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Amine Harit : « Je dois passer un cap cette saison »
En vue avec l’Olympique de Marseille en ce début de saison, Amine Harit (25 ans) se confie sur sa progression, ses prises de conscience, son amour du dribble et son épanouissement sous les ordres d'Igor Tudor. Déterminé à passer un cap, l’international marocain n’a éludé aucun sujet, répondant avec sincérité et fraîcheur.
Lors de votre présentation, vous avez déclaré : « Cette saison, ça sera le Amine de la fin de la saison dernière, voire un peu mieux. » Mais à quoi correspond votre meilleur niveau ?
C’est une bonne question (sourire). Je ne sais pas parce que je pense qu’on peut toujours s’améliorer. Je crois au travail. J’ai encore beaucoup de points à perfectionner dans mon jeu pour être le meilleur joueur possible. Mais je ne me fixe pas de limite, le niveau d’un joueur n’a pas réellement de limite.
Malgré tout, à quels moments vous êtes-vous senti au top sur un terrain ?
Je ne me suis jamais senti au maximum, car j’ai toujours envie de faire plus. Bien sûr, il y a des prestations dont j’ai été très content, comme celle face au Sporting Portugal mardi dernier en Ligue des champions. Quand je suis décisif et que j’aide l’équipe à gagner, je suis très heureux à la fin du match. Mais je pense qu’avec du travail, je peux encore améliorer certains détails de mon jeu.
Jusqu’à présent, on a vu quel pourcentage d’Amine Harit à l’OM ? 60-70% ?
Peut-être 60%. J’ai encore beaucoup à donner. Je me sens de mieux en mieux au fur et à mesure des matchs, et je pense que ça va être une bonne saison collective et personnelle à la fois. Je dois être encore plus décisif. J’ai les capacités pour offrir des dernières passes et finir les actions. C’est à moi d’être un peu plus concentré devant le but, de savoir faire le geste juste. Car ce qui fait qu’un joueur est respecté aujourd’hui dans le football, ce sont les statistiques. Et c’est dommage !
Vous n’êtes pas fan des stats ?
Je n’aime pas. Pour moi, ça ne reflète pas le niveau d’un joueur sur un match. Maintenant, les gens se connectent sur une application de résultats, ils voient que tu as mis un ou deux buts et ils se disent directement que tu es exceptionnel, alors que ça ne reflète pas forcément le match… On peut marquer et avoir fait un mauvais match.
Depuis votre arrivée à l’OM, et plus particulièrement la deuxième partie de saison dernière, avez-vous le sentiment de reprendre le fil de votre progression ?
Clairement ! J’ai vécu une première partie de saison dernière compliquée avec peu de temps de jeu. Et peu de temps de jeu, dit forcément peu de confiance, et, dans ce cas-là, tu t’illustres moins. Puis j’ai eu cette confiance en fin de saison, où je me sentais plus libéré, mieux dans mes baskets, et ça s’est très bien passé. Mais, depuis le début de saison, je me sens encore mieux que l’année dernière.
« J’ai une stabilité qui fait que je peux me concentrer à 100% sur le football »
Votre progression au cours des derniers mois est-elle aussi due au fait que l’homme a évolué ?
Bien sûr ! Avec le fait d’avoir des enfants et des responsabilités, je suis devenu un peu plus stable qu’il y a quelques années. Et ça se ressent dans mon football : je suis moins blessé, je me sens mieux dans ma peau. J’ai une stabilité qui fait que je peux me concentrer à 100% sur le football.
C’est-à-dire ?
Je suis plus concentré sur le foot par rapport à certaines saisons où j’avais un petit peu plus de distractions. Je ne vais pas dire que je n’aime plus sortir avec mes potes ou faire des choses de jeunes, mais je le fais largement moins que j’ai pu le faire avant. Aujourd’hui, je fais passer mon métier avant ma vie privée.
L’âge et l’expérience ont dû aussi jouer…
Oui. Ça fait pas mal d’années maintenant que je suis dans le monde professionnel. J’ai appris de mes erreurs. Comme on dit, les erreurs ça fait grandir et il ne faut surtout pas les répéter. Je les ai parfois répétées. Mais, désormais, je sais ce qui est bon et ce qui ne l’est pas pour ma vie de footballeur.
Vous avez pris conscience de votre joli potentiel à exploiter ?
On m’a souvent, et même tout le temps, répété que si je me focalisais sur le football et que je travaillais plus dur, alors j’aurais de très, très belles choses à aller chercher. Aujourd’hui, j’en suis conscient à 100%, et c’est ce qui va faire la différence.
« C’est la meilleure position dans laquelle j’ai pu évoluer »
Cette saison, vous évoluez la plupart du temps en tant qu’ailier intérieur gauche. Comment vous sentez-vous à ce poste ?
C’est le poste où je suis le plus à l’aise. Ce n’est pas vraiment sur le côté ni dans l’axe, c’est un poste un peu intermédiaire. Je suis un peu plus haut que par le passé, avec des latéraux également très hauts, ce qui me permet d’avoir une solution sur le côté et une autre devant avec l'attaquant ou en retrait avec un joueur avec qui je peux remiser. J’ai des partenaires un peu partout. Pour moi, c’est la meilleure position dans laquelle j’ai pu évoluer depuis que j'ai débuté ma carrière.
Vraiment ?
Mon poste de prédilection, c’est d’être à l’intérieur du jeu. Quand j’ai le ballon, je préfère avoir des solutions à droite, à gauche, devant et derrière, alors que si je joue sur un côté, j’ai la ligne de touche derrière moi, donc mon champ de vision est plus fermé. C’est pour cela que la position dans laquelle j’évolue depuis le début de saison, c’est un régal.
Qu’est-ce que demande précisément ce rôle ?
Beaucoup de pressing ! Dans notre système, les premiers défenseurs, ce sont les attaquants. Comme on joue sans joueurs excentrés, il faut savoir aller chercher et agresser l’adversaire, mais aussi revenir se positionner très vite dans l’axe si le ballon est passé pour aider les milieux de terrain. Ça demande beaucoup d’intensité dans les courses offensives et défensives. C’est un rôle qui me plaît parce que j’aime bien répéter les efforts. J'aime ce jeu direct : mettre la pression sur l'adversaire et se créer beaucoup de situations. Je suis quelqu’un de dynamique sur le terrain, donc ça colle parfaitement à mes caractéristiques. En plus, j’aime bien venir demander des ballons dans les pieds ou me projeter dans un espace libre, et mon rôle me permet de faire les deux à la fois.
Quand on vous voit dribbler, feinter, on a l’impression que l’instinct occupe une grande place dans votre jeu. Qu’est-ce qui se passe dans votre tête sur le terrain ?
Je suis un joueur d’instinct. Quand je réfléchis trop à ce que je vais faire, je ne réussis pas. J’ai besoin d’avoir une certaine insouciance. Dès que le ballon arrive, je prends ma décision dans un laps de temps très court, et c’est là où je suis le meilleur. A partir du moment où je suis en confiance, c’est quelque chose qui ne peut pas s’expliquer, c’est naturel.
« Le dribble ? C'est la beauté du foot »
Que représente le dribble pour vous ?
C’est la beauté du foot. Je vais reparler des statistiques : je préfère faire un match où je ne vais pas marquer mais où je vais créer des décalages, je vais éliminer mon adversaire direct et prendre du plaisir. Pour moi, le dribble, c’est une preuve de supériorité. C’est un duel. En règle générale, quand tu gagnes plus d’un contre un que l’adversaire, que soit offensif ou défensif d’ailleurs, c’est ton équipe qui s’impose. Quand je réussis un dribble en match et qu’il est efficace, c’est comme si j’avais marqué (sourire).
Comment avez-vous développé cette faculté à dribbler et à vous en sortir dans les petits espaces ?
Depuis tout petit, même quand j’étais en U9, U10, U11, j’ai toujours été dans la recherche du duel et j’ai toujours joué un peu avec la semelle. En plus, les joueurs maghrébins, on a la réputation d’être plutôt à l’aise avec un ballon, donc c’est quelque chose qui s’est développé naturellement. J’ai toujours aimé avoir le ballon près de moi, parfois même un peu trop, quitte à me faire crier dessus par mes coachs car je ne le lâchais pas assez vite. Mais c’est difficile d’expliquer d’où vient cette qualité : tu l'as ou tu ne l'as pas ! Tu peux peaufiner des gestes, travailler des dribbles, mais être un dribbleur, c’est inné.
Quand on a un profil comme le vôtre. Le plus difficile n’est-il pas de savoir trouver un équilibre entre donner le ballon ou éliminer ?
C’est sur ce point que j’ai progressé. Aujourd’hui, j’ai davantage la faculté à faire le geste juste au bon moment, alors qu’à mes débuts, je voulais juste dribbler pour dribbler. Ce qui ne fait pas forcément avancer le jeu. Je pense que depuis quelque temps maintenant, j’arrive à faire la différence entre le moment où il faut que je dribble, parce que c’est nécessaire à l’équipe, et celui où je dois jouer simple, surtout dans certaines zones du terrain. Avant, je prenais trop de risques dans des zones où je perdais juste de l’énergie. J’essayais de dribbler à 30 mètres de notre propre but pour rien, alors que ce qu’on me demandait, c’était d’être méchant et de faire la différence dans les 30 mètres adverses.
Quel a été le déclic ?
Avec l’expérience, le fait d’enchaîner les matchs et d’avoir différents coachs qui te répètent toujours la même chose, tu finis par te dire : « Ils n’ont pas tort, c’est moi le problème. » La saison passée, le coach Jorge Sampaoli m’avait parfois reproché mes pertes de balle un peu bête, mais cela a été utile et m’a fait progresser. La preuve puisque j’en ai désormais conscience.
Quelle est la philosophie d’Igor Tudor sur ce point ?
Avec le coach, c’est du un contre un. A partir du moment où tu vas chercher l’adversaire et que tu vas provoquer, il s’en fout que tu perdes le ballon. Tu ne vas peut-être pas réussir à chaque fois mais si tu passes deux fois en dix tentatives et que ça fait deux buts, il ne va pas te crier dessus parce que tu as perdu des ballons avant.
« Il faut aller agresser l’adversaire de la 1ère à la 90e minute »
Outre votre côté créatif, votre point fort semble être votre mental. Êtes-vous d’accord ?
Tout à fait ! Dans le football, l’une des choses les plus importantes, c’est d’avoir un mental bien forgé. Ce n’est pas facile le football et tout ce qui passe autour. Quand on joue un peu moins, cela à des répercussions sur la vie privée, on se sent un peu moins bien au quotidien. C’est dans ces moments-là qu’il faut avoir des bonnes personnes autour de soi, et être soi-même costaud mentalement. Et avec tout ce qui a pu m’arriver dans ma vie privée, je suis forgé pour tout surmonter.
Pour revenir à Igor Tudor, l’équipe pratique un jeu plus direct et prive beaucoup moins l’adversaire du ballon que la saison passée avec Jorge Sampaoli. Son logiciel est-il difficile à intégrer ?
Au vu des résultats : non. Je pense que ça résume le travail du coach et de l’équipe, qui a réussi à vite passer à autre chose entre l’année dernière et cette année. A mes yeux, même si je suis arrivé très tard, le plan de jeu du coach a été super bien intégré par tout le monde. C’est vrai que les matchs amicaux n’avaient pas été très bons, mais je pense qu’il fallait une période d’adaptation et qu’elle a été utile à l’équipe.
Comment vous inculque-t-il sa méthode ?
C’est simple. On a une idée de jeu bien définie : des latéraux hauts et du pressing. Il faut aller agresser l’adversaire de la 1ère à la 90e minute, ne pas le laisser souffler et mettre des ballons devant le but. Ce n’est pas quelque chose d’exceptionnel à faire, c’est simplement un dépassement de soi. Il faut écouter et regarder ce que font les autres sur le terrain et se déplacer les uns par rapport aux autres. Une fois que tout le monde a assimilé ce qu’il doit faire, tu récupères des ballons hauts, et c’est là où tu fais mal. A l’inverse de l’année dernière, où dès qu’on récupérait un ballon le coach demandait de ressortir très loin pour reconstruire de derrière, cette année il faut aller directement vers l’avant. Si tu fais une passe en arrière ou tu inities un temps de possession, le coach va te « tuer » (sourire). C'est davantage un style de jeu italien.
Vous avez souvent répété par le passé que vous aviez besoin de nouer une vraie relation avec votre coach pour pleinement vous exprimer. Au vu de votre début de saison, doit-on comprendre qu’Igor Tudor vous offre l’affection dont vous avez besoin ?
Malgré ce qu’on peut voir sur le banc, où il paraît être un peu fermé, il ne l’est pas au quotidien. C’est simplement quelqu’un qui a envie de travailler. Il demande beaucoup d’efforts et de sacrifices, mais c’est quelqu’un avec qui je m’entends très bien. Il me parle beaucoup, j’en ai besoin et il le sait. C’est pour ça que ça se passe super bien.
Vous sentez qu’il croit beaucoup en vous ?
Si je joue, c’est forcément qu’il croit en moi (sourire). Il a dit beaucoup de choses très plaisantes à mon égard, notamment en conférence de presse, et c’est ce dont j’ai besoin pour donner le maximum de moi-même.
« Bien sûr que mon objectif, c’est de m’installer et d’avoir une place de titulaire »
Vous êtes titulaire dans quasiment toutes les affiches. A quel statut aspirez-vous cette saison ?
Je suis dans une saison importante pour moi dans un club où il y a énormément de concurrence. Je suis conscient de mes qualités et de celles de mes partenaires. Je suis là pour me donner à fond et donner satisfaction au coach. Après, bien sûr, comme tous les joueurs de l’effectif, je veux être un titulaire, mais il n’y en a que onze sur le terrain à chaque match. Mais bien sûr que mon objectif, c’est de m’installer et d’avoir une place de titulaire, même si je sais que ça ne sera pas toujours possible avec tous les matchs qu’on va disputer cette saison. J’ai envie de jouer les matchs importants, d’être décisif et d’apporter un plus à l’équipe.
Sentez-vous que c’est le bon moment pour vous de passer un cap ?
Oui ! C’est la saison du cap à passer pour moi. J’en suis conscient à 2 000%. Généralement, on dit qu’à 25-26 ans, on est au pic de sa forme. J’espère que je vais atteindre ce pic cette année pour voir l’avenir en rose !
Quels aspects de votre jeu devez-vous encore améliorer pour cela ?
Je dois être encore plus décisif. On en revient toujours à la même chose, ce sont les stats qui comptent pour un joueur offensif ! C’est sur ça que je dois faire mal. Je sais que je peux être bon dans le jeu, que je peux créer des décalages, mais je dois être encore plus juste à la passe et être un tueur devant le but.
Alexis Sanchez, Chancel Mbemba ou encore Éric Bailly ont rejoint l’OM lors du mercato estival. Que vous apportent-ils au quotidien ?
Leur expérience. Ce sont des joueurs qui ont joué dans des grands clubs, disputé énormément de matchs de Ligue des champions et qui savent comment il faut travailler pour gagner des titres. Pour un joueur comme moi, c’est un plaisir d’être avec eux au quotidien car au-delà d’être des joueurs d’expérience, ce sont aussi des personnes qui aiment rigoler et discuter avec tout le monde. Puis, sur le terrain, ce sont des joueurs de grande qualité. S’ils ont joué dans des grands clubs, ce n’est pas pour rien.
Alexis Sanchez vous parle souvent sur le terrain. Que vous dit-il ?
Quand tu joues avec un joueur de ce niveau devant, tu dois écouter par rapport à sa connaissance du football et ce qu’il représente. Personnellement, je m’entends très bien avec lui. En match, il n’hésite pas à me dire quand c’est bien ou mauvais. Mais, généralement, il me dit plutôt que c’est bien car j’essaie de le trouver (rires). On parle un peu le même football. Après, il veut toujours le ballon, même quand les défenseurs l’ont, il le veut. C’est la marque des grands joueurs, quand tu ne leur fais pas la passe, ils ne sont pas contents. Puis, cette hargne qu’il a, cette niaque à toujours vouloir tous les ballons, c’est inspirant pour un joueur offensif comme moi, car j’aimerais bien faire une carrière comme la sienne.
Plus globalement, quel regard portez-vous sur l’évolution de l’OM depuis la saison passée ?
Le club est sur une bonne dynamique. Généralement, après une très bonne saison, il y a parfois un petit moment de flottement où ça va un peu moins bien, mais là, ce n’est pas le cas. Tenir le cap comme on le fait depuis presque un an et demi, franchement c’est fort. L’OM mérite ça. C’est l’un des plus grands clubs français, c’est l’OM quoi ! Marseille, c'est Marseille. Et il faut remettre Marseille à sa place en Europe !