par gob » 29 Nov 2004, 12:19
c'est mieux que rien même si la mise en page est pas géniale...
« UNE FOIS DE PLUS, l’OM s’est offert
une révolution de palais la semaine dernière.
Avec, pour commencer, le renoncement
de José Anigo.
– Je ne sais pas si c’est une révolution de
palais. Le métier d’entraîneur est très dur. José
Anigo avait pris l’équipe la saison dernière,
dans une situation difficile, avec beaucoup de
courage et de compétence. Il l’a amenée jusqu’en
finale de la Coupe UEFA. Même si on ne
l’a pas gagnée, ce n’est pas rien. Il a fait un
super boulot, mais cette année ça se passait
mal. Il était fatigué et, à Ajaccio, il a sans doute
senti que son message ne passait plus. Les
joueurs ne peuvent pas dire “ On est derrière
José ” et faire le match qu’ils ont fait. Il en a
donc tiré des conséquences pour lui.
– Mais il reste à l’OM…
– Oui. José est très important pour le club.
C’est un excellent formateur. Il va assister Pape
Diouf. Et j’espère qu’après avoir sorti Flamini et
Nasri il va nous en sortir d’autres.
– Avez-vous compris ses arguments ?
– Si, pour une raison ou une autre, le courant
ne passe plus entre les joueurs et l’entraîneur, il
n’y a pas grand-chose à faire.
– Comment jugez-vous son bilan ?
– Excellent jusqu’à la fin de la saison dernière.
On a bien redémarré et puis ça s’est gâté. Chacun
peut avoir son opinion. Moi, je pense qu’on
avait un très bon système défensif avec un libero
et deux stoppeurs. On a décidé de passer à
quatre derrière. C’était une erreur. L’enchaînement
des mauvais résultats vient en partie de
là. Quand on ne prend pas de but, au pire, on
fait match nul.
– Que vous inspirent les performances
de l’équipe ?
– Si vous prenez les joueurs un par un, il y a
beaucoup de qualités. Mais on s’est peut-être
trompé sur la complémentarité. Evidemment,
c’est toujours plus facile à dire après. Je suis un
peucommeles supporters : triste.On n’apas de
fonds de jeu, on ne montre pas assez d’enthousiasme.
Prenez Pedretti : il est en équipe de
France, il a du talent, une grande qualité de
passes, il n’y a donc aucune raison qu’il ne fasse
pas de grands matches avec l’OM. Mais avec
un homme à poigne comme Philippe Troussier,
je pense que ça va revenir très vite. Ça va être
un choc tonique.
– Êtes-vous intervenu dans le recrutement
cet été ?
– J’ai donné mon avis sur un certain nombre
de joueurs, qu’on aurait dû prendre et que malheureusement
on n’a pas pu prendre. Par
exemple, Jan Kohler et Samuel Eto’o. Il y avait
aussi Heinze…
– Vous n’avez pas pu les prendre ou les
gens en place n’ont pas voulu les
prendre ?
– On va dire qu’on n’a pas pu les prendre.
– Allez-vous rectifier le tir lors du mercato
en janvier ?
– Il faudra laisser partir un certain nombre de
joueurs. Ce sera à Pape Diouf de décider. En
fonction de ça, on pourra peut-être recruter un
ou deux éléments.
– Il faudra des départs pour qu’il y ait
des arrivées ?
– Oui. Mais franchement, si on ne finit pas
dans les trois premiers avec cet effectif, c’est
que quelque chose ne va pas. Il n’est pas normal
que Sochaux, qui a perdu Frau et Pedretti,
ou Auxerre, qui a perdu Cissé, Kapo, Mexès et
Boumsong, soient devant nous. Sur le papier,
seul Lyon a un effectif supérieur au nôtre.
– Votre objectif reste donc inchangé ?
– Il n’y a aucune raison qu’on ne soit pas en
Ligue des champions la saison prochaine. Que
voulez-vous, à Marseille, la ville vit au rythme
des émotions de l’OM. Les supporters veulent
du beau jeu, ils veulent pouvoir s’enthousiasmer
et, jusqu’à présent, on ne leur a pas donné
satisfaction. Marseille, quand ça marche, c’est
fantastique ; quand ça ne marche pas, ça peut
être terrible. C’est pareil à Paris. A quinze jours
près, ou à deux matches près, c’est au PSG que
la crise éclatait. Ce sont les deux seuls clubs en
France qui provoquent des émotions aussi
fortes. Si Lyon était septième, pas trop loin de la
troisième place, il n’y aurait pas de crise.
– Justement, le contraste est saisissant
entre la continuité lyonnaise et l’instabilité
marseillaise. Ça ne vous fait pas
envie ?
– Les résultats de Lyonmefont envie, oui.Moi,
je n’aime que gagner. Maintenant, est-ce que
je serais heureux d’aller le week-end au stade
Gerland ? Non.
– Le départ de Drogba était-il une
erreur ?
– Non. Quand on est président, on ne peut pas
refuser une offre de 37 millions d’euros. Le problème,
c’est qu’après avoir vendu Drogba on
n’avait pas de plan pour le remplacer. Or, avec
une telle somme, on doit pouvoir bâtir une
belle équipe. On aurait sans doute pu avoir
Kohler ou Eto’o, plus d’autres joueurs. Et
l’équipe aurait été plus forte. Vous savez, je
suis toujours un peu traumatisé par l’affaire
Van Buyten. Il y a deux ans, on avait des offres
pour lui à 15 ou 20 millions d’euros. Et on l’a
vendu cet été pour 3,5 millions.
– Pourquoi n’avoir pas imposé le recrutement
de Kohler ou Eto’o ?
– Depuis un certain temps, j’essaie de ne plus
me comporter en président. Je donne mon avis
aux gens en place, ensuite c’est à eux de décider.
C’est une question d’honnêteté intellectuelle.
Je ne laisse pas les gens décider pour la
ramener après sur le thème : “ Vous voyez, je
vous l’avais bien dit ! ”
– Comment expliquer ces atermoiements
après le départ de Drogba ?
– Il y a un point sur lequel j’ai échoué, c’est
celui du scouting. Depuis le début, je dis qu’on
a besoin de gens qui vont voir des matches à
longueur d’année, qui font des fiches, qui nous
alertent sur des joueurs. Je ne sais pas pourquoi,
onn’est pas parvenu à mettre ça en place.
Au Bayern, quand ils cherchent un arrière
gauche, ils vous sortent un listing de vingt-cinq
joueurs qui ont été supervisés. On travaille trop
dans l’urgence. On s’est souvent trompé sur les
Sud-Américains par exemple. Alors qu’à Lyon il
n’y a pas d’erreur de casting. Ils ont une filière
qui fonctionne. J’espère qu’avec Pape Diouf, ça
va changer.
– Avez-vous regretté que Laurent
Blanc ne vienne pas en mars dernier ?
– Laurent a énormément de qualités. Un jour,
il sera un grand manager. Mais était-il déjà
prêt ? Je ne sais pas. L’exemple de Deschamps
est assez rare.
– Qui a choisi Troussier ?
– Avec Pape Diouf, on avait établi une liste de
quatre personnes : Carlos Bianchi, Rudi Völler,
Bruno Metsu et Philippe Troussier. J’ai validé
cette liste et Pape Diouf a choisi Troussier.
– A-t-il été choisi parce que ça n’a pas
pu se faire avec les autres ?
– Non, c’est notre choix. Il y en avait un seul
qu’on ne pouvait pas prendre, c’est Metsu. Il
est sous contrat au Qatar.
– Connaissez-vous Troussier ?
– Un peu. Quand j’étais patron d’Adidas, on
avait pris le Japon sous contrat et fait venir
Troussier. Il avait fait du bon travail puisque le
Japon avait atteint les huitièmes de finale de la
Coupe du monde.
– Il a la réputation d’un entraîneur
autoritaire. N’est-ce pas ce que l’on
reprochait à Alain Perrin ?
– On peut être à la fois un meneur d’hommes
et proche des joueurs. C’est possible dans le
sport comme dans les affaires.
– Anigo était-il trop proche des
joueurs ?
– Je crois qu’il s’est fait piéger par l’affectif.
– Philippe Troussier a signé pour combien
de temps ?
– Il a un contrat d’objectif jusqu’à la fin de la
saison. Avec un salaire raisonnable qui sera
doublé si l’OM se qualifie pour la Ligue des
champions. Il devrait former un bon duo avec
Pape Diouf.
– Les duos harmonieux, ce n’est pas
vraiment la marque de fabriquede l’OM
sous votre présidence…
– Il y a souvent eu des problèmes, dans le passé,
entre le président et l’entraîneur. S’il y avait
eu un manager au milieu, on les aurait évités.
Dans les clubs qui marchent, il y a le plus souvent
un manager et un entraîneur. J’espère que
Pape Diouf sera ce chaînon manquant.
– Le deuxième départ de la semaine a
été celui de Christophe Bouchet. A-t-il
démissionné avant que vous ne mettiez
fin à ses fonctions ?
– Cet été, Christophe Bouchet avait déjà
approché Medhi el-Glaoui, le président du
conseil de surveillance d’Éric Soccer, pour lui
faire part de son désir de partir. Bon, finalement,
il est resté.
– Pas sur votre insistance, donc ?
– Non.
– Sa démission tombait-elle à pic ?
– Je peux comprendre que pour le président de
l’OM vivre àMarseille, avec sa famille, ce n’est
pas tous les jours Noël. Il a fait de bonnes
choses et puis il a été gagné par la lassitude
physique et morale. Ce quim’a frappé, c’est sa
transformation physique. Au mois de juin, il
était comme moi, avec de l’embonpoint.
Aujourd’hui, il a le visage aussi émacié qu’un
athlète. On a donc décidé, d’un commun
accord, qu’il valait mieux qu’il prenne du recul,
puis qu’il quitte ses fonctions.
– Comment jugez-vous son bilan ?
– Globalement positif. Sur le plan financier, il
a pérennisé le club qui était mal en point. Il a
mené à bien la transformation de la Commanderie
qui est devenue l’un des plus beaux
centres d’entraînement de France. Il a fait
démarrer le projet d’agrandissement du stade.
Sur le plan sportif, il a aussi eu des résultats.
Une troisième place et la qualification pour la
Ligue des champions lors de la première année.
La finale de la Coupe UEFA lors de la deuxième.
Il a fait de très bonnes choses, mais ce que les
gens veulent à Marseille, ce sont des titres.
– Ilalaissé entendre qu’il avait reçu des
menaces et qu’il devait se protéger.
– Ça nem’étonne pas. Moi aussi, à différentes
périodes, j’ai reçu desmenaces. Mais quand on
reçoit des menaces, c’est qu’on n’est pas en
danger. C’est quand on n’en reçoit pas qu’on
l’est. Les lettres anonymes, ce ne sont pas les
plus courageux qui les envoient. Mais, contrairement
à Bouchet, je n’ai jamais vécu à Marseille.
Sur place, ça doit sûrement être plus difficile.
– Que pensez-vous du comportement
des supporters ces derniers temps ?
– Ça m’attriste, mais en même temps je comprends
leur déception.
– Bouchet a-t-il commis une erreur en
installant sa femme à la tête d’OMTV ?
– Moi, je ne l’aurais pas fait.
– Bouchet a démissionné, mais reste au
club. C’est une situation curieuse, non ?
– Il y a deux ou trois dossiers à boucler.
Comme celui des droits télé. Christophe Bouchet
fait partie du conseil d’administration de
la Ligue et il est important que l’OM fasse
entendre sa voix dans ce dossier.
– Qui va le remplacer ?
– Avant de nommer un successeur, j’ai décidé
de faire réaliser un audit au club. Pour cela, j’ai
choisi un ami proche, que je connais depuis dix
ans, qui est sportif et marseillais. C’est Louis
Acariès. Il va s’appuyer sur Pape Diouf et Philippe
Meurice (NDLR : le directeur financier).
– Quel type d’audit va-t-il réaliser ?
– Un audit général, à l’exception de la situation
financière, qui est très saine. Et, début janvier,
on choisira le nouveau président sur la
base des recommandations de Louis Acariès.
L’idée, c’est de ne pas agir dans la précipitation.
– Et d’ici janvier, qui dirigera le club ?
– Pour le sportif, c’est le duo Diouf-Troussier.
Pour le reste, ce sera le duo Philippe Meurice-
Vivian Corzani (directeur général de l’OM).
– Le départ de Bouchet sera donc effectif
à la nomination du nouveau président
?
– Oui. Mais pour nous, il est déjà parti. Il ne
participera pas au choix de son successeur.
– Le départ de Bouchet coûte-t-il cher ?
– Non. Il avait un contrat. On va lui payer un
an. Ça revient beaucoup moins cher qu’une
séparation avec un entraîneur.
– Il avait aussi 10 % des actions d’Eric
Soccer.
– Il les garde.
– Est-il envisageable que Louis Acariès
devienne président de l’OM ?
– Non. C’est parce qu’il est complètement
désintéressé et que j’ai une totale confiance en
lui que je lui ai demandé de se pencher sur la
question.
– Depuis des années, on vous reproche
de ne pas être assez présent à Marseille…
– S’il y a les bons interlocuteurs sur place et
qu’on se téléphone tous les jours, ma présence
physique n’est pas nécessaire.
– L’espérance de vie d’un président de
l’OM ne va guère au-delà de deux ans.
Autant dire qu’il faudra un certain courage
au nouveau président pour relever
ce challenge…
– Si je voulais être ironique, je dirais qu’aucun
d’eux ne s’est appauvri. Il faut y croire, c’est
tout. J’ai ma part de responsabilités dans les
choix qui ont été effectués. Marchand, c’était
un mauvais casting. Bouchet, c’était un bon
casting. Hélas, à un moment donné, les résultats
lui ont fait défaut. Parce que son problème
avec les supporters, il venait des résultats.
– Avez-vous songé à abandonner
l’OM ?
– Jamais. Ni la semaine dernière, ni il y a un
mois, ni il ya trois ans. J’ai l’amour deMarseille.
J’aime ce club, j’aime cette ville. Ce qui me fait
avancer et espérer, c’est un titre. Si on avait
déjà gagné le Championnat et une Coupe
d’Europe, je serais peut-être blasé. Mais ce
n’est pas le cas. Moi, j’ai faim. Faim de titres.
– Au bout de huit ans, il y aurait pourtant
de quoi se lasser ?
– Je suis parfois abattu.Mais ce n’est pas pour
cela que je vais quitter le club. Je reste à l’OM et
sans limitation de durée. Je n’ai jamais eu de
doute là-dessus. Peut-être que des gens ont
intérêt à faire courir ce genre de rumeurs à Marseille.
Mais ça ne vient pas de mes proches.
– Allez-vous remettre de l’argent dans
le club ?
– Non, ce n’est pas nécessaire. On a de la trésorerie
et le départ de certains joueurs au mercato
devrait nous procurer des liquidités.
– Quand avez-vous cessé d’injecter de
l’argent dans le club ?
– Ça va faire trois ans.
– Connaissez-vous le montant de votre
investissement à l’OM depuis le début ?
– Oui. Cent cinquante millions d’euros.
– Et aucun trophée…
– Oui, j’aurais mieux fait d’aller à Las Vegas.
(Rires.)
– Vous ne quitterez pas Marseille avant
d’avoir remporté un titre ?
– Exact. Je veux au moins gagner un Championnat
de France.
– Quelle était la teneur de votre entretien
avec Jean-Claude Gaudin, le maire
de Marseille, jeudi dernier ?
– On devait se voir début octobre,mais le rendez-
vous avait été reporté. Le fait que ce soit
tombé en plein dans les événements est une
pure coïncidence. Mes relations avec le maire
sont très bonnes. Nous avons notamment évoqué
le projet d’agrandissement du Stade-Vélodrome.
Il m’a dit que c’était sérieux. J’en suis
ravi. La mairie a mandaté un cabinet d’architectes
afin de se pencher sur le dossier. D’ici
2007, l’objectif est de couvrir le stade, d’augmenter
sa capacité et d’ajouter deux cents
loges du côté de la tribune Jean-Bouin.
– Le juge d’instruction marseillais
Franck Landou a bouclé son enquête sur
les transferts de l’OM entre 1997 et
1999, un dossier dans lequel vous avez
étémis en examen pour " abus de biens
sociaux ". La perspective du procès en
2005 vous inquiète-t-elle ?
– Je n’ai aucun commentaire à faire sur ce
sujet.
– L’OM est-il ingouvernable ?
– Je pense qu’il est gouvernable, mais je n’ai
pas encore trouvé la clé. Cela dit, c’est une
question dont plus personne ne se préoccupera
dès qu’on aura enclenché une série de victoires.
– Qu’avez-vous envie de dire aux supporters
?
– Aidez-nous à gagner. Nous, on fera tout
pour ça. »
Entretien réalisé par RÉMY LACOMBE