par Gustave Ganay » 28 Déc 2004, 20:41
Les grands communicants. Plus ils parlent, moins on comprend. Ou plutôt : plus ils parlent, plus on comprend qu’ils nous prennent pour des c…
Quand on aime le foot, on aime une certaine vérité : celle du terrain, celle du jeu. Celles des hommes qui ont du courage, du talent, des forces ou des défaillances…
Mais quand le foot est envahi par la communication, on peut dire adieu à la vérité. Et ce n’est pas parce que la com’ dégouline partout, qu’elle est respectable pour autant. Au contraire.
Quelques exemples d’actualité.
Avec les plus beaux accents de sincérité, RLD nous explique qu’il va rester parce qu’il aime Marseille.
En réalité, RLD est scotché à l’OM par la dette colossale que le club a envers lui. Aucun repreneur ne rachètera « l’entreprise » avec ce passif : s’il cède le club, RLD entérine définitivement ses pertes. En restant propriétaire, il peut espérer que de futurs profits viendront réduire la dette, rendant alors possible le rachat par un tiers. Il parle d’amour ; il pense revente.
Avec les plus beaux accents de la raison, Troussier nous explique que la stabilité est une vertu et qu’il n’a pas besoin de nouveaux joueurs en cours de saison. D’ailleurs, à Arsenal ou Chelsea, on est stable, pas vrai ? (on peut : t’as vu l’effectif ?).
En réalité, Troussier est scotché par la décision de Louis-Dreyfus de ne plus mettre un rond de plus dans cette affaire : tu viens à l’OM pour gérer ce budget-là ou tu restes en Patagonie. Bien monsieur, oui monsieur, je viens… Il parle de stabilité ; il pense à obéir.
Avec les plus beaux accents de la maturité post-pubère, Pedretti ou Luyindula clament qu’ils veulent rester et faire leurs preuves, même si on ne sait jamais ce qui peut arriver dans le foot.
En réalité, ils sont scotchés par le droit du travail. S’ils se répandent dans la presse qu’ils n’ont qu’une envie, c’est de quitter cet enfer pour lequel maman ne les avait pas préparés, alors l’employeur pourra évoquer ces déclarations en cas de litige prud’homal. Voyez, Monsieur le Juge : ils voulaient partir ! On peut éviter une partie des indemnités de rupture du contrat de travail. Le conseiller juridique est passé par là : loyauté envers l’employeur, haut et fort (négociation tous azimuths : en douce) ! Ils parlent de loyauté ; ils pensent aux indemnités.
Avec les plus beaux accents de la fidélité, le président dit : « je renouvelle toute ma confiance à l’entraîneur».
En réalité : c’est une variante du cas précédent. Voyez, Monsieur le Juge, je voulais le garder : je l’ai dit à la presse. Mais hélas, il a baisé la femme de ménage et j’ai dû m’en séparer. Ils parlent de confiance ; ils préparent le dossier.
Avec les plus beaux accents de la modestie, ils vous déclarent qu’ils respectent l’adversaire et que le prochain match sera forcément très dur.
En réalité, ils se disent : on va enfin pouvoir lever le pied. Devant ces nazes, c’est gagné d’avance.
Avec les plus beaux accents du travailleur, ils vous disent qu’ils prennent les matchs un par un, sans se poser de questions, qu’il faut continuer à travailler, qu’on n’y est pas encore... Vous avez tous le même prof ou quoi ?
Avec les plus beaux accents du souvenir, ils vous disent que le maillot noir à bord jaunes est en hommage aux glorieux Minots des années 80.
Pauvre âne : à l’époque, les Minots en ont porté un qui était tout jaune avec un petit liseret noir, 5 ou 6 fois… et parce que le club était en délicatesse avec ses fournisseurs… Tout le monde avait honte. Oh, le marketing : on commémore cette honte ?
Avec les plus beaux accents du supporter, ils vous disent qu’on aura la meilleure équipe depuis 10 ans. No comment.
Les plus lucides vous diront alors : oui, mais tout ça c’est à cause de vous, les amateurs de foot : vous voulez des nouvelles sans arrêt. Il faut vous alimenter…
Oh, les gars ! Non seulement vous n’êtes pas terribles, mais en plus vous nous prenez pour des débiles ? Si c’est pour nous alimenter avec toutes ces idioties qu’on devine d’avance, vous pouvez arrêter tout de suite. En fait, c’est vous qui fabriquez l’événement pour exploiter ce qu’on aime, faire de l’audience. Il faudrait que ce soit à nous de se priver de ce qu’on aime pour que vous arrêtiez vos stupidités ? On aime le foot, oui, mais on n’aime pas votre façon de faire. Votre façon de nous vider le cerveau et de vous remplir les poches.
Vous croyez qu’on ne le voit pas? Vous pensez que, parce que vous êtes de l’autre côté du téléviseur courtisés par des lêcheurs du micro, ça rend vos propos plus intelligents ?
Le mensonge bien emballé nous met en colère, c’est tout.
Il diminue considérablement le respect qu’on vous porte.
On va peut être même finir par vous respecter… autant que vous, vous semblez nous respecter !
Alors vous comprendrez que les insultes qui fusent de ça de là, les banderolles agressives ou les tags crasseux ne sont que le reflet maladroit, mais direct, de cette violence sournoise et cupide que déverse votre communication mensongère et envahissante.
Allez l’OM ! Et tiens, prends ça au passage, communicant de mes…
Gustave-Ganay