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ROBERT PIRÈS; " Robert Louis-Dreyfus et Rolland Courbis ont sorti le grand jeu"
Meneur de jeu virevoltant en 1998-1999, capitaine courage la saison d'après quand tout a été un peu plus compliqué, Robert Pirès a grandi comme footballeur pro à vitesse grand V à l'OM. Certains se souviennent qu'il a provoqué la faute pour obtenir le penalty de la gagne contre Montpellier (5-4), d'autres revoient instantanément son but improbable contre Chelsea (1-0). Lui a gardé tous les bons souvenirs et les raconte dans ce nouveau numéro de 1899 L'Hebdo.
Racontez-nous le jour où vous avez signé à l'OM.
Le président Robert Louis-Dreyfus et Rolland Courbis n'ont pas fait les choses à moitié. Ils ont sorti le grand jeu comme on dit. Ils sont quand même venus me chercher à Metz en hélicoptère pour aller en Suisse signer mon contrat. C'était un truc de fou car je n'étais pas habitué à ça. Je me suis dit que je changeais de catégorie après être resté à Metz six ans, où tout s'était bien passé. Ce que j'avais pu faire de bien à Metz me permettait de venir à l'Olympique de Marseille. Je ne pensais pas que le président ferait le voyage aller-retour, puisqu'il m'a ramené. Rolland, à un moment, m'a dit : "Il te veut absolument." Je lui ai répondu : "Oui, je vois ça !" (rires)
Rolland Courbis vous voulait aussi...
Oui, Rolland me voulait aussi. Je pense plus, même. On est allé dans les bureaux Adidas de Robert Louis-Dreyfus. On a signé le contrat, on a vite fait fêté ça et ils m'ont redéposé à Metz. On est juste avant la coupe du monde. Les deux clubs se mettent d'accord et je pars au Mondial. C'était top.
1998, un vrai été de folie...
Oui, c'était un été dingue. Je me rappelle même de mon premier entraînement à La Commanderie. Laisse tomber, c'était inimaginable ! Pour accéder au terrain, c'était quasiment impossible. Le groupe avait déjà repris. Les trois derniers qui reprenaient, c'étaient Lolo Blanc, Christophe Dugarry et moi. Déjà, pour l'OM, les gens sont dingues, parce qu'ils aiment vraiment ce club. Et, après, tu as trois champions du monde qui arrivent en même temps, les gens étaient hystériques, vraiment.
Que vous souvenez-vous de vos débuts, contre Nantes au Vélodrome ?
Déjà, j'étais très impressionné par l'entrée, même si je l'avais fait en tant qu'adversaire. Là, je suis un joueur de l'OM, ce n'est pas pareil, la pression n'est pas la même.
Pour les plus jeunes, il faut préciser que l'entrée sur le terrain se faisait par une trappe qui se soulevait...
Exactement, avec cette fameuse musique (Jump de Van Halen, Ndlr) qui te met dans l'ambiance. Le Vélodrome était plein à craquer. Là, je me suis dit que j'étais peut-être champion du monde, mais que ce n'était pas pareil. Les gens t'attendent. L'OM a dépensé beaucoup d'argent pour moi. Le fait qu'on soit plusieurs champions du monde, ça rajoute un peu plus de pression. Je l'ai vu et je l'ai senti. Le match en lui-même, je l'ai bien vécu, ça s'est plutôt bien passé, même si je faisais le strict minimum à savoir vraiment m'adapter doucement au jeu marseillais car l'attente était lourde sur mes épaules. Je ne prenais pas trop de risques.
Sur vos deux saisons à l'OM, quel est le match référence ?
Je pense qu'on dira tous le même, les supporters de l'OM aussi : c'est le OM-Montpellier (en août 1998, victoire 5-4 après avoir été mené 0-4). Il y a déjà eu des 5-4, des 5-5, mais là c'est le scénario qui est juste hallucinant. Parfois, ça peut se passer comme ça, parce que peut-être un peu trop sûrs de nous, on a l'impression qu'il ne peut rien nous arriver. Et là, Montpellier arrive complètement décomplexé et nous, on est hors sujet pendant soixante minutes. Je me souviens très bien qu'à la mi-temps, quand on rentre sous la trappe, on s'est fait vraiment insulter, huer, c'était terrible. Je venais de mon petit Saint-Symphorien à Metz, c'était plutôt tranquille, là tu es dans une autre dimension du supporter vraiment fan de son club.
À la mi-temps, Rolland Courbis dit à Loulou Nicollin que l'OM va gagner ce match-là. À vous, il vous a dit quoi ?
(Rires) Si je te dis ce qu'il nous a dit, tu vas me dire que ce n'est pas possible. Il a été juste incroyable et nous, on s'est regardé en se disant qu'il était fou. Il était hyper tranquille, relax, sûr de lui, vraiment. On rentre dans le vestiaire, on essaie de se calmer, de faire l'analyse et là, il prend la parole. Il nous dit que c'est comme une partie de pétanque : "Pour gagner la partie, c'est le premier à 13. Là, ils sont à 12, il leur manque un point. Donc, vous savez ce qu'il vous reste à faire." Comme ça. Ça ne dure pas longtemps, comme il peut parler, avec ses mots, avec l'accent marseillais. Mais, calme, vraiment calme. On se demande ce qu'il dit. Il a choisi le mode où il ne veut pas nous rentrer dedans, nous faire mal, parce qu'on a vraiment la tête dans le cul (sic). Lui, il a choisi cette option, cette direction. Il a été énorme. Ce qu'a fait Montpellier, on le fait derrière. On a enchaîné. Ce qui nous fait du bien, c'est l'entrée de Christophe Dugarry : un attaquant de plus, de la qualité en plus, un jeu de tête qu'on connaît. Jusqu'à l'heure de jeu, il y avait 0-4. Et là, ça s'enchaîne. Sur l'action qui mène au penalty, je prends le ballon, je vais provoquer, en plus c'est mon ancien coéquipier messin Cyril Serredszum qui fait faute.
La bascule se fait à quel moment ?
Quand Duga marque sur corner pour le 1-4. Je me dis que c'est parti. Là, il s'est passé un truc. Vraiment. Le public a tellement poussé que ça a assommé les Montpelliérains. Là, on se dit qu'on va leur mettre l'enfer. On ne les laisse plus respirer, ils n'arrivent plus à sortir le ballon.
Est-ce que c'est le match le plus fou, le plus improbable de votre carrière ?
Oui. De loin. Le scénario, le contexte et de gagner comme ça, sur ce penalty de Lolo (Blanc), c'est le plus fou.
Quel est le coéquipier, à l'OM, qui vous a le plus impressionné ?
Celui que je trouvais très bon techniquement, c'était Peter Luccin. Il avait tout : un bagage assez élargi, physiquement il tenait la route, il n'avait pas peur d'aller au contact. C'était un joueur avec une bonne habileté. Avoir un joueur comme ça au milieu, ça te permet de construire des bonnes phases offensives. Il était important, très doué.
Le plus marrant ?
Duga. Ça reste entre lui et nous. Il est très très bon, il n'a pas changé. Celui qui arrivait habillé un peu folklo, il te le rhabillait, justement. Il mettait l'ambiance, très bon sur le terrain et en dehors. Fabrizio Ravanelli était bon aussi, marrant, avec son accent à l'italienne. La première saison (1998-99), on avait un très très bon groupe. Sur le terrain et en dehors.
Y avait-il un adversaire que vous détestiez, que vous n'aimiez pas jouer ?
Non pas de joueur en particulier. Contre Bordeaux, en tant qu'équipe, c'était toujours plus tendu. Pas le fait que Bordeaux soit champion mais il y avait ce passé entre les deux clubs. Les supporters se mettaient la pression, il y avait la répercussion sur le terrain. C'était accroché, vraiment.
Y a-t-il une anecdote que vous n'avez jamais racontée ?
Après la victoire sur Montpellier, on est allés fêter ça à Saint-Tropez. On s'est fait plaisir. Que certains joueurs, je ne dirai pas les noms (rires). On a été pas mal sur le terrain et sur le dancefloor. On avait fait resto, boîte. L'été était chaud, entre l'équipe de France et l'OM, il fallait se lâcher un peu.
Quel a été votre entraîneur préféré ?
Je vais dire Rolland, c'est quand même lui qui me voulait, qui est venu me chercher, qui a convaincu Robert Louis-Dreyfus de dépenser de l'argent pour moi. Je me suis régalé. Quand il vient me chercher, il décide de me changer de poste. À Metz, je jouais ailier gauche, à l'OM il m'a fait jouer numéro 10 juste derrière Flo Maurice. Il avait ça en tête. Son idée était de ne pas mettre Pirès sur le côté mais de mettre Pirès derrière Maurice. Il était convaincu que ça pouvait marcher et ça a plutôt bien fonctionné, avec Duga à gauche et Fabrizio à droite. On a bien bien rigolé aussi.
Avec le recul, feriez-vous quelque chose différemment ?
Non, pas du tout. Le seul regret est de ne pas avoir été champion, ça ne se joue pas à grand-chose. Je repense à ce penalty sifflé à Auxerre alors qu'il n'y a jamais main de Daniel Bravo. Ça nous coûte le match. J'aime bien gagner le championnat, c'est top. La finale de l'UEFA, c'est important mais si tu me demandes de choisir je préfère le championnat. C'est beau, c'est long, tu souffres, tu es content. Tu luttes pendant neuf fois quand même. Deux années de suite (Metz 1998, OM 1999), c'est dur, même s'il y a eu la coupe du monde au milieu.
La Provence