Virage sous contrôle...

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Virage sous contrôle...

Messagepar hijodelsol » 14 Oct 2004, 12:19

L’Olympique de Marseille concède l’exclusivité d’une partie des abonnements à ses supporters. Histoire d’un particularisme.


Depuis 1999, huit groupes de supporters détiennent l’exclusivité des abonnements dans les deux virages du Stade-Vélodrome, soit 48 % de sa capacité. Un système initié par Bernard Tapie, qui donne une idée de leur force et assure à ces groupes une importante rentrée d’argent par le biais de cotisations. Et en font un interlocuteur de poids auprès de la direction du club.
MARSEILLE –

de notre envoyé spécial


SUR LE SITE INTERNET officiel de l’Olympique de Marseille, à la rubrique billetterie, il est stipulé ce « rappel important » : « Voir un match dans le virage sud ou le virage nord ? C’est impossible. Les virages sont gérés exclusivement par les groupes de supporters et par abonnement ! » Cette concession exclusive aux groupes de supporters de quasiment la moitié de la capacité du Stade-Vélodrome (48 %, soit 27 600 des 57 000 places), est unique en France. Elle illustre d’abord la montée en puissance continue de ces groupes depuis vingt ans.

Lorsque Bernard Tapie est devenu président de l’OM, en avril 1986, il n’en existait que deux : le Club central des supporters, depuis 1970, et le Commando Ultra, fondé le 31 août 1984. Les South Winners sont apparus en avril 1987, la même année que les Yankees et les Amis de l’OM, suivis par les Fanatics en 1988, les Dodgers en 1992 et les MTP (Marseille trop puissant) en 1994.

Bernard Tapie a rapidement pris en compte l’existence de ces groupes : « L’enjeu, c’était que l’animation dans le stade soit réelle. J’étais très impressionné par les supporters italiens qui déployaient des animations comme des éléments de divertissement. L’idée, c’était que, quoi qu’il arrive, on passe une bonne soirée. D’où l’idée de trouver des moyens, à destination de ces groupes, pour ces animations. » Des moyens « légaux » . Il faut dire que le président de l’époque avait fait le constat suivant : « Lorsqu’on est arrivés, avec Michel Hidalgo, les chiffres de spectateurs nous semblaient bizarres. On a fait photographier les tribunes par des policiers spécialistes du comptage, il nous manquait entre 5 000 et 10 000 spectateurs par match donc autant de faux billets et on a viré la moitié des guichetiers. À part les indélicats, on s’est rendu compte que cela servait à certains groupes pour exister. Il fallait que ces groupes aient une recette officielle. » Enfin, Tapie y voyait aussi un intérêt pour le club : « Un public qui n’est pas fidélisé, c’est un public qui ne vient en nombre qu’à une dizaine de matches dans l’année. Or, quand les supporters deviennent eux-mêmes vendeurs de billets, ils arrivent à les vendre, même pour des matches a priori peu intéressants. »


Le cadeau

d’Yves Marchand


D’où la naissance du système, toujours en vigueur, qui a vu les groupes négocier un tarif d’abonnement préférentiel, passé de 850 francs (130 euros) à l’été 1986 à 500 francs (76 euros) un an plus tard, auquel ils ajoutent une cotisation. Pour Bernard Tapie, une simple attitude pragmatique : « Chacun restait à sa place, je voyais les groupes une fois dans l’année, point barre. Ils pensaient ce qu’ils voulaient, moi aussi, j’avais établi des règles. Il y avait des choses que je tolérais, d’autres pas. Ce n’est arrivé qu’une seule fois, quand ils ont balancé des bananes sur Joseph-Antoine Bell (gardien de l’OM transféré alors à Toulon). Je leur ai dit : “ Vous le refaites une seule fois, le soir même, je suis parti. ” Et ç’a été terminé. »

La relation entre Tapie et les groupes est ainsi décrite par Francis Corre, des Ultras, dans France Football du 20 mars 1990 : « Nous étions là avant lui, bien avant. Nous serons là après lui, toujours. En ce moment, il se sert de l’OM mais il nous offre une grande équipe et, avec elle, du plaisir. » Plusieurs de ces groupes partagent l’analyse de Patrice de Peretti, décédé en juillet 2000, ancien des Winners et fondateur des MTP en 1994, dont le virage Nord porte le nom. Il disait ceci dans L’Équipe Magazine du 29 novembre 1997 : « Nous faisons l’inverse de ce que fait l’État depuis trente ans : il disperse, nous rassemblons. Le stade n’est pas ce qui prime. Nous cherchons d’abord à aider notre prochain en revalorisant sa culture, en lui apportant un soutien moral, financier et même juridique s’il le mérite. » Un travail dans les quartiers que mènent les MTP (La Plaine) et les Winners (Belle-de-Mai), l’ensemble des groupes rendant compte de la société marseillaise, à une notable exception près : l’absence visible de l’extrême droite au Stade-Vélodrome, dans une ville où le Front national a plusieurs fois recueilli plus de 20 % des suffrages.

La montée en puissance des groupes de supporters a été grandement facilitée par la décision d’Yves Marchand (président délégué d’avril 1999 à novembre 2000) de leur octroyer la concession exclusive des virages à partir de la saison 1999-2000 après que les groupes eurent obtenu le départ de Jean-Michel Roussier, son prédécesseur, lequel était opposé à cette concession. Tout comme, d’ailleurs, l’était Bernard Tapie : « Quand j’étais président, il n’y avait pas ce système. Pour aller dans les virages, vous alliez au siège du club ou dans un groupe, c’était le même prix. Et, à mon sens, le système actuel n’est pas légal, à partir du moment où le stade est une enceinte publique. »


« Fiefs, petits

chefs et vassaux »


Depuis cinq ans, les 27 600 places des virages sont donc réparties ainsi, de manière immuable : Winners (5 550), Yankees (5 000), Ultras (4 500), Amis de l’OM (3 550), MTP (3 000), Dodgers (2 500), CCS (2 000), Fanatics (1 500). Des groupes qui, au gré des directions successives, obtiennent un tarif d’abonnement réduit. Monté à 122 euros en 1996-1997, celui-ci était redescendu ensuite à 84,76 euros avant que Christophe Bouchet n’obtienne le passage à 100 euros en mai 2003, avec accord de blocage pour deux ans. Cent euros auxquels les groupes ajoutent une cotisation variable, de 16 à 30 euros.

Mais les abonnés des virages continuent à être gâtés. Si leur abonnement a été augmenté de 16,80 % par rapport à la saison 2002-2003, l’augmentation a été nettement plus sensible dans les autres tribunes (28,86 % à Jean-Bouin, 36,20 % à Ganay).

Et, dans les autres tribunes, il arrive qu’on ronchonne, comme Franck Chauvet, abonné à Ganay et habitué du Stade-Vélodrome depuis trente-cinq ans : « Depuis quelques années, j’ai eu une sacrée augmentation de mon abonnement. Je veux bien que l’on accorde des conditions préférentielles à ces groupes, du fait qu’ils créent de l’animation et poussent l’équipe. Avant, il n’y avait pas cette ambiance, les “ tifos”, cet écho entre les deux virages mais, pour moi, ça reste du folklore. On va d’abord au match pour encourager l’OM. Aujourd’hui, c’est exactement l’inverse, ils ne poussent plus l’équipe. Ces groupes se gèrent avec des fiefs et des petits chefs, des vassaux. Leur gestion est opaque, aucun d’entre eux ne publie ses comptes. Depuis que je vais au Vélodrome, je n’ai jamais vu un public aussi exigeant. Je n’attribue pas directement l’origine de cela aux groupes mais, en tout cas, il y a un certain malaise. Je ne veux pas les détruire mais je dis qu’il faut les gérer. »

Entre les présidents successifs de l’OM et les groupes de supporters, les relations sont à peu près celles existant entre des syndicats et une direction. Il y a, d’un côté, la négociation des tarifs d’abonnement et, de l’autre, l’appréciation de la politique de l’entreprise. Actuellement, la position des Ultras, exposée ici par « Bibe », leur porte-parole, fait office de plateforme à peu près commune : « La direction de l’OM s’occupe de tout sauf du sportif, en tout cas très mal. Aulas, à Lyon, avant de faire OL-TV et OL-coiffure, il a remporté des titres que le club attendait depuis cinquante ans. Si Aulas n’est pas un modèle pour nous, en tout cas, les résultats plaident pour lui. Il y a un gros décalage entre la direction, qui pense que nous sommes viscéralement attachés à nos acquis, et nous, les Ultras, pour lesquels seuls les résultats sportifs comptent. »


DOMINIQUE ROUSSEAU
"l'idée de transférer ribery a lyon est aussi incongrue que me voir moi, entrer chez les bonnes soeurs." José Anigo le 9 Mai 2006
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