Et pis un autre
JUSTICE La cour d'appel n'aurait pas à se prononcer sur cet ancien différend avec le Crédit lyonnais
Adidas : Bercy accepte de négocier avec Bernard Tapie
Bertille Bayart
[10 novembre 2004]
Dans cette affaire, Bernard Tapie serait, et de loin, le plus grand bénéficiaire des dommages et intérêts éventuellement versés.
La bataille que se livrent depuis dix ans le Crédit lyonnais et Bernard Tapie ne se réglera pas au tribunal. Alors que la cour d'appel devait ouvrir le procès civil de ce dossier retentissant le 18 novembre, les différentes parties en présence s'apprêtent, selon nos informations confirmées auprès de plusieurs sources, à entrer dans les tout prochains jours dans un processus de médiation, sous l'égide de Jean-François Burgelin, ancien procureur général de la Cour de cassation.
Cette décision d'entrer dans une négociation amiable surprend de nombreux connaisseurs de l'affaire, tant elle paraît politiquement risquée pour le gouvernement. Car, dans ce dossier, c'est l'Etat qui est en première ligne, s'étant substitué au Crédit lyonnais pour les contentieux datant du début des années 90.
La médiation rendra, si elle aboutit, inutile la procédure en cour d'appel. La procédure concerne, principalement, deux parties. D'un côté, l'Etat, de l'autre, Bernard Tapie. Formellement, le premier intervient par l'intermédiaire du Consortium de réalisation (CDR), la structure qui a hérité des actifs compromis du Lyonnais. Quant à l'ancien homme d'affaires, il n'est juridiquement pas partie prenante à la procédure, menée en droit au nom des actionnaires minoritaires de son ancienne société, Bernard Tapie Finance (BTF). Mais, concrètement, Bernard Tapie serait, et de loin, le plus grand bénéficiaire des dommages et intérêts éventuellement versés. Devant la cour d'appel, les minoritaires et les liquidateurs de BTF ne réclament pas moins de 1 milliard d'euros au CDR. Ils affirment que le Crédit lyonnais les a spoliés d'une importante plus-value lors de la cession en 1993-1994 d'Adidas, alors propriété de BTF, à Robert Louis-Dreyfus.
Du côté des minoritaires de l'ancien BTF, de son liquidateur et de Bernard Tapie, on est de longue date favorable à une résolution amiable de cette affaire, déjà ancienne et qui risque devant les tribunaux de traîner encore de longues années. En revanche, du côté du Crédit lyonnais puis du CDR, la stratégie a longtemps été de camper sur un refus de s'engager dans toute négociation. Une position qui a manifestement changé au cours des dernières semaines. «La décision d'accepter une médiation a été prise par le ministre de l'Economie», affirme une source proche du dossier.
Cette stratégie, même accompagnée d'une grande prudence, puisque sept conditions auraient été posées par Bercy à la conclusion effective d'une transaction, étonne plus d'un expert de cette affaire tant elle est porteuse de risques politiques. Certes, l'Etat peut légitimement souhaiter solder un dossier qui n'a que trop duré. Mais s'engager dans une médiation signifie aussi accepter de négocier avec Bernard Tapie. «Cela va accréditer l'idée que le dossier monté contre le Crédit lyonnais et le CDR est solide», s'insurge un proche du dossier.
Tout dépendra in fine de la forme que prendrait une éventuelle transaction.
Car, explique-t-on, un accord n'impliquera pas forcément un coût pour le CDR, donc pour le contribuable. Deux éléments sont en effet dans la balance. D'une part, les dommages et intérêts réclamés au CDR (1 milliard d'euros). D'autre part, les dettes de Bernard Tapie auprès du même CDR, soit un montant de l'ordre de 120 millions d'euros. L'ancien homme d'affaires, devenu acteur, est en situation de faillite personnelle. Un accord amiable dans l'affaire Adidas pourrait le faire sortir de ce statut. Reste à savoir quelles seront les prétentions de Bernard Tapie et des représentants de l'ex-BTF dans le cadre d'une procédure amiable.
Devant la cour d'appel, ils s'apprêtaient à défendre l'idée que BTF a été lésé lors de la vente d'Adidas en 1993. A l'époque, le Crédit lyonnais et Bernard Tapie avaient décidé de dénouer leurs liens. Dans ce cadre, BTF a confié le 16 décembre 1992 un mandat à la SDBO, son banquier, filiale du Crédit lyonnais, en vue de la cession d'Adidas. Selon les minoritaires de BTF et de Bernard Tapie lui-même, il y a eu faute dans l'exécution de ce mandat. Le Crédit lyonnais aurait, d'une part, imposé un prix (2,08 milliards de francs à l'époque) et, d'autre part, organisé un portage destiné à lui assurer un gain ultérieur substantiel puisque, in fine, Adidas a été introduit en Bourse en 1995 pour une valorisation de 11 milliards de francs.
Voila maintenant vouss etes des spécialistes du dossier