par Magneto » 20 Mar 2005, 00:52
troussier
Un point presse avec Philippe Troussier est toujours particulier. Avec humour souvent, pédagogie parfois, l’entraîneur marseillais sait vous présenter un match. Avant d’affronter Monaco, le professeur Troussier nous a livré ses dernières théories.
Philippe Troussier, Monaco-Marseille est un choc au sommet en vue de la Ligue des Champions…
Monaco est un concurrent direct. On sait donc les conséquences que peut entraîner un bon résultat là-bas. Cela peut être un des tournants du championnat. En cas de succès, on aurait une avance considérable. Dans le cas contraire, les places convoitées ne se joueront pas à travers ce match. C’est une rencontre importante mais je ne crois pas qu’elle sera décisive pour le classement final. C’est une des étapes des Alpes à bien négocier. Si nous gagnons, nous aurons un ascendant certain. Mais si nous perdons, ça ne remettra pas en cause nos objectifs.
Qu’est-ce qui a le plus dopé votre équipe ? La victoire face à Lens ou le nul de Monaco à Strasbourg ?
La victoire de Lens est intéressante. Pour la première fois, en étant menés au score, nous avons été capables de réagir. Cela correspondait à une période où nous devions rebondir. Cela correspondait à une période où l’équipe de Lens était sur une série très flatteuse, très fructueuse. On a mis un terme à cela sans pour autant jouer un grand football. On a eu des moments difficiles mais nous sommes revenus en jeu. A une époque, nous serions partis en vrille.
L’équipe a fait preuve d’une énorme solidarité et de beaucoup de courage…
Ce sont des ingrédients qui viennent compléter les bonnes choses que nous faisons depuis trois mois et demi. C’est une victoire acquise grâce une grosse solidarité face à une équipe qui devait postuler à la Ligue des Champions vu la qualité de son jeu. Cela a été couronné par le résultat de Monaco à Strasbourg : on gagne des points quand on ne joue pas. Moins on joue, plus on prend de points. On n’est pas fâché de nous retrouver avec trois points d’avance sur notre premier concurrent.
« En football, il n’y a pas de logique »
Ce match nul à Strasbourg de Monaco vous arrange pour dimanche…
Ils sont obligés de venir avec un visage offensif. S’ils perdent le match, ils sont à sept points, même si rien n’est terminé. Il faut s’attendre à tout. Monaco est dans l’obligation de gagner le match. La configuration de leur équipe sera donc tournée vers l’offensive. C’est déjà une équipe au style offensif mais là, ce sera encore plus exacerbé du fait de leur obligation de devoir revenir à notre hauteur. S’ils avaient gagné à Strasbourg, ils auraient être en position de gérer.
Est-ce que l’objectif de prendre sept points d’avance ne vous incite pas à jouer la gagne ?
Cette carotte-là, on l’avait avant Saint-Étienne. Moi, je préfère isoler ce match du classement. Je pourrais motiver mes joueurs en leur disant : « si on les bat, on les met à sept points ». Mais si on perd, on est toujours deuxièmes… Il ne faut pas qu’on se cherche les poux si on perd à Monaco. Il faut être costaud en interne car quoi qu’il arrive, on peut être deuxième tout seul pour cette mini-trêve. Mettre Monaco à sept points est une motivation mais je ne suis pas sûr de me servir de cet angle pour préparer ce match.
Vous jouerez dimanche et vous connaîtrez les résultats. Est-ce un avantage ?
Justement. Nous avions connu cela à Saint-Étienne et contre Istres. Deux exemples concrets : jouer à 20h00 contre Lens a été plus facile à gérer. Autre exemple : Monaco avait deux matchs en retard. Ils se disent : « en les gagnant, on passe devant Marseille ». Bilan : deux points sur six. On peut avoir peur de gagner. Ce serait tellement facile de penser qu’il suffit d’avoir un match de retard pour dire que 1+1=2. Monaco était dans cette configuration. Mais en football, 1+1=3. Cela signifie qu’en football, il n’y a pas de logique. La preuve : Boulogne contre Nantes en Coupe de France. Les Nantais y allaient pour gagner ce match.
« Le match est plus important pour eux que pour nous »
Vous préparez donc différemment un match décalé ?
Il est préparé différemment dans l’esprit de chacun. Chacun fait sa propre analyse. Un joueur se dit : « on gagne et on prend sept points d’avance ». L’autre se dit : « on consolide la deuxième place ». Moi, quand je vais préparer mon match à 17h00, quand je ferai ma causerie, nos concurrents auxerrois et lillois commenceront leur match. On saura leur résultat une demi-heure avant. C’est encore différent que de connaître les résultats la veille comme à Saint-Étienne, où j’avais demandé à mes joueurs s’ils se sentaient capables d’aller titiller les Lyonnais. Je ne suis pas sûr que cela ait été la meilleure méthode.
Que pensez-vous de cette équipe de Monaco pleine de stars mais qui est décevante en championnat ?
Si elle est décevante, c’est lié à la charge émotionnelle et physique de toutes les compétitions disputées. Quand on voit le parcours du combattant de ces équipes, on se rend compte qu’elles ont beaucoup de soucis. Avant, je ne comprenais pas quand j’étais à l’étranger mais maintenant, je me dis que ces grosses équipes à gros budgets diluent leur potentiel à cause de cette charge. D’une certaine façon, cela permet à d’autres équipes d’être championnes sinon, Lyon serait champion avec 25 points d’avance et Toulouse en rugby serait champion tous les ans. C’est injouable. Ces équipes sont obligées de lâcher : c’est le cas de Monaco. Quand on voit qu’ils viennent d’aligner six nuls de suite, je ne pense pas que ce soit le vrai niveau de Monaco, même s’il ne faut pas oublier qu’ils sont quatrièmes. Tout cela est dû à cette charge de travail.
Pensez-vous qu’ils peuvent réagir contre Marseille ?
Comment cette équipe de Monaco va se projeter sur ce championnat ? La réponse dimanche. Les Monégasques ont une dernière carte à jouer contre nous. Ils ont la pression. Nous, on sait les conséquences si on gagne. Mais si on perd, on reste dans nos objectifs. C’est donc le match de Monaco, pas le match de Marseille.