Troussier a dû s’adapter
Sa manière de fonctionner ne fait pas l’unanimité, mais l’entraîneur de l’OM l’a assouplie dans son nouvel environnement.
LE PORTRAIT DESSINÉ, quelques anecdotes décapantes et les déclarations choc dont il s’était lui-même fendu, avaient fait naître les craintes les plus excessives et jeté sur lui l’image caricaturale du militaire austère et tyrannique. Au lendemain de l’arrivée de Philippe Troussier à l’Olympique de Marseille, fin novembre, Pape Diouf avait ressenti le besoin de réunir ses joueurs pour les rassurer sur la personnalité du nouveau coach. L’effet de cette démarche fut insignifiant. La férocité annoncée de Troussier ne relevait pas de la légende ; les quelques dérapages physiques ou verbaux qui ont accompagné sa carrière en Afrique non plus. Mais à Marseille, l’évidence a fini par chasser les doutes : l’homme a su s’adapter à son nouvel environnement. En revenant en France, après quinze années passées à l’étranger, il a compris que le moindre écart sérieux le couperait irrémédiablement de son groupe. Alors, l’entraîneur a canalisé ses excès. Comme il le confiait récemment, cela lui coûte. Mais, à l’heure de la réflexion et du choix, Troussier n’a pas hésité. Ses joueurs le savent et, quelque part, ils lui en sont reconnaissants. « Au début, il voulait tout gérer, raconte ainsi Laurent Batlles. Peu à peu, il s’est mis davantage en retrait. On nous avait dit qu’il n’était pas facile à vivre, on avait parlé d’un dictateur. On ne l’a pas vu comme ça. »
Charmeur, show man et orgueilleux
Très peu utilisé, Brahim Hemdani ajoute : « Au fil des semaines, il nous a laissé beaucoup de libertés. Apparemment, c’est un effort de sa part. Il nous dit souvent : “ Avec vous, je découvre une facette de mon métier que je ne connaissais pas, le travail psychologique auprès du joueur. ” Je crois qu’il a trouvé un juste milieu entre sa rigueur et l’écoute. » « Et le dialogue est ouvert, dit encore Benoît Pedretti. Un exemple : la semaine dernière, au Maroc, il voulait que je joue le match amical. Moi, j’éprouvais le besoin de souffler. Il m’a entendu. » La déclaration la plus significative vient sans doute de Kodji Nakata, qui l’a connu durant de longues années en sélection japonaise : « Là-bas, je l’ai connu très autoritaire, avouait-il récemment sur le site internet du club. Il me semble qu’il a changé. » Si l’on effectuait un sondage à bulletins secrets, Troussier ne gagnerait pourtant pas le titre d’entraîneur le plus aimé du Championnat de France. Certains de ses joueurs éprouvent des doutes sur sa personnalité, lui reprochent l’acidité de ses propos et sa manière de les chambrer. Mais, même les moins séduits apprécient son professionnalisme et la facilité avec laquelle il a dédramatisé la situation de l’équipe, début janvier, après son élimination en Coupe de France (2-3) contre Angers (L 2). Depuis son arrivée, Troussier a également prouvé que les mises au placard étaient rarement définitives. Lors de sa prise de fonctions, il avait aussitôt écarté Lizarazu, Pedretti et Luyindula. Le premier est parti au Bayern Munich. Mais s’il était resté, tout laisse à penser qu’il aurait eu l’occasion de rejouer à la place d’Olembe. Les deux autres sont aujourd’hui systématiquement titulaires. L’entraîneur fut parfois aidé par les circonstances : en début d’année, il émettait encore, en privé, de sérieuses réserves sur les qualités de Luyindula. Mais, Bamogo étant blessé, il continuait à le titulariser. Depuis, l’ancien Lyonnais a inscrit quatre buts et offert une passe décisive en cinq rencontres. Troussier a aussi fait preuve d’une souplesse tactique dont on ne l’imaginait pas capable, en abandonnant (momentanément ?) un système (3-5-2) qu’il avait toujours utilisé au cours de sa carrière. Charmeur, show man, l’homme est intelligent, orgueilleux et ambitieux. Il a compris que sa réussite à Marseille nécessitait une forme de souplesse. Une souplesse relative.
L'Equipe
Voila l'article de l'équipe