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INTERVIEW; "J'avais perdu cette sensation"; Numéro un incontesté cette saison après avoir supplanté Steve Mandanda l'an dernier, le gardien espagnol de 27 ans s'épanouit à l'OM et à Marseille
Itw de dimanche avant monaco :
Faire un résultat à Monaco est-il une obligation pour terminer l'année sur une bonne note ?
Oui, c'est une rencontre très importante pour nous. La dynamique a changé après les points perdus lors des derniers matches. On a fait une bonne prestation contre Lyon (1-0), c'est important de bien finir l'année, même si ce sera difficile face à un très bon adversaire. L'équipe a perdu beaucoup de matches, mais on est sur le bon chemin. C'est le foot, on fait les choses bien, on mérite parfois mieux, mais on perd des matches, comme contre Lens (0-1) ou à Strasbourg (match nul, ndlr, 1-1). C'est le dernier effort à fournir.
Quel bilan collectif tirez-vous de la première partie de saison ?
On a fait un très bon début. Personne ne l'espérait après la préparation compliquée. On a changé de coach, mais l'équipe se sent bien. Ce qui est dommage, c'est la Ligue des champions. C'est la note négative. On a voulu se qualifier jusqu'au bout, mais encore une fois, c'est le foot. À Tottenham, on a fait un bon match jusqu'au carton rouge de Chancel (Mbemba). Contre le Sporting, on a été bon. Notre plus mauvais match, c'est celui contre Francfort à domicile. Mais on a toujours répondu présent.
L'élimination en coupe d'Europe est une vraie déception effectivement. Comment avez-vous vécu ce moment et les derniers instants du match contre les Spurs ?
C'est difficile. Je ne connaissais pas le résultat de l'autre match. Mais on pensait qu'on pouvait obtenir encore plus, on voulait marquer pour rester en Champions. Il restait dix secondes, c'est dommage... À la fin, il n'y a que de la déception. C'était la première fois que je jouais en C1. Et c'est peut-être la plus grosse déception de ma carrière. On méritait mieux. Le groupe était difficile, et les petits détails ont tout changé...
À titre personnel, quel regard portez-vous sur vos prestations ?
Je me sens bien. C'était bizarre au début après ma blessure contre le Betis (en match amical), mais je me sens un peu mieux à chaque match. Je me sens mieux par rapport à la saison dernière aussi. Je suis content de ce que je fais, mais je sais que je peux faire encore mieux. C'est important d'avoir cette mentalité. Dans le football, tout peut changer très vite. Il faut garder la tête froide. Je prends chaque match comme si c'était le dernier. Je me sens bien dans le club, dans le groupe, dans la ville. Ma famille aussi, et c'est très important. Je veux en profiter après mes deux saisons à Rome, jouer le plus de matches possible. J'avais perdu cette sensation là-bas.
À votre arrivée l'an dernier, il y avait une grosse défiance, notamment par rapport à la concurrence avec Steve Mandanda. Comment avez-vous fait pour aller au-delà ?
Je l'ai pris de façon normale. Je savais que Steve était une légende ici. C'est logique car ils l'ont connu pendant des années. Je ne l'ai pas pris personnellement car cela aurait été pareil avec un autre gardien. J'ai fait mon travail, à l'entraînement, en matches. C'était facile car Steve m'a beaucoup aidé. Mais je pense qu'on sentait surtout cette sensation à l'extérieur du club, pas à l'intérieur. Et encore une fois, c'est normal. Il a passé quinze ans ici. Dans un club comme l'OM, avec la pression qu'il y a à Marseille, c'est extraordinaire. Je crois même qu'aucun gardien ne pourra refaire ce qu'il a fait. C'est impossible.
Aujourd'hui, vos performances font changer les opinions. Le ressentez-vous ?
Je sens la même chose depuis que je suis arrivé. Vu de l'extérieur, avec la presse et les supporters, c'est normal. Mais j'ai toujours senti de l'affection de la part des fans. Si tu fais les choses bien, ils sont derrière toi.
Comment avez-vous réagi au départ de Jorge Sampaoli et à l'arrivée d'Igor Tudor ?
C'était un peu bizarre. Jorge était là, puis il est parti au bout de deux jours. C'est sa décision. On a eu une coupure pendant deux jours avant que le nouvel entraîneur n'arrive... C'est le foot. Les mentalités de Jorge et Igor sont totalement différentes, le jeu aussi. Il nous fallait du temps pour nous adapter. L'équipe se sent bien. On verra à la fin si on a la capacité de terminer deuxièmes, comme on l'a fait avec Sampaoli. Mais je pense qu'on est dans la bonne dynamique.
On vous voit toujours très haut sur le terrain, mais vous touchez moins le ballon. Que vous demande Tudor de différent dans le jeu ?
Igor aime aussi jouer avec le ballon, même s'il ne veut pas que le gardien prenne les mêmes risques que Sampaoli. Son style est plus direct alors qu'avec Jorge, c'était un jeu de position, droite-gauche, gauche-droite... Avec Igor, on va de l'avant, on change de côté. Les consignes ne sont pas si différentes pour moi. Sur certaines situations, si je vois qu'il y a un risque, je n'hésite pas à dégager le ballon là où, la saison dernière, dans la même situation, Jorge me demandait de ressortir en jeu court. Comme on défend en un contre un, je dois aussi davantage aider l'équipe et les défenseurs sur les longs ballons, anticiper. Je ne sais pas quel style est le mieux, le plus important est de gagner.
Quand on voit la débauche d'énergie des joueurs de champs exigée par Igor Tudor, vous devez être content d'être gardien de but ?
(Rires) C'est aussi pour ça qu'on perd des matches comme Ajaccio, Lens... C'est dommage pour l'équipe car, même à l'entraînement, les joueurs courent beaucoup, ils font des efforts incroyables. Mais c'est également la raison pour laquelle je pense qu'on est dans la bonne dynamique : l'équipe est là, le vestiaire est là. Après, tu gagnes ou tu perds, c'est le foot. Battre Lyon, c'était très important pour gagner en tranquillité. Maintenant, on est concentrés sur Monaco.
Les vacances vont vous faire du bien ?
Oui. Mais ce sera bizarre car on va commencer un championnat complètement différent. Ce sera le même, mais différent. Les équipes en forme maintenant le seront peut-être moins dans deux mois. Je ne sais pas comment ça se passera pour nous. On aura un mois pour préparer la deuxième partie de championnat.
On entend des supporters réclamer le départ de Tudor, qu'en pensez-vous ?
Chacun peut penser ce qu'il veut. Je respecte les opinions de tout le monde. Moi, en étant à l'intérieur, j'ai la sensation qu'on va dans la bonne direction. J'aime beaucoup ce qu'on fait sur le terrain jusqu'à maintenant. Je sais que l'exigence est immense ici. Les supporters sont très exigeants avec l'OM, c'est normal et c'est aussi pour cela qu'ils sont aussi nombreux dans le stade. Ils aiment le foot, ils aiment l'OM. Si le club décide un jour que Tudor doit partir, on devra respecter ce choix. Ce n'est pas à moi de prendre la décision. Mais jusqu'à aujourd'hui, je pense qu'on est sur la bonne voie, qu'on fait les choses bien. On a bien joué contre toutes les équipes, sauf peut-être à Paris, et ce sont les détails qui font gagner ou perdre les matches. On doit penser à Monaco. C'est le match le plus important. Si on gagne, on partira en vacances avec l'esprit tranquille. On pensera à la suite après.
Jon Pascua, l'entraîneur des gardiens, est parti pour revenir. Racontez-nous votre relation.
Je connais Jon depuis le Betis (2018). C'est une personne particulière. J'ai une très bonne relation avec lui. Il a la capacité de me dire les choses. On se dit les choses sur un mode positif. Il peut me dire que j'ai fait un match de merde, que je dois m'améliorer. Je me sens très bien avec lui, j'aime sa façon d'entraîner, de me faire travailler. C'est bien pour Ruben (Blanco) aussi, je crois qu'il progresse. Simon (Ngapandouetnbu) travaille bien aussi. On fait les choses pour s'améliorer. On a tous une très bonne relation.
Vous avez côtoyé Ruben Blanco en sélection Espoirs, lors du championnat d'Europe en 2017. Ça vous fait quoi de vous retrouver avec lui à l'OM ?
Je savais que ce serait une bonne opportunité pour lui de venir ici, et pour le groupe. C'est un très bon gardien, une très bonne personne. Il m'apporte beaucoup. Il s'entraîne toujours pareil alors que c'est difficile quand tu ne joues pas. Il travaille beaucoup. C'est important pour lui car c'est la première fois qu'il part de Vigo. On a une très bonne relation.
Quels ont été vos mentors ? Et vos modèles ?
Quand je jouais à l'Espanyol, je regardais toujours les gardiens de l'équipe première. Il y avait Carlos Kameni, Cristian Alvarez et Kiko Casilla. Quand tu es au centre de formation, tu regardes toujours ceux qui sont au-dessus de toi. En dehors, il y a beaucoup de bons gardiens. J'aime beaucoup Manuel Neuer. Il est très complet, joue très bien avec les pieds, il prend l'espace. C'est incroyable. Il y a Jan Oblak aussi, que je trouve remarquable dans le but. Même Hugo (Lloris), que j'ai côtoyé à Tottenham. En m'entraînant avec lui, j'ai vu qu'il allait très vite, qu'il bougeait très bien. C'est un top gardien.
Vous avez retrouvé Éric Bailly. Décrivez-nous vos liens d'amitié.
On a une très bonne relation, on s'est connu en jeunes à l'Espanyol. Il arrivait de Côte d'Ivoire, c'était difficile pour lui car il n'a pas pu jouer la première année. Mais c'est un joueur extraordinaire. On habitait dans le même bâtiment à Barcelone, pendant deux ou trois ans. Il a beaucoup changé. Je le lui ai dit. Je le trouve beaucoup plus mature. C'est un des joueurs les plus importants du vestiaire. Il a la capacité à avoir le respect de tout le monde. Déjà parce qu'il a joué à Manchester United et que c'est important. Ensuite parce qu'il parle anglais, espagnol et français. Il peut donc communiquer avec tout le monde. C'est important aussi. C'est difficile pour lui en ce moment par rapport aux blessures. Il n'a pas beaucoup joué lors des deux dernières saisons. En arrivant à Marseille, il se sentait bien. Mais il jouait 2-3 matches, puis il y avait une rechute. Je pense que la coupure internationale va lui faire du bien pour se préparer physiquement. Je ne sais pas comment il a travaillé à Manchester, mais quand tu sais que tu vas partir d'un club, tu ne travailles pas avec la même intensité. Les prochains mois seront importants pour lui. On retrouvera le meilleur Éric.
Gerson, lui, est en train de quitter le club...
Il nous a dit au revoir (mercredi). S'il part, c'est que le club le lui permet. C'est dommage car je pense que c'est un très bon joueur. Il a commencé doucement, mais il a fait cinq derniers mois incroyables, en marquant beaucoup de buts et en nous aidant à finir deuxièmes du championnat. Cette saison, il a un peu moins joué. C'est le foot, tout change très vite, comme je le disais. On doit respecter la décision de chacun. J'espère qu'il fera de bonnes choses à Flamengo car il le mérite, c'est une très bonne personne.
Quel regard portez-vous sur Pablo Longoria ? Et sur Javier Ribalta, arrivé cet été ?
J'ai une bonne relation avec Pablo. Je pense que c'est quelqu'un de très intelligent. Il vit pour le foot, il vit pour l'OM et pour la ville. Il écoute, il regarde et après il prend des décisions. Il a fait de bonnes choses. Il a changé le coach car il pensait qu'on pouvait améliorer certains aspects. Il est en train de changer des choses au club. C'est important de changer la mentalité de tout le monde. On doit être meilleur chaque jour que la veille. Javier est avec lui. Je ne le connaissais pas. Mais c'est une personne qui a la confiance de Pablo, comme David (Friio). Leur compétence va permettre au club de grandir encore plus.
Ça fait quoi de jouer dans un stade comme le Vélodrome avec des supporters aussi fervents ?
C'est incroyable, vraiment. À Rome, ce n'est pas la même chose. Au Betis, il y a beaucoup d'ambiance, mais pas comme ici. C'est impressionnant. Le jour où je partirai d'ici, ce sera bizarre. Je sais que je ne retrouverai pas une ambiance à la hauteur de celle du Vélodrome. Les gens qui viennent au stade vivent pour l'OM, c'est extraordinaire. L'OM est présent partout dans la ville, tout le monde en parle, tout le monde aime l'OM. Et pas seulement à Marseille. Quand on joue à l'extérieur, on a parfois l'impression d'être à la maison. C'est fou. Il faut profiter d'avoir la possibilité de jouer dans le plus grand club français. C'est extraordinaire.
La Provence