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Paroles d'ex - Franck Jurietti : « Plein de mes tacles auraient mérité un rouge »
L'ancien latéral international (1 sélection) des Girondins de Bordeaux Franck Jurietti, souvent averti par les arbitres, reconnaît avoir parfois joué dur.
« Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous avez joué ?
À Monaco, Marco Simone, il savait tout faire. Et à Bordeaux, Marouane Chamakh, un équipier modèle qui gardait le ballon. Il y en a un troisième, dont j'ai entendu Emmanuel Petit parler à la télévision : Dan Petersen. J'ai connu l'attaquant danois à Bastia (1999-2000). À l'entraînement, il dribblait tout le monde et, en match, il se faisait dessus. C'était un joueur d'entraînement.
Le joueur le plus fort contre lequel vous avez joué ?
En France, il y en a deux : Sonny Anderson, très intelligent dans son placement, et Robert Pirès, qui m'a fait tourner en rond, à Metz. Comme Franck Ribéry, dans un bon jour, Pires partait pied droit, pied gauche, dans le zig, dans le zag... Il avait l'art du contre-pied et il allait vite sur dix mètres cet enfoiré. J'en ai bavé avec lui. En Europe, c'est Frank Lampard avec Chelsea. Comme Steven Gerrard à Liverpool, il dégageait quelque chose en plus. Les mecs, c'étaient des darons, sans rien faire d'extraordinaire.
Le plus fou ?
La doublette de fléchettes, Jean-Claude Darcheville - Pascal Feindouno, valait le détour. Des rayons de soleil dans le vestiaire, capables de tout.
Le plus méchant ?
Vedran Runje. En général, les gardiens sont fous. Mais, lui, il me faisait peur. Très gentil dans la vie, mais capable de te "fumer" à tout moment. Un vrai barjot.
Le joueur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
David Jemmali. Il est pire que moi. Il ne répond jamais au téléphone. Comme Marc Planus. Il n'a jamais été foot et il est un peu sauvage, avec son chien et sa maison.
La consigne d'un entraîneur que vous n'avez pas comprise ?
Plutôt l'attitude d'un entraîneur. Monaco me prête à l'OM, en 2001. Quand j'arrive dans le vestiaire marseillais, Tomislav Ivic me demande : "Tu as déjà joué en D1, toi ?" Plus tard, à Metz (2-0, le 13 octobre 2001), il met son équipe en place sur un paperboard. (Bernard) Tapie, revenu à l'OM comme directeur sportif, barre trois noms et en met trois autres. Ivic n'a rien dit. Pareil pour les primes de match. Tapie nous demandait : "Combien vous voulez ? 50 000 € si on gagne ? OK, mais si vous perdez ou faites match nul, c'est vous qui les payez." Piotr Swierczewski ne s'est pas démonté. Il a répondu : "Si on gagne le prochain match au Vélodrome, je veux 20 000 €." Et on a gagné.
L'anecdote que vous n'avez jamais osé raconter ?
Lors de mon premier déplacement avec les Espoirs, j'ai laissé mon passeport en soute, dans ma valise. Pas de pitié de la part de Raymond Domenech : il m'a laissé tout seul à l'aéroport, le temps que mon passeport revienne de Hongrie. J'ai finalement rejoint la sélection et joué (4-2, le 9 septembre 1997).
La plus belle fête ?
Ouh là là ! il y en a eu tellement ! J'étais un gros bringueur, mais pas un cas isolé. À Bordeaux, dès qu'on pouvait, on aimait faire la teuf. Lors d'un stage à Rennes, Yoann Gourcuff a réservé un resto, un peu boîte de nuit. Tout le club était là. Quelques jours plus tard, on a battu Lyon à la dernière minute (1-0, le 13 décembre 2009). Ce qui n'était pas facile à l'époque.
Le truc le plus fou que vous avez fait durant votre carrière ?
J'ai disparu le matin d'un match. Comme ma future ex-femme voulait me "tuer", je suis parti dans un hôtel pour prendre de la distance. En mon absence, Benoît Trémoulinas a joué et marqué, contre Guingamp (4-2, le 11 novembre 2008, en huitièmes de finale de la Coupe de la Ligue). Après avoir retrouvé ma voiture sur le parking, les flics sont venus frapper à la porte de ma chambre. "Monsieur Jurietti, vous allez bien ?" Je suis revenu à l'entraînement deux jours après.
Parmi vos 135 cartons (126 jaunes et 9 rouges) en 506 matches, lequel a été le plus stupide ?
Dont 120 sur contestation, qui sont tous nazes. Le rouge qui m'a le plus gonflé, c'est au Mans (2-1, le 19 janvier 2008). Je dégage le ballon et je prends un tacle à retardement. L'attaquant manceau me tape par-derrière et m'arrache la jambe. Je me relève, je le pousse du doigt et je prends un rouge !
Le carton le plus justifié ?
Plein de mes tacles auraient mérité un rouge. À la dernière minute d'une demi-finale de Coupe de la Ligue à Reims (2-1, le 16 janvier 2007), je tacle, je touche le ballon et j'emplâtre bien un Rémois, mais pas trop. Rouge. Lors d'un Sochaux-OM (3-0, le 6 avril 2002), je m'échauffe avec les autres remplaçants, quand une embrouille éclate sur le terrain. Fabien Boudarène m'insulte. Gifles et coup de poing. Rouge, sans jouer.
Le pire souvenir dans votre carrière ?
La descente en D2 avec Gueugnon en 1996, même si on n'avait pas le niveau. Et ma pubalgie. Je ne saurai jamais si j'aurais pu faire la Coupe du monde 2006.
Le meilleur souvenir ?
L'apothéose, c'est le titre de champion de France avec Bordeaux en 2009. Je n'y croyais tellement pas que, six mois plus tôt, j'avais pris un billet pour partir avec mon cousin à Marrakech, le lendemain de la dernière journée. Du coup, j'ai été le seul joueur à ne pas fêter le titre sur la place des Quinconces. Le scénario est beau, aussi. À la trêve, "Trech" (Benoît Trémoulinas) prend ma place. Mais Matthieu Chalmé est suspendu pour le dernier match à Caen, où j'avais un passif datant de deux ans. Après avoir perdu 5-0 à neuf contre onze (le 24 novembre 2007), je m'étais emporté : "Les Caennais se la sont racontée avec leurs petits ponts et leurs grands ponts. Ils se prennent tous pour des Maradona. On les attend au retour." Après avoir été accueilli par des banderoles, du genre : "Jurietti, t'es une salope, un fils de p... ", j'ai réussi le meilleur match de ma vie, Bordeaux est champion et Caen, relégué. Le combo parfait. »
Sa vie d'ex
Après avoir quitté le monde du football sur la pointe des pieds en 2010, Franck Jurietti y revient très peu. Ce « fan absolu de Messi », comme il se définit lui-même, regarde seulement « les matches de Ligue des champions et du Barça, pas trop ceux de l'équipe de France, sauf en Coupe du monde. Je préfère le rugby au foot, où tu t'ennuies neuf fois sur dix. Alors qu'au rugby, même si ce n'est techniquement pas bon, il y a de l'engagement et de la vie ».
Père de trois filles et d'un garçon, âgés de 1 à 15 ans, il est venu refaire la sienne à La Turbie, où il avait acheté une maison lors de son passage à l'AS Monaco. Cela lui permet de croiser Didier Deschamps. Bien que son nom demeure attaché aux Girondins, Jurietti confie, sans amertume : « Plus rien ne me retenait à Bordeaux », où il s'apprête à céder ses parts dans un complexe de loisirs et de foot indoor. Mais il reste propriétaire de celui qu'il a ouvert à Brive avec l'ancien Girondin Mathieu Chalmé et l'ex-rugbyman Jean-Baptiste Péjoine.