par hijodelsol » 09 Sep 2004, 15:31
Grâce à la ridicule "affaire Fiorèse", tout est prêt pour atteindre des sommets de bêtise dans un remake des folles années de la rivalité Paris-Marseille.
Dans le football, pour faire jaillir la connerie, il n'est pas besoin de creuser très profond. L'idéal, c'est de gratter un peu la terre à l'endroit où l'on a enterré les restes de la dernière guéguerre.
Entre le pathos délirant d'un Halilhodzic qui vomit quand un joueur l'embrouille (et qui le raconte), et la démagogie crasse d'un Anigo qui s'enorgueillit de s'être opposé à Tapie pour mieux rivaliser avec lui dans ce domaine, les remous du transfert de Fiorèse à Marseille réunissent tous les ingrédients d'un cocktail dont les remugles nauséabonds sont bien connus. Les dirigeants parisiens ont perdu une belle occasion de jouer l'indifférence en laissant Fiorèse se décrédibiliser tout seul, ce à quoi ses déclarations sur l'OM, "club de ses rêves" et sur le PSG — "dictature" ou "prison" sans viande au menu ni cellules individuelles —, auraient largement suffi. Faute de quoi, ils ont tendu la perche au joueur et à son nouvel entraîneur, qui n'en finit pas de s'enfoncer dans cette insupportable façon qu'il a de jouer de sa prétendue légitimité de Marseillais pur souche. "Je ne connais pas Paris et les gens qui y vivent (...) Ma seule philosophie c'est celle des quartiers nord. Je suis allé à l'université de Calendat, mais [Halilhodzic] il connaît pas". Il s'est trouvé des gens, parmi les tendeurs de micros, pour ricaner grassement à ces saillies tordantes, qui suivaient ce qu'on prendra inévitablement pour des menaces voilées: "C'est certainement eux seuls qui porteront le poids de toutes les conséquences de PSG-OM ou d'OM-PSG". On dirait un souhait. Anigo reprochant à quiconque son "manque d'intelligence" ou, en l'occurrence, de "mettre le feu aux poudres", c'est l'hôpital plastiquant la charité. Plus prosaïquement, c'est aussi une façon de maquiller un recrutement sans intérêt en événement passionnel.
La tentation étant peut-être trop grande, tant les acteurs de ce vaudeville semblaient prêts à s'y vautrer avec délectation, et tant ils sont nombreux à y trouver leur intérêt... Le Parisien sonne la charge à sens unique en accusant Fiorèse de "mensonge" et de "manipulation" et en parlant de "machination Déhu-Anigo". Luis Fernandez, impérial de bouffonnerie, complètement surexcité, profite de sa tribune sur RMC pour jubiler ouvertement et faire l'apologie de Fiorèse, "un garçon très bon" et un joueur fabuleux qui va planter comme Drogba. Ça sent le comptoir malpropre et le règlement de comptes, mais qu'importe, tout le monde est content.
Au fond de l'histoire, il n'y a que le transfert banal d'un joueur banal, qui représente assez bien la médiocrité que peuvent atteindre les footballeurs quand ils cherchent à justifier — avec des notions dont ils ignorent tout — l'opportunisme qui préside à leur gestion de carrière. Il a aussi le cynisme de dirigeants qui copinent dans les cénacles du foot-biz, mais qui laissent leurs employés jouer la comédie de la rivalité ancestrale (ancêtres de la période paléolithique) au profit du peuple (qui veut du pain dans la gueule et des jeux de con, c'est bien connu).
Car on perçoit surtout l'envie collective de faire renaître, sous ses aspects les plus hideux, la si lucrative rivalité entre l'OM et le PSG. Le bouquin de Pérès et Riolo ("Les meilleurs ennemis" — voir les CdF n°3) avait pourtant bien montré comment elle avait été montée, quasiment de toutes pièces, dans le même but mercantile. Les loufiats de l'histoire aimant resservir toujours les mêmes plats, même frelatés, il ne fallait pas croire que les imbéciles qui truffent le monde du football cherchent à en tirer le moindre enseignement. Ça se paiera peut-être par des blessés sur le terrain, dans les tribunes ou aux abords du stade, mais ça, on s'en fout. Le business de la haine, du régionalisme bas du front et du tacle à la carotide reste un secteur porteur.
Les cahiers du foot
"l'idée de transférer ribery a lyon est aussi incongrue que me voir moi, entrer chez les bonnes soeurs." José Anigo le 9 Mai 2006