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KLAUS ALLOFS; "Je me suis toujours senti aimé"; Désormais dirigeant du Fortuna Düsseldorf, son club de coeur, l'ancien attaquant garde un souvenir ému de ses deux saisons à l'OM où il a laissé un souvenir indélébile. L'occasion, aussi, de lui demander son avis sur l'Euro.
Il n'a joué que deux saisons à l'OM, de 1987 à 1989, mais son nom reste associé à la montée en puissance du club avec le dernier doublé de son histoire, juste avant son départ forcé pour Bordeaux, ou à l'explosion de Jean-Pierre Papin. Désormais âgé de 67 ans, Klaus Allofs n'a rien oublié de ses années marseillaises et il a immédiatement accepté le principe d'une interview. Tout juste rentré de vacances passées sur une croisière où, chaque jour, il commentait des matches de l'Euro, l'ancien attaquant international allemand est pourtant accaparé par ses fonctions au Fortuna Düsseldorf, le club de son coeur et de ses débuts. En ce moment, il gère le mercato où la nervosité grimpe de plusieurs crans. Lui conserve un calme olympien né de sa grande expérience de dirigeant. Lundi matin, quelques heures avant d'assister à France-Belgique (1-0), il a pris le temps de se poser pour se raconter et jeter un regard sur la compétition.
Le tout dans un excellent français et sans jamais oublier l'OM et Marseille. "Dommage qu'il n'y ait qu'un joueur de l'OM en équipe de France !", a-t-il regretté, depuis une salle du centre de formation du Fortuna, avant d'indiquer être revenu dans la cité phocéenne pour... une course hippique, à Borély, à laquelle participait l'un de ses chevaux, son autre passion. Rencontre.
Sa vie actuelle
"Le Fortuna n'a pas de propriétaire, c'est un club géré par ses membres. Un board bénévole supervise le tout. En dessous, il y a trois personnes au même niveau, dont moi qui suis responsable du secteur sportif pour l'équipe pro, mais aussi de l'académie et de la communication. Wolfsburg a été mon dernier club fin 2016. Deux ans plus tard, le Fortuna m'a demandé de l'aider. C'est mon club, j'ai joué ici quand j'étais petit avant de m'y entraîner comme pro. J'habitais à 5 kilomètres de là, dans la banlieue de Düsseldorf. Ce n'est pas facile d'être dirigeant de son club ; c'est pour ça que j'ai hésité très longtemps avant d'accepter le poste, il y a trois ans. Normalement il faut prendre des décisions rationnelles, pas avec son coeur. Après ma carrière de joueur, je suis devenu entraîneur du Fortuna. Une décision du coeur ; je pensais que c'était trop tôt mais le club n'arrivait pas à trouver d'entraîneur. Le résultat n'a pas été bon, cette décision était un peu naïve, je n'étais pas du tout préparé même si cette expérience a été très bonne pour ma carrière. Là, devant mes hésitations, ma femme m'a poussé à dire oui. Elle était sûre que je pouvais changer les choses et elle a eu le sentiment que j'étais encore trop jeune pour être retraité ! On essaie de monter en Bundesliga. On a un stade digne d'un club de Première division, on est la capitale de la région. Ce n'est pas facile vu les équipes qui sont en D2 : Hambourg, Schalke, Cologne, Hanovre, Kaiserslautern... Que des clubs de grande tradition, certains avec des moyens financiers plus élevés. On est ambitieux mais pas le favori."
Son arrivée à L'OM
"Je suis venu grâce à Karlheinz (Förster) qui a beaucoup parlé de moi à Jean-Pierre Bernès et Michel Hidalgo. Ils cherchaient un attaquant. L'OM avait Blaz Sliskovic, très spectaculaire mais pas trop efficace. L'OM m'a approché, est venu me voir jouer à Stuttgart que l'on bat 1-0. Je marque. Karlheinz était avec Hidalgo et Bernès. Je suis allé à Paris, dans le bureau de Bernard Tapie, pour négocier. On a très vite trouvé un accord et fixé le prix du transfert. J'étais en fin de contrat, ça coûtait 3 000 deutsche marks, 9 000 francs français. Pas très cher mais quand même. Tapie était très sûr de lui, très dominant, mais il a voulu négocier. Mon agent lui a dit qu'il fallait trouver un accord tout de suite parce qu'on partait en Italie."
Son attachement à l'OM
"Karlheinz m'avait parlé de l'ambiance spectaculaire à Marseille. Il m'avait prévenu, aussi, que tout n'était pas encore très pro. On s'entraînait à Luminy sur une moitié de terrain. Cologne, mon dernier club, était comme le Real d'Allemagne, avec de belles installations, cinq-six terrains d'entraînement ; tout pour bien travailler. Ce n'était pas le cas à Marseille. Je suis arrivé à mon premier entraînement sans maillot ni équipement, juste mes chaussures. On m'a dit que je devais tout apporter ! On était au début de l'OM, les grands joueurs arrivaient. On m'a accueilli d'une façon formidable. Ma décision était la bonne. Je me suis toujours senti aimé, sans doute grâce à mon style de jeu. Les matches à domicile restent mon meilleur souvenir. L'entrée sur le terrain, avec Jump... Ça me donne toujours des frissons d'y repenser ou juste de l'écouter ! J'habitais en ville, aux jardins de Thalassa, j'allais à Borély, à l'hippodrome. Je profitais de la vie."
Son départ forcé
"Je garde un mauvais souvenir de la fin. On venait de faire le doublé, on se préparait en Forêt Noire quand je reçois un appel de Tapie : "Il faut partir." Gérard Gili m'a dit que j'allais jouer. Au bout de deux-trois jours, il m'a dit que la situation avait changé, que je devais trouver un autre club. Une grande déception. Les Marseillais me disaient que je ne pouvais pas partir ! Je sortais d'une bonne saison, même si j'avais été blessé au genou. Puis je suis parti à Bordeaux, dans un club en difficulté. J'ai joué deux fois contre l'OM, j'étais très motivé. J'ai encore regardé le match il y a quelques mois. Un match de fou ! À Bordeaux, on gagne 3-0, je marque un but, donne une passe décisive, provoque un penalty."
la blessure qui change tout
"Avant l'Euro 88, Franz Beckenbauer est venu me voir à Marseille. Peut-être a-t-il pris le goût de Marseille à ce moment-là ! Je me suis blessé, j'ai dû arrêter la saison. Tapie et l'OM m'ont beaucoup aidé en me mettant dans un hôpital à Marseille. Ils ont trouvé le bon traitement. Puis Tapie m'a dit que je devais me concentrer sur l'OM, c'est comme ça que j'ai arrêté ma carrière en équipe nationale et que je n'ai pas fait l'Euro 88 en Allemagne. C'était dur, mais je ne pouvais pas continuer à tout jouer. Tapie m'a mis la pression, c'était normal."
Son rôle auprès de Papin
"Jean-Pierre était un très bon attaquant, mais il n'avait peut-être pas assez de sérénité ni la bonne approche sur la manière de s'entraîner. À l'époque, les entraînements à l'OM et ceux en Allemagne étaient différents ; on bossait plus en Allemagne. Avec Karlheinz, on a souvent fait des séances de frappes, des centres. Jean-Pierre a appris comment s'améliorer. J'étais un attaquant mais plus un neuf et demi ; j'aimais marquer mais aussi donner des passes décisives. Entre nous, il y avait une bonne complémentarité. Je le conseillais. Parfois, il y a une concurrence entre attaquants ; pas entre nous. J'étais à l'OM pour marquer, faire gagner l'équipe et apprendre des choses aux autres joueurs. La bise à François Mitterrand après la finale de la coupe ? On a toujours fait des bêtises, Jean-Pierre était facile à allumer (rire). Je n'étais pas seul à lui lancer ce pari."
L'Euro 2024 et les favoris
"Les stades sont remplis, l'organisation est correcte. On a quelques ennuis avec les transports, notamment les chemins de fer. Les gens sont très accueillants. Sportivement, la France m'a un peu déçu. La Belgique, l'Italie et l'Angleterre également. Pas terrible. La Suisse est pas mal, elle a montré ses qualités. Il y a l'Espagne. Les saisons sont longues, fatigantes. L'Allemagne a de très bons joueurs. L'Espagne aussi. Certains joueurs sont capables de faire la différence dans les duels par leur vitesse, avec (Nico) Williams ou Lamine Yamal. Nous, on a Musiala, Wirtz, Kroos peut régler le rythme et les autres faire la différence si le match est bloqué, se créer de nouvelles situations. Ce sont mes deux favoris. Contre le Danemark, l'Allemagne était pas mal, mais si le but des Danois est validé, que se passe-t-il ?"
sa vision sur les Bleus
"J'aime les attaquants de l'équipe de France. Kylian Mbappé, il faut l'aimer. Randal Kolo Muani joue peu, mais il a fait un malheur en Allemagne. Il manque peut-être un leader au milieu de terrain. N'Golo Kanté est impressionnant mais n'est pas comme Kroos, Modric ou Xhaka. Il est un peu différent. Il est partout, fait de bonnes choses mais ne dirige pas l'équipe. La défense centrale est talentueuse mais peut toujours commettre de petites erreurs comme Dayot Upamecano que l'on voit jouer chaque semaine."
La Provence
