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ÉRIC DI MECO; " Ginola, qu'est-ce que je lui ai mis comme coups..."
Il n'y a probablement pas mieux que lui pour personnifier le Clasico OM-PSG. D'ailleurs, Éric Di Meco admet dans un sourire qu'il a "droit chaque année" à son lot d'interviews à l'approche du match qui passionne le plus la Ligue 1. Mais il faut dire que le Marseillais regorge de souvenirs et d'anecdotes sur une rivalité qu'il a vu naître et qu'il a participé à populariser. Entretien.
Est-ce que vous vous souvenez de votre premier OM-PSG ?
J'en ai un souvenir impérissable, c'était lors de la saison 1981-1982, en D2. On affronte Paris en coupe de France (en huitièmes de finale, Ndlr). Je suis titulaire, mais je sors à la mi-temps. En face, il y avait Luis (Fernandez), et je me souviens qu'à l'époque, les lignes étaient encore tracées à la chaux, donc ça faisait de petits monticules. En fin de match, Luis frappe à ras de terre, ça tape la ligne des six mètres et c'est parti dans la lucarne de Lévy ! On avait perdu 1-0.
Et le premier en championnat ?
Je m'en souviens aussi, c'était un dimanche après-midi au Vélodrome, en D1, la saison 1984-1985 (victoire de l'OM 3-1, Ndlr). Moi je jouais ailier gauche, et l'arrière droit en face de moi, c'était Thierry Bacconnier, un copain des sélections régionales, que je connaissais depuis tout petit dans le Vaucluse. Lui il jouait à Bollène, moi à Avignon, et ensuite il était parti à Paris et moi à Marseille. Mais ce qu'il faut bien dire, c'est qu'à l'époque, le PSG était un club ami. Le président de Paris, (Francis) Borelli, c'est un pied noir, il était arrivé à Marseille au départ. D'ailleurs, au début des années 1980, il avait essayé de me récupérer à Paris, puis plus tard à Cannes. Ce n'est jamais allé plus loin, mais ça montre que les relations étaient bonnes à l'époque.
Ce n'est que plus tard, au début des années 1990, que la rivalité est créée artificiellement...
Quoi qu'il arrive, avec Tapie, il fallait se trouver un ennemi. Au début, ça a été Bordeaux, le président Bez qui arrivait dans sa limousine, avec le manteau de fourrure... Mais quand Bordeaux a été moins bien, Paris est arrivé avec de l'ambition, en étant racheté par Canal +. En plus, Tapie, Paris c'était sa ville, donc c'était l'adversaire tout désigné. Il nous a rapidement monté la tête, nous faisait bien comprendre à chaque fois que c'était le rendez-vous à ne pas rater. On savait que si on se manquait, il ne nous manquerait pas !
On date souvent le début de la rivalité OM-PSG à mai 1989, avec ce fameux but de Franck Sauzée lors du match retour au Vélodrome...
On peut, mais même là, ce n'était pas encore la haine qui s'est développée ensuite. En 1989, en fait, c'est la première fois que Marseille et Paris se retrouvent en rivalité sportive, à se battre pour le titre. Il y a ce match un peu chaud, cette frappe de Franck qui nous offre le titre. Mais c'est ensuite, quand Canal + a récupéré le PSG (en 1991), que la rivalité est montée. Ensuite, il y a eu ces affrontements entre présidents, les clans entre joueurs de l'OM et du PSG en équipe de France...
Comment est-ce qu'on vivait ça, à l'époque, sur le terrain ?
En fait, avec le recul, ce genre de matches, tu ne prends du plaisir que dans la victoire. Il y a le fameux match de décembre 1992 au Parc, c'est le sommet de l'enfer. Quand tu regardes la première mi-temps... Chaque fois que le ballon tombait, il y avait un duel, un choc, un tacle ! En plus, nous, on savait que sur ce plan-là, on avait le dessus sur les Parisiens. Mais au final, des OM-PSG, j'en ai quand même joué quelques-uns, il n'y en a pas tant que ça où je me suis vraiment régalé.
Quel serait votre meilleur souvenir de Clasico ?
Il y en a un où je me souviens avoir pris du plaisir, c'est un match de coupe de France en 1991 où on gagne 2-0 au Parc (en huitième de finale, le 28 avril, Ndlr). Je sais qu'il y avait Jocelyn (Angloma) en face, parce que j'ai encore une photo. On sortait d'un enchaînement de beaucoup de matches, avec la coupe d'Europe, et derrière on devait aller à Brest donc on restait à Paris après la rencontre et Tapie nous avait promis une fête si on gagnait. Le Parc était plein, c'était un dimanche après-midi, il faisait beau, et ce n'était pas encore la boucherie que les OM-PSG allaient devenir, c'était du vrai foot. J'en ai un vrai bon souvenir, qui sont finalement plutôt rares sur ces matches-là. En plus, la coupe par rapport au championnat, ce n'est pas la même joie après le match.
Il y a aussi cette fameuse victoire 3-1 au Vélodrome, trois jours après le sacre en Ligue des champions, non ?
C'est un bon souvenir, oui, mais en fait c'était très tendu quand même. On s'était battu dans le tunnel, ils ouvrent le score... Bon, la deuxième mi-temps est sublime, et le but de Basile (Boli) est évidemment exceptionnel.
Et votre pire souvenir d'OM-PSG, alors ?
L'avantage, c'est qu'à mon époque je n'en ai pas perdu beaucoup ! Même dans ces matches où on prenait peu de plaisir, j'ai souvent gagné, donc on ne peut pas dire que j'en garde un mauvais souvenir. Je crois bien que des mauvais souvenirs d'OM-PSG, je n'en ai pas.
Peut-être après votre carrière de joueur, en tant qu'observateur ?
Ah, là, il y en a un peu plus... J'en ai deux qui me viennent en tête. Le premier, c'était pendant l'année Bielsa (le 5 avril 2015, Ndlr), je commentais le match. On mène à la mi-temps (2-1), j'y croyais vraiment, mais quand je suis au commentaire, j'essaye quand même de rester neutre. Et puis au final, ils gagnent 3-2, et au moment du but, je disparais de l'antenne. Je me souviens que mon ami Julien Cazarre m'avait chambré le lendemain à la radio, il m'avait demandé où j'étais passé, je lui avais dit que mon micro était en panne ! L'autre mauvais souvenir, c'était il n'y a pas très longtemps, en 2019 au Parc des Princes. J'étais descendu voir le match sur le Vieux-Port au Nul Part Ailleurs, et à la mi-temps, on en avait déjà pris quatre. J'ai pris mon scooter et je suis rentré chez moi. D'ailleurs, depuis, je ne sors plus pour regarder ces matches.
Quel joueur vous a le plus impressionné pendant un OM-PSG ?
(Il réfléchit un moment) Je vais dire Basile (Boli), avec sa tête en 93. À vivre sur le terrain... Pourtant, Papin nous en a mis, des buts de folie. Mais là, c'est un truc, tu penses que tu rêves. On le voit arriver en plus, j'ai eu l'impression de vivre ce moment au ralenti. Je me suis dit : "C'est pas possible, il a pas fait ça, une frappe de la tête" !
Et un Parisien ?
Mon adversaire préféré, c'était David Ginola. On se voit souvent, il vit à Aix maintenant, on en parle entre nous. Qu'est-ce que je lui ai mis comme coups ! (Il se marre) Et pas que des coups réguliers en plus, je me souviens une fois en 91, j'étais tellement possédé, je lui avais mis une droite... Et pourtant, toujours il revenait, technique, puissant... Il avait tout. Je trouve qu'il n'a jamais été jugé à sa juste valeur. En tout cas, à prendre au marquage, c'était un calvaire !
Est-ce que vous avez un souvenir un peu plus léger, un peu plus marrant, autour d'un OM-PSG ?
Du léger, il n'y en avait pas beaucoup à l'époque ! Un truc dont je me souviens qui nous avait fait marrer dans le bus, c'était un match à Paris, quand c'était déjà tendu. Tapie était toujours à l'hôtel avec nous, et il roulait devant le bus avec sa Porsche. On approche du Parc, et là, un supporter du PSG envoie un pavé dans le pare-brise du bus. Il y avait Chris (Waddle) assis devant, la place à côté du chauffeur, franchement il l'avait pris dans la tronche ! Devant, on voit Tapie qui met un coup de frein à main, il sort de la Porsche avec son garde du corps en plein milieu de la route pour choper le mec ! C'est un truc qui n'a jamais été trop raconté, alors que la scène était quand même surréaliste.
Quelle est l'erreur d'arbitrage au cours d'un Clasico qui vous a marqué ?
Je ne vois pas vraiment... On peut parler du match de 1992, où franchement, ça n'arbitrait pas comme aujourd'hui. Ce soir-là, je suis passé entre les gouttes ! Après, attention, au PSG aussi ça tapait fort. Mais c'est vrai que c'est incroyable qu'il n'y ait pas eu de carton rouge.
Il n'y a même eu que six cartons jaunes...
Sérieux ? C'est fou. Mais bon, c'est vrai que ça correspond au foot de l'époque...
Est-ce qu'un joueur parisien est devenu un ami ?
Je suis très pote avec Alain Roche, mais il était passé par ici avant d'aller à Paris, donc ça ne compte pas vraiment. Il y a David Ginola. Sinon, pas vraiment... Quand je suis revenu en équipe de France, après 93, j'aimais bien discuter avec Bernard Lama. C'est quelqu'un d'ouvert, qui s'intéresse à plein d'autres choses que le foot. On restait souvent parler après les repas, c'est d'ailleurs souvent là que tu vois si un groupe s'entend bien ou pas.
Comment est-ce que vous expliquez que cette rivalité, créée de toutes pièces dans les années 1990, perdure encore aujourd'hui, malgré l'écart qui s'est creusé entre les deux équipes ?
C'est fascinant que ce truc qui a finalement commencé assez tard perdure encore aujourd'hui. Surtout que pendant un long moment, on ne les a plus battus... Mais je crois que ça a dépassé le cadre du sport maintenant, c'est une rivalité entre les deux villes, entre la capitale et la ville rebelle. C'est normal dans un grand pays de football, il y a ça partout. Il y a eu de grandes rivalités sportives dans l'histoire de l'OM, avec Saint-Étienne, avec Bordeaux. Mais OM-PSG, c'est devenu sociétal, c'est vraiment Marseille contre Paris. Il y a aussi beaucoup de Marseillais qui vivent à Paris, beaucoup de Parisiens qui vivent à Marseille, avec tout ce que ça génère comme chambrage. Je trouve ça bien que ça existe, même s'il ne faut pas que ça dégénère, que ça mette la sécurité des gens en danger au stade ou autour. Mais dans le foot, on a besoin de ce genre de rivalité.
La Provence