’action du 2-0, à Lisbonne, Mbemba avait déjà scellé le score à l’aller, d’un geste d’attaquant (4-1, le 4 octobre). Loin des projecteurs, il s’occupe de tout et tient la maison.
L'Equipe