Information
Julien Fournier analyse l'évolution de l'OM : « Peu de joueurs à forte valeur marchande »
Ancien dirigeant de l'OM, Julien Fournier analyse l'évolution du club ces dernières années et regrette l'absence de grosses ventes.
Secrétaire général de 2004 à 2009 sous la présidence de Pape Diouf, Julien Fournier a ensuite observé l'évolution de l'OM en concurrent, depuis son siège de directeur général (2011-2019), puis du football (2019-2022), de l'OGC Nice. Même s'il ne veut pas se poser en donneur de leçon, cette expérience lui procure de quoi analyser la sortie de Marcelino sur la « régression » marseillaise, qu'il relativise : « Pas sûr qu'il soit légitime. Il n'est resté que deux mois et est parti par la petite porte. »
« Estimez-vous que l'OM a pleinement profité des investissements de McCourt ?
Non. Marseille reste à l'échelle du foot français un club riche, avec assez d'argent pour être compétitif chaque année, un des plus gros revenus commerciaux car le stade est plein, et ce n'est pas seulement bon pour la billetterie. Ça attire aussi des sponsors et l'OM travaille extrêmement bien dans ce secteur. Il y a de grosses ressources financières. La question, c'est de savoir si elles ont été bien investies ou dépensées.
On vous la pose donc...
À notre époque, on avait plus d'actifs joueurs avec des résultats similaires. Le bémol aujourd'hui, c'est l'écart entre les investissements consentis et le peu de joueurs à forte valeur marchande. Aucun club ou presque ne peut se passer d'une grosse vente. Il faut bien acheter, bien vendre, avec une bonne maîtrise de la masse salariale. Or, je crois savoir qu'elle est importante à l'OM.
Doit-on plus investir à Marseille pour avoir les mêmes résultats qu'ailleurs ?
J'ai toujours lutté contre ça. Il faut se servir de l'OM comme d'un atout pour être plus attractif, pas en être victime pour surpayer. Quand le PSG attire Zlatan Ibrahimovic (en 2012), il faut surpayer car il n'est d'abord pas intéressé. Mais en France, tous les joueurs rêvent de signer à Marseille, qui est un révélateur de talents. William Saliba fait six mois extraordinaires à Nice, puis vient à Marseille où il n'est pas meilleur (2021-2022). Et pourtant, il va en équipe de France tout de suite. C'est un club qui magnifie les joueurs quand ils ont le tempérament nécessaire.
La formation est un problème récurrent. Comment l'envisagez-vous ?
S'il s'agit de bien figurer chez les jeunes et d'avoir un centre bien noté, l'OM a progressé car ses équipes ont de bons résultats et il y a des investissements importants dans les infrastructures. C'est le bon chemin mais il faut réfléchir à quelle place on veut donner à la formation, avec quelles passerelles. Là, ce n'est pas clair, je ne vois pas de place pour ces jeunes dans la construction de l'effectif.
Que vous inspire l'instabilité marseillaise ?
On peut quand même noter une stabilité, celle de l'actionnariat. L'instabilité concerne l'échelon du dessous, et j'étais ainsi très content de voir (Pablo) Longoria rester. L'OM est un club turbulent par son histoire. C'est plus difficile pour les entraîneurs. J'ai vu Eric Gerets ou Didier Deschamps, de vraies forces de caractère, démarrer frais les saisons et les finir abîmés. Manager un entraîneur, c'est presque un métier à temps plein et Pape (Diouf) le faisait parfaitement. Là, on voit qu'André Villas-Boas, Jorge Sampaoli et Igor Tudor sont partis d'eux-mêmes. Ça m'interpelle.
Une équipe peut-elle progresser avec des mercatos si animés ?
Pour moi non, mais c'est assumé par le président Longoria, et je respecte sa vision. Steve Mandanda est heureux à Rennes mais il aurait dû finir à Marseille, quitte à lui mettre dans les pattes un jeune gardien à fort potentiel. La continuité aurait aussi pu être incarnée par Mattéo Guendouzi (parti en août à la Lazio Rome). On mise sur lui, il est sur une voie royale, et on choisit un entraîneur aux antipodes du précédent.
Comprenez-vous que les supporters puissent être perçus comme des freins ?
Je suis radicalement opposé à cette vision. C'est une telle force, demandez aux joueurs, de l'OM ou d'ailleurs.
N'est-ce pas différent pour les dirigeants ?
Quand ils sont arrivés aux manettes, ils ont su aller chercher les supporters pour en faire une force. Ça n'allait pas bien et ils avaient besoin de mettre du lien. Quand ça va mieux, on leur accorde moins de considération. Si vous n'êtes pas prêts à les gérer, il ne faut pas faire ce métier. J'ai vécu ces réunions, certaines houleuses. Des gens parlent fort, ceux qui ne sont pas habitués peuvent être choqués. Quand on apprend à connaître la ville, j'ai du mal à concevoir qu'on parle de frein, surtout que ces dernières saisons, j'ai très rarement vu le public être négatif. »