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VALENTIN RONGIER; "Se battre pour l'Europe"; De retour de blessures, le milieu veut bien finir pour accrocher une qualification européenne
Une devinette pour commencer. À quoi vous fait penser la date du 16 décembre 2020 ?
(Il réfléchit) Le match contre Rennes, c'est ça ?
Oui. Le tournant de votre saison car vous vous blessez le lendemain et de celle de l'OM qui vit une suite très compliquée...
C'est vrai. Je me souviens de ce match. Outre l'arbitrage bizarre, on a perdu ce match et notre dynamique. C'est là où j'ai commencé à sentir une douleur au talon.
Comment le groupe avait-il digéré cette rencontre ? Comme un simple accident de parcours ?
On était bien. On voulait et on aurait dû réagir, notamment à Angers, la semaine suivante (l'OM a fait match nul contre Reims [1-1]) entre-temps. On n'a pas réussi. Cet enchaînement-là nous a plombés.
Vous ne l'aviez pas senti venir ?
Franchement, vu notre état d'esprit, on pensait rebondir contre Angers. Si tu gagnes avant la trêve, tu es plus serein. D'autant qu'on n'était pas trop mal reparti avec la victoire contre Montpellier (3-1, le 6 janvier 2021). Au final, ça nous a fait mal.
C'est d'autant plus incroyable qu'avant Rennes, vous battez Monaco (2-1) et êtes leaders virtuels. Mais il y a eu ce grain de sable...
Avoir des matches en retard ne nous a pas servis. On se disait : "C'est bon, on a un match à rattraper, on est tranquille, il nous reste peut-être un joker". C'est humain. Au final, les jokers sont passés et on se retrouve là où on est.
Vous avez joué par la suite avec des douleurs. Le regrettez-vous ?
Non, je ne regrette pas. Dans le foot, il y a des blessures propres à chacun. Deux joueurs peuvent avoir la même tendinite et ne pas réagir pareil. Le premier peut jouer pendant un mois et la douleur va passer du jour au lendemain ; le second, ce qui a été mon cas, va jouer et la douleur va s'accentuer. J'ai tenté, c'est dans ma nature, je ne regrette pas.
Avez-vous été tenté d'arrêter plus tôt ?
À un moment, même avec les anti-inflammatoires et tout ce que je faisais, je n'arrivais plus à poser le pied par terre. Contre Lens, je me suis dit : "Arrête tes conneries, tu boites, tu pénalises l'équipe". Ça partait d'un bon sentiment, je voulais aider l'équipe, ne pas l'abandonner. Au final, je la pénalisais car j'étais moins performant. À 17 ans, j'ai déjà eu une longue blessure, un problème au gros orteil du pied droit. Ça avait duré très longtemps, j'ai mis énormément de temps avant de trouver une solution. La première saison à l'OM, j'ai ressenti une douleur à cet endroit-là. C'est un mal chronique, chaque athlète a des petites lacunes. Ça fait partie des miennes.
Qu'avez-vous fait pendant votre indisponibilité ?
J'ai beaucoup travaillé pour soulager mon tendon, renforcer les zones autour, garder le cardio. J'ai fait du vélo, de la muscu, du renforcement du bas du corps, du tapis qui permet d'aller contre la gravité.
Vous avez joué avec la douleur avant d'être blessé. Comment avez-vous vécu ces périodes ?
Quand je jouais avec la douleur, ça allait parce que j'étais encore sur le terrain. J'ai mis du temps à accepter d'être blessé, je pensais que ça allait se régler vite. Je m'étais dit qu'avec une semaine de repos complet, j'allais revenir. Au final, c'était pire. Je me suis reposé une semaine ; quand je suis revenu, j'avais l'impression d'avoir deux fois plus mal. Quand tu ne sollicites pas du tout le tendon, il te rappelle à l'ordre quand tu recommences à courir. Ça a été dur à encaisser. J'ai mis le temps qu'il fallait pour revenir.
Moralement, ça a été dur ?
Je déteste être blessé. Ça me fait peur d'être en dehors du terrain. Je veux participer aux entraînements, aux matches ; une carrière, c'est court. Je vais faire ce qu'il faut pour me soigner, prendre du recul, ne pas faire n'importe quoi.
Avez-vous cru ne plus rejouer cette saison ?
C'était le pire des cas, ça aurait signifié qu'il y avait un autre problème. Comme j'allais mieux, je me suis dit que ça allait être bon avant la fin de la saison. Si jamais le doc m'avait dit de couper jusqu'au bout, je l'aurais pris avec du recul. J'ai déjà eu de grosses blessures comme les croisés, je sais ce que c'est.
Après le talon, vous vous blessez à la cuisse. La poisse...
Exactement. Un petit coup de massue. Je me suis entraîné, j'ai fini avec une douleur à la cuisse. Je n'ai pas dit grand-chose au doc, je pensais que c'était une contracture car on avait fait un peu de muscu avant l'entraînement. Le lendemain, j'avais toujours mal. Je fais contrôler, le doc me dit que j'ai une zone bizarre, qu'il faut la contrôler avec une IRM. Arrivé à l'hôpital européen, on me dit que je ne me suis pas loupé, que j'ai une lésion de 4 cm. Comment c'est possible ? Ils m'ont dit que je devais me reposer dix jours. "Oh non, ça recommence...", me suis-je dit. Mais ça s'est bien passé. Au bout d'une semaine, je pouvais courir et faire plein de choses. Mes proches m'ont permis de positiver. La vie est belle, on a la chance d'être joueur de foot, d'avoir une famille proche de nous, même si je suis un peu moins positif, moins rigolo, moins enjoué que d'habitude.
Ces douleurs au talon vont-elles vous coller à la peau ?
Possible. J'ai des douleurs, tout le temps. Le matin quand je me lève, je les sens un peu, aux entraînements aussi. Elles ne m'empêchent pas de m'entraîner et d'être à 100 %. Ce que je dis est un peu bizarre. Je sens la douleur, mais elle ne me gêne sur aucun mouvement. La trêve estivale va me faire du bien. J'ai consulté du monde, fait toutes les techniques possibles et imaginables. Ces blessures-là sont très pénibles et compliquées à gérer.
La saison a été chaotique. Comment l'avez-vous vécue, et notamment les événements de La Commanderie, même si vous étiez absent ce jour-là ?
Une saison atypique. J'ai été choqué d'apprendre que l'intégrité physique de mes partenaires avait été remise en question, ça ne devrait pas arriver. On a discuté avec les supporters, ça s'est apaisé, on va de l'avant. Il fallait cette discussion, mais je ne suis pas certain qu'il fallait faire ce qu'ils ont fait.
Avez-vous eu des doutes sur votre engagement à l'OM ?
Non, on connaît l'OM. Ce sont des choses exceptionnelles ; même à Marseille, ça n'arrive pas souvent. C'est aussi en partie de notre faute au vu de nos prestations en Ligue des champions et même en championnat. Il y a eu une remise en question des deux parties, la discussion nous a fait du bien. C'est dû à un tout : la frustration des supporters qui ne pouvaient pas aller au Vélodrome à cause du Covid, les résultats merdiques, les gens qui ne peuvent pas sortir de chez eux...
Quelques jours plus tard, André Villas-Boas claque la porte. Surpris ?
Quand il nous en parle, on s'en doutait un peu. Deux jours avant, il y avait eu des discussions, ça avait un peu clashé, on a senti qu'il était un peu plus détaché que d'habitude, on a commencé à se questionner.
Pourquoi ça avait clashé ?
Après une défaite, il était venu dans le vestiaire. Il était mécontent de nous, avait l'impression qu'on le lâchait. Que si c'était le cas, il était prêt à partir car il voulait un groupe soudé et derrière lui. Il sait très bien qu'à partir du moment où un groupe lâche son coach, c'est fini. Il y a eu pleins de petites discussions inhabituelles, ça a peut-être créé une cassure.
Son départ a-t-il été difficile à encaisser ?
Oui parce qu'on avait encore des choses à faire. Lui a subi la situation du club par rapport à la direction, le groupe était en plein remaniement. Plus la saison touche à sa fin, plus les joueurs qui savent qu'ils vont partir se sentent moins concernés, c'est totalement humain. Il a payé un peu tout ça.
Comment avez-vous vécu l'intérim Nasser Larguet ?
On a appris des bonnes choses. Nasser avait une approche et un discours totalement différents. Il nous a dit qu'il n'était pas là pour changer notre jeu mais retrouver les bases, créer une osmose, ce qu'il a plutôt bien fait. On s'est bien entendu avec lui, il a fait les choix qu'il voulait, on ne lui a jamais mis la pression. Il est resté à sa place. La cohabitation s'est bien passée.
Jorge Sampaoli arrive alors que vous êtes blessé. Avez-vous craint de rater le bon wagon ?
Je l'ai raté, forcément. Il a pris les joueurs à sa disposition. J'ai raté le moment le plus important. J'ai pris du recul, continué à travailler pour revenir, mais je me suis pété. Mais je ne lâche pas, je continue à m'entraîner, je prends le temps de jeu qu'il me donne en espérant en avoir de plus en plus.
Comment décririez-vous sa méthode ?
On travaille énormément la tactique, il y a de la rigueur. On travaille beaucoup plus en salle, avec le préparateur physique. Beaucoup de vidéos, de tactique et de travail en fonction de l'adversaire. On ne va pas faire des courses sans ballon en ligne droite ; mais quand on va presser, on va le faire bien. Les séances sont courtes mais intenses.
Que vous demande-t-il pour ces deux derniers matches ?
D'accrocher l'Europe. De se battre jusqu'au bout. Il nous reste deux matches, deux finales, pour le peuple marseillais, pour nous, pour le club.
Comment expliquez-vous les difficultés contre Strasbourg et Saint-Étienne ?
Les départs jouent, mais on se doit d'être pros, de se donner à fond. Vu le plan de jeu de Strasbourg, c'était difficile de jouer ; à Saint-Étienne, ça aurait pu tourner en notre faveur. Les équipes commencent à comprendre notre système et nous mettent encore plus en difficulté.
Que faire dans ces cas-là ?
Il faut avoir plusieurs façons de jouer, plusieurs systèmes pour déstabiliser l'adversaire. À l'entraînement, on travaille plusieurs schémas, plusieurs sorties de balle pour contrer ce que les adversaires ont travaillé sur nous.
Paradoxalement, ces deux résultats vous ont permis de gagner des places au classement...
Si on avait gagné ne serait-ce qu'un match, on jouerait les deux dernières journées encore plus relâchés, tout en gardant l'objectif de les gagner. On ne peut pas se contenter d'un nul et d'une défaite en deux matches. Impossible. Surtout quand tu joues à l'OM.
Jouer la coupe d'Europe, avec ses parcours interminables, est-ce une bonne chose ?
Oui. L'OM doit jouer une coupe d'Europe, c'est une certitude. On aura le temps de se reposer après notre carrière.
De nombreux départs vont intervenir cet été. Cela vous effraie-t-il ?
Ceux qui restent se demandent un peu quel sera l'effectif. On connaît à peu près les têtes qui vont rester, celles qui ont une valeur marchande et sont clairement sur le marché. Cette année, le remaniement de l'effectif sera lourd par rapport aux autres années.
Cela peut-il vous concerner ?
Franchement, il me reste trois ans de contrat, je me sens bien ici, je suis heureux, j'ai un cadre de vie magnifique. Après, on ne décide pas de tout dans le foot. Si une équipe met 25 ou 30 millions sur Rongier (sic) et que le président me dit qu'il a besoin d'argent... Ça dépend du projet, de plein de choses. Dans ma tête, je ne suis vraiment pas parti du tout.
La Provence