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OM; Attention danger; En instaurant une concurrence dans la cage olympienne, Pablo Longoria et Jorge Sampaoli vont prendre le risque de perturber un équilibre indispensable au collectif. Plusieurs anciens gardiens et entraîneurs marseillais sont sceptiques
Son aventure olympienne ne démarrera que samedi. L'international espagnol (2 sélections) Pau Lopez suscite pourtant déjà le débat. Prêté avec "option de mutation définitive à compter de la saison 2022-23", selon les termes utilisés par l'OM hier dans son communiqué d'officialisation, le gardien de l'AS Roma (26 ans) ne débarquera pas en tant que doublure de Steve Mandanda (36 ans) mais bien en tant que "numéro 1 bis".
Pablo Longoria l'a lui-même confirmé en milieu de semaine passée lors de la conférence de presse de présentation de Mattéo Guendouzi : "Dans le football moderne, la concurrence dans une position est la chose la plus importante. Même chez les gardiens. Dans tous les clubs où j'ai travaillé, j'y ai été habitué. À la Juventus, il y avait celle entre Buffon et Szczesny, ou Buffon et Neto... À Valence, j'ai eu la possibilité de travailler avec Jaume et Neto. La tendance dans le football du futur est à cet équilibre."
L'option est à la mode, effectivement. Le PSG va ainsi posséder deux cadors du poste la saison prochaine : le Costaricien Keylor Navas (34 ans) et l'Italien Gianluigi Donnarumma (22 ans). À Naples, le Colombien David Ospina (32 ans) et le Transalpin Alex Meret (24 ans) se partagent aussi la cage. Sauf que ce type de cohabitation n'est pas sans risque. Aussi bien au niveau des prestations sur le terrain qu'à l'échelle de l'ambiance au sein du collectif.
Gérard Gili en sait quelque chose. Ancien portier (1971-73 puis 1981-83) et entraîneur (1988-90 puis 1995-97) olympien, il était aux commandes de l'OM lorsqu'à l'été 1990, Pascal Olmeta a été recruté alors que Gaëtan Huard était le N.1. "C'est une situation difficile et dangereuse, explique-t-il. Je l'ai vécue, c'est dur à manager. On peut perdre les deux.Il y a une telle pression qu'à la moindre erreur sur un match, la position de celui qui vient de jouer est immédiatement remise en cause par tout le monde. C'est un poste qui demande de la sérénité et de la confiance permanente. Or, là, cela met du stress sur le joueur."
Le coach double champion de France (1989 et 1990) est donc sceptique au sujet de la politique choisie par Pablo Longoria et Jorge Sampaoli. "Je ne comprends pas la réflexion qui amène à ce choix. C'est la même chose à Paris...Il y aura toujours des partisans de l'un ou l'autre dans le vestiaire. Le groupe est souvent partagé : celui qui ne joue pas a des copains, c'est compliqué. Cela crée beaucoup de problèmes. C'est intenable."
Jean-Paul Escale, dernier rempart de l'OM de 1960 à 1971, est entièrement d'accord. "Il y a deux postes où il ne faut pas de concurrence : l'avant-centre et le gardien, insiste-t-il. Gardien, c'est tellement aléatoire, il peut y avoir un faux rebond, un ballon dévié ou autre... Pour moi, il est interdit de faire ça. C'est néfaste. Il y a le numéro 1 et le numéro 2. Il faut respecter une hiérarchie.Je parle en connaissance de cause : Marcel Leclerc, notre président à l'époque, avait voulu me mettre en concurrence avec Georges Carnus. Quand "Jojo" est arrivé à Marseille (en 1971), il devait donc faire deux matches, et moi deux. Je n'ai pas voulu et je suis parti (à Ajaccio)."
L'avis de Gaëtan Huard (1988-91) est tout aussi tranché. "L'OM se retrouve dans le même cas que le PSG avec Navas et Donnarumma. Cela va créer rapidement des tensions, prévient-il. On ne peut pas encenser Steve Mandanda comme on l'a fait et lui faire ça aujourd'hui... Il a l'habitude de l'effectif, du groupe, de la vie du club, il est aimé par tout le monde.Cette histoire peut faire plus de mal que de bien à l'OM. À moins que les deux gardiens soient au courant de leur position ? Mais cela ne me semble pas être le cas."
Il Fenomeno, dont le retour à l'entraînement est programmé le 19 juillet, n'a effectivement pas été informé d'un éventuel recul dans la hiérarchie. "Navas a très mal pris l'arrivée de Donnarumma et je pense que ce sera la même chose pour Steve, estime "Guéguette". Il faut une hiérarchie définie dès le départ et que les choses soient claires. J'ai vécu cette situation. Je le sais donc... Ce n'est jamais bon et sain pour le groupe. On ne peut pas jouer à deux dans le but, ni une mi-temps chacun."
Les exemples de cohabitations ratées à l'OM ne manquent pas. Derniers exemples en date : Vedran Runje et Fabien Barthez en 2004, ou Andreas Köpke et Stéphane Porato en 1998. Rolland Courbis était l'entraîneur des deux derniers. "Il y a des gestions où les rôles sont donnés en début de saison, rappelle-t-il. J'ai connu l'époque où Albert Rust et Joël Bats jouaient deux matches chacun à Sochaux, quelles que soient leurs performances, mais ce n'était pas extraordinaire. Au bout d'un an, Bats est parti car il ne voulait plus de cette formule. Après, concernant l'OM, on entend tout et son contraire. Des échos sur Pau Lopez disent que son problème, c'est le jeu au pied. Pourtant, j'ai lu que l'objectif était de recruter un gardien très bon à ce niveau... La seule chose que je sais, c'est que je connais suffisamment Steve pour pourvoir dire qu'il sera très compliqué de piquer sa place ! Peut-être que les déclarations (de Longoria, ndlr) ont été faites pour qu'il ne s'endorme pas. Mais il n'en a jamais été question !"
Le consultant RMC enchaîne : "À Lyon, le nouveau coach (Peter Bosz) ne tourne pas autour du pot. C'est clair. Si je suis Anthony Lopes et que je vois arriver André Onana, j'ai chaud aux fesses... Mais si je suis Steve Mandanda avec Pau Lopez, je me dis : 'Ok, on veut me mettre un autre gardien dans les pattes, pourquoi pas...' Enfin, je pense que dans la situation de l'OM, qui doit recruter et construire un groupe performant sans avoir beaucoup d'argent, le poste de gardien de but est celui dont il fallait s'occuper en dernier." Le sujet n'a pas fini de faire parler.
La Provence