par hijodelsol » 15 Oct 2004, 07:39
L'entraîneur du Paris-Saint-Germain revient sur le mauvais début de saison de son club, 16e du championnat de France.
Vous reprenez la parole après plusieurs semaines de silence. Comment vivez-vous ce début de saison très décevant du Paris-Saint-Germain ?
Cette période est la plus délicate de ma carrière d'entraîneur et de joueur. D'un certain côté, c'est enrichissant : cela va me permettre de voir comment je vais gérer cette situation. S'il sort de ce passage délicat sans imploser, le PSG aura gagné une bataille qui est nouvelle pour lui, l'une des plus importantes de son histoire.
Quelle analyse faites-vous de cette mauvais passe ?
On a mal géré le succès. Nous avons vécu une saison 2003-2004 inespérée, même si les critiques ont été nombreuses : absence de fonds de jeu, style trop défensif... C'est bizarre, ce jacobinisme footballistique dans les médias : tout ce qui vient du PSG n'est pas bon, même quand il n'y a pas de conflit. Pour revenir à cette saison, alors que le stage de préparation à Aix-les-Bains s'était passé merveilleusement bien, le vestiaire a complètement explosé. Les nouveaux joueurs ont été mal accueillis par les autres, par jalousie. Cinq ou six gars, qui étaient déjà au club la saison passée, se sont crus "arrivés", pensant qu'ils étaient les meilleurs... Ils n'ont pas géré leur nouveau statut. Ils étaient méconnaissables. Certains ont provoqué des conflits, peut-être volontairement. L'affaire Fiorèse -joueur ayant rejoint l'OM dans un climat délétère- a déstabilisé pas mal de choses. Il y a eu aussi des histoires de sous. On a discuté de primes de match, de reconduction de contrats, le staff médical était mécontent de ses rétributions, etc. Sans doute qu'il y a eu aussi du relâchement. On a tous pris un peu la grosse tête : le staff, les dirigeants, et surtout les joueurs.
Bref, le groupe ne s'est pas formé...
Oui. Former un groupe, ce n'est pas facile, ça ne se décrète pas et ça demande du temps. Je pensais que l'amalgame allait se faire tout seul, naturellement, grâce au travail quotidien. Je n'ai pas cherché à imposer quoi que ce soit. J'aurais peut-être dû provoquer les choses. Et quand un vestiaire n'est pas bien, vous ne pouvez pas obtenir de résultats.
Ce malaise ne vient-il pas de l'absence de leader, rôle qui incombait la saison passée à Frédéric Déhu -parti à l'OM- ?
Le problème, c'est que tous les joueurs ont voulu être leaders cette saison, et tout le monde a voulu être capitaine. J'ai finalement donné le brassard au plus modeste d'entre eux, José Pierre-Fanfan, et j'ai fait de Pedro Pauleta un leader naturel. Tous deux m'ont dit que les autres ne les écoutaient pas ! La jalousie est le loisir le plus pratiqué en France, mais je ne pensais pas que cela provoquerait autant de conflits chez nous. Après la défaite contre Chelsea (0-3), j'ai tapé du poing sur la table. J'ai dit aux joueurs de régler le problème entre eux et que, s'il fallait expulser quelqu'un du club, je le ferais.
Les nouveaux venus - Mario Yepes, Sylvain Armand, Jérôme Rothen - sont très en dessous de leur niveau. Pourquoi ?
Justement parce qu'ils n'ont pas été bien reçus par leurs collègues. Moi aussi, pour ma première année de joueur à Nantes, je n'avais pas été bien accueilli. Mes coéquipiers ne me donnaient jamais le ballon. Ils m'ont expliqué, plus tard, qu'ils étaient jaloux de mon salaire. C'est pareil aujourd'hui. Certains gars ont dit aux nouveaux : "Pourquoi viens-tu au PSG ? On avait déjà un joueur à ta place, meilleur que toi." C'est pas facile à entendre. Rothen, Yepes et Armand sont de bons joueurs. Mais ils ont été très touchés par cet "accueil".
Vous sentez-vous responsable de cette situation ?
Quand tu es entraîneur, tu es toujours responsable. C'est moi qui ai choisi ce groupe, je lui ai fait confiance, peut-être trop... Ce ne sont pas des mauvais gars, pourtant. Mais je n'imaginais pas qu'autant de conflits se créeraient. J'ajoute que nous avons eu beaucoup de blessés et que certains joueurs sont arrivés tardivement, ce qui n'a rien facilité.
Avez-vous pensé à démissionner ?
Jamais. Je ne démissionnerai jamais. Je vais aller jusqu'au bout de mon contrat de quatre ans. Et peut-être même que je prolongerai de quatre ou cinq ans supplémentaires, pourquoi pas...
Avez-vous craint d'être licencié ?
Jamais. J'ai reçu le soutien de tout le monde : Jean-René Fourtou -PDG de Vivendi Universal-, Bertrand Méheut -président du Groupe Canal+- et bien sûr Francis Graille -président du PSG-. Je n'ai jamais douté de mon travail. Et, d'ailleurs, personne ne s'en plaint. Avez-vous entendu un joueur dire du mal de mon travail ?
Certains anciens joueurs, comme Frédéric Déhu et Gabriel Heinze, ont récemment critiqué vos méthodes, trop autoritaires à leurs yeux.
Si un entraîneur n'a pas de caractère ni d'autorité, il ne peut pas diriger un club comme le PSG. Ici, il y a quelqu'un qui décide, et c'est Vahid ! Nous avons établi un règlement intérieur en début de saison, et tout le monde doit s'y plier.
N'êtes-vous pas trop dur avec vos joueurs ?
Qu'est-ce que ça veut dire "dur" ? Ce qui me dégoûte le plus, c'est d'entendre des joueurs dire du mal du PSG une fois qu'ils en sont partis. Certains entraîneurs font pareil, ils crachent dans la soupe, qui était merveilleusement bonne hier. Si je le voulais, je pourrais dire beaucoup de choses sur Luis Fernandez et Jean-Michel Larqué...
L'amitié qui vous lie à Francis Graille vous protège-t-elle ?
Francis Graille a plus de dettes vis-à-vis de moi que moi vis-à-vis de lui. Il sait qui je suis et comment je travaille. On est dans le même bateau et on se fait confiance aveuglément, pas comme Fernandez et -Laurent- Perpère, qui se chamaillaient tout le temps ! Je rappelle que c'est la première fois, depuis sept ou huit ans, que le PSG commence une saison sans déficit. Juste un détail : on a récupéré les meubles qui étaient dans les logements que le club prêtait auparavant aux joueurs. Eh bien, on en a tellement récupéré qu'on pourrait meubler tout Saint-Germain-en-Laye ! Vous voyez la télévision qui est dans mon bureau : elle appartenait à un joueur qui en avait deux ou trois comme ça chez lui. Depuis qu'on est là, on n'a pas acheté une cuillère. Le PSG a radicalement changé, et ça ne fait pas plaisir à tout le monde. Certains joueurs ne comprennent pas pourquoi le PSG n'est plus aussi riche qu'avant. J'ai recruté Ibisevic. On m'a dit : "Mais pourquoi ne recrute-t-on pas Morientes ?" C'est simple : Ibisevic gagne 5 000 euros par mois et. Il en va de la stabilité du club.
Le PSG peut-il encore arracher une place qualificative pour la Ligue des champions ?
Ca sera difficile, c'est mal parti. On n'est pas encore sorti d'affaires, mais on va tout faire pour redresser la barre le plus vite possible. Quant à moi, je serai plus vigilant. Je pensais avoir un groupe capable de s'éclater, je me suis trompé.
Propos recueillis par Frédéric Potet
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Deux victoires en onze matches
Créé en 1970, le Paris-Saint-Germain vit actuellement l'un des plus mauvais débuts de championnat de son histoire en première division. Seizième au classement de la Ligue 1 après 9 journées, le club de la capitale compte trois défaites, quatre nuls et seulement deux victoires (contre Strasbourg et à Bastia). En Ligue des champions, ses deux défaites - à domicile face à Chelsea (0-3) et sur le terrain du CSKA Moscou (2-0) - ont considérablement réduit ses chances de qualification pour la deuxième phase de l'épreuve. Vainqueur de la Coupe de France et deuxième du championnat en 2003-2004, le PSG reste pourtant sur l'une de ses meilleures saisons.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 14.10.04
"l'idée de transférer ribery a lyon est aussi incongrue que me voir moi, entrer chez les bonnes soeurs." José Anigo le 9 Mai 2006