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Le caméléon Rongier
Six matches en tant que titulaire et le brassard de capitaine autour du bras lorsque Dimitri Payet ne joue pas : le milieu défensif a convaincu Igor Tudor comme il avait convaincu ses deux entraîneurs précédents. Bon joueur, gros travailleur, fin politique, il sait s’adapter. Vincent Garcia
L’histoire récente des négociations avortées entre Nice et l’OM pour Bamba Dieng après la fermeture du mercato a rappelé quelques souvenirs stressants à Valentin Rongier. Pour lui, la fin avait été heureuse, puisqu’il avait réussi à s’engager in extremis à Marseille en septembre 2019 en tant que joker après la clôture du marché. Le directeur sportif de l’époque, Andoni Zubizarreta, le voulait absolument, mais, là aussi, les discussions avaient traîné en longueur, la faute à un désaccord de 1 M€ entre Nantes et l’OM, Waldemar Kita et Jacques-Henri Eyraud, les deux présidents, ne voulant rien lâcher.
Une fois passé le gong, Franck Belhassen et Fabrice Picot, ses agents de l’époque, avaient alors eu l’idée de proposer un geste aux dirigeants marseillais : 600 000 euros de moins la première année sur le salaire négocié à la base (environ 2,9 M€ brut annuels), moins les charges pour le club, et le million d’euros qui posait problème à « JHE » était tout trouvé. Sur ce coup-là, l’ancien dirigeant olympien n’avait pourtant fait que gagner du temps. Car Rongier et ses représentants avaient contractuellement prévu de récupérer cette somme sous forme de primes en cas de Ligue des champions. Et cette année-là, celle du Covid-19, l’OM s’est qualifié pour la C1.
Sous André Villas-Boas, le milieu défensif (27 ans) avait mis trois matches à s’imposer comme titulaire. Avec celui que l’ancien Marseillais Bouna Sarr (2015-2020) décrit comme « le coéquipier idéal », les entraîneurs n’hésitent jamais trop longtemps. Et, sinon, le joueur est assez intelligent et fin politique pour se rapprocher des bonnes personnes.
Quand il s’est senti un peu en danger en début de saison dernière sous Jorge Sampaoli, il s’est rapproché de CCA Base (Base soccer), la société anglaise qui a placé Pablo Longoria à l’OM. C’est elle qui gère sa carrière depuis octobre dernier. Il y a un peu plus d’un an, Rongier sortait d’une demi-saison galère, marquée par des mois d’absence et une série de blessures, au tendon d’Achille et à une cuisse, qui avait pollué ses premiers pas avec Sampaoli. L’été venu, le technicien argentin ne savait pas trop quoi en faire, si ce n’est le mettre sur le banc au démarrage de la saison. Longoria, dont il est aujourd’hui un des chouchous, avait même essayé de le vendre dans les derniers jours du mercato à Besiktas (Turquie). Mais, comme toujours, Rongier a fini par forcer le destin, cette fois à un poste hybride très particulier, milieu en phase offensive et latéral droit en phase défensive, ce qui ne l’enchantait guère.
Loin des expérimentations « sampaoliesques », il a retrouvé une place plus conforme devant la défense dans le 3-4-2-1 d’Igor Tudor. « De ce que je vois, il s’est rendu indispensable, observe Sarr, resté proche de lui. Déjà, la saison dernière, il s’est mis au service du collectif, du bien commun. Le brassard récompense cette attitude, ce professionnalisme, cette facilité à vivre pour ses coéquipiers, cette positivité, mais aussi ses prestations, sa régularité. Je suis très fier de lui. »
Associé à Jordan Veretout, avec lequel l’ex-Nantais n’a pas de proximité particulière même s’ils ont le même club formateur, à Mattéo Guendouzi ou Pape Gueye, Rongier vient d’enchaîner les six premiers matches de L1 dans la peau d’un titulaire, comme Chancel Mbemba et Jonathan Clauss. Et même dans celle d’un capitaine donc, quand Dimitri Payet n’est pas là.
Une prolongation et une revalorisation dans les tuyaux
« Il est arrivé, c’était un joueur lambda et le travail paie, admire son partenaire Amine Harit. Il représente bien cette phrase. » Longoria, lui, a plutôt évoqué hier « un des joueurs les plus importants de l’effectif ». Pour services rendus, le président marseillais discute depuis cet été d’une prolongation et d’une belle revalorisation salariale (il est sous contrat jusqu’en 2024). « Dans la vie, quand des gens le méritent, te font gagner, il faut donner, promet Longoria. Il doit être mis dans le vestiaire à la hauteur salariale de ce qu’il montre sur le terrain. À chaque fois qu’il faut s’adapter à un nouveau modèle de jeu, il est le premier à être réceptif. » Encouragé à aller voir ailleurs par sa direction il y a un an, parti pour s’inscrire longtemps à Marseille aujourd’hui, Rongier, qui rêvait un temps de Premier League, est effectivement un caméléon qui sait se fondre dans son environnement.
L'Equipe