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itw drogba dans lequipe

10 Aoû 2004, 20:20

en esperant que c'est pas un doublon(je ne l'ai pas vu)

« La page est tournée »


DIDIER DROGBA entame son aventure à Chelsea. Il raconte sa nouvelle vie.


Depuis un mois, la vie de Didier Drogba s’est totalement emballée. Pourtant à court de vacances et de préparation, l’avant-centre de la Côte d’Ivoire, plus gros transfert de l’histoire du Chelsea FC (37,5 millions d’euros), a déjà inscrit trois buts en trois matches amicaux avec ses nouveaux partenaires. Logé dans l’hôtel quatre étoiles attenant à Stamford Bridge, l’ancien buteur de Marseille est déjà totalement immergé dans l’univers des Blues, alors qu’il ne connaît encore presque rien de Londres. C’est là, samedi, que nous avons retrouvé l’attaquant floqué du numéro 15. Il n’a pas réclamé le 11, celui, fétiche, avec lequel il flamba à Guingamp et à l’OM. « J’aurais bien aimé encore jouer avec le 11, dit-il, mais c’est celui de l’Irlandais Damien Duff, qui était là avant moi. Je n’ai rien à revendiquer. Je me fais petit. » Avant de devenir toujours plus grand ?
LONDRES –

de notre envoyé spécial


« LA DERNIÈRE IMAGE que la France du football a de vous, c’est cette conférence de presse un peu surréaliste, à Marseille, il y a un mois. Vous y annonciez votre départ et sembliez ne pas avoir envie de partir…

– Il y avait surtout beaucoup d’émotion et tout est allé si vite… Mais je suis immédiatement parti en tournée aux États-Unis avec Chelsea et je n’ai pas eu le temps de cogiter. J’ai vite réalisé qu’il se passait quelque chose d’exceptionnel dans ma vie. Je ne pourrais jamais oublier Marseille mais, maintenant, la page est tournée. Je suis à Chelsea, cent pour cent à Chelsea. Je suis là pour marquer les mêmes buts que je marquais pour l’OM, pour prendre du plaisir, m’éclater sur le terrain, faire partager ma joie de jouer, ce qui est mon moteur. Mes premières impressions me laissent à penser que cela va être le cas. Ce matin (samedi), on s’est entraînés en public à Stamford Bridge et j’ai été stupéfait de voir qu’il y avait un monde fou dans les tribunes.

– Six mille ou sept mille personnes…

– Et ils étaient encore plusieurs centaines à la sortie pour réclamer des autographes pendant plus d’une heure. Impressionnant. C’est clair, la passion est énorme.

– La même qu’à Marseille ?

– Je n’ai pas encore tous les éléments pour comparer. Ce qui est sûr, c’est que les gens sont dingues de leur club et qu’il y a une culture du foot qui n’existe sans doute nulle part ailleurs.

– Il n’y a aucune amertume vis-à-vis de la manière dont s’est passé votre départ ? Vous a-t-on vraiment demandé votre avis ?

– La décision finale de quitter l’OM, c’est moi seul qui l’ai prise. En mon âme et conscience. Dans la vie, il y a des moments où il faut faire des choix. Je pense avoir fait le bon.

– Si vous aviez dit non, vous seriez resté ?

– Je serais resté.


« Ce qui m’arrive

est exceptionnel, ce n’est que du bonheur. (…) Mais à 6 millions d’euros ou à 37, je suis le même joueur »


– En acceptant l’offre de Chelsea, vous avez saisi une opportunité qui ne se serait peut-être plus jamais présentée (1)…

– On ne sait jamais ce que le football vous réserve. Je suis bien placé pour en parler, pour mesurer que la vie d’un footballeur est fragile, aléatoire. J’ai beaucoup souffert pour arriver à ce niveau. J’ai eu un parcours atypique. J’arrive de loin. Je ne suis pas passé par un centre de formation, je n’étais pas un surdoué qui a débuté en Ligue 1 à dix-huit ans.

– Il y a six ans, vous étiez même encore en CFA 2, à Levallois, et il y a encore un peu plus de deux ans, sur le banc à Guingamp, après l’avoir été le plus souvent en Ligue 2 au Mans…

– Il y a trois ans, je jouais même encore en CFA 2, avec la réserve du Mans.

– Et aujourd’hui, vous êtes le footballeur qui vaut 37,5 millions d’euros…

– Ça, je me le sors de la tête. Encore une fois, c’est en réfléchissant à d’où je viens que je relativise. Et c’est une raison de plus de ne pas me mettre la pression. Ce qui m’arrive est exceptionnel, ce n’est que du bonheur. Je sais où est ma place. J’ai encore beaucoup à travailler et à prouver. Ma seule préoccupation est de donner le meilleur de moi-même à Chelsea, comme je l’ai fait à Guingamp et à l’OM. Il n’y a que cela qui m’intéresse. À Chelsea, je vaux ça. À Guingamp, je valais beaucoup moins, mais ça ne m’empêchait pas de jouer au football et de me défoncer. À 6 millions d’euros ou à 37, je suis le même joueur. Mais j’ai aussi compris qu’on parlait plus d’argent en Angleterre qu’en France, notamment dans les journaux, et que, donc, je serai plus attendu parce qu’on va rappeler régulièrement ce que j’ai coûté. C’est normal : Chelsea a mis de l’argent et attend un retour sur investissement. Sans être prétentieux, je ne suis pas inquiet.

– Votre ascension est tout de même météorique...

– En fait, je rattrape le temps perdu. J’aurais dû éclater plus tôt sans tous mes pépins physiques. Ma carrière a été parsemée d’obstacles divers, les blessures notamment. J’ai souvent été écarté des terrains pour de longues périodes, de trois mois ou plus. Mon corps a d’abord eu du mal à s’adapter au football professionnel, au changement de rythme, à l’intensité et à la répétition des entraînements et des matches.

– Sur ce point, vous êtes encore servi à Chelsea. José Mourinho vous impose actuellement deux entraînements quotidiens...

– On travaille beaucoup, les séances sont très dures et très intéressantes.

– Mourinho a dit dernièrement qu’il vous suivait depuis longtemps et qu’il avait déjà voulu vous faire venir au FC Porto quand vous étiez à Guingamp…

– Je ne le savais pas. Mais peut-être qu’à l’époque, je n’étais pas prêt. Chaque chose vient en son temps.

– Jouer en Angleterre, vous en rêviez ?

– Le Championnat d’Angleterre m’a toujours passionné, parce qu’on y marque beaucoup de buts et qu’il y a de très grands joueurs. Mais de là à dire que j’ai toujours voulu y jouer, non. J’ai toujours été très bien là où j’étais et je ne me suis jamais projeté plus loin.

– Tout laisse à penser que vos qualités (la puissance, le jeu de tête, la faculté à prendre les espaces) sont faites a priori pour la Premier League…

– J’aime bien le “a priori”. Oui, a priori, c’est vrai. Mais on a beau posséder les qualités requises, il s’agit ensuite de bien s’adapter à un nouveau club, à une nouvelle vie, à une nouvelle culture, à de nouveaux partenaires, et ce n’est pas le plus facile.


« J’espère que

je ne serai jamais

quelqu’un qui quitte

un club en disant :

je me casse et je

suis bien content »


– Vous parlez anglais ?

– Je me débrouille. Enfin... je pensais me débrouiller avant d’être confronté aux accents de certains. (Il rit.) Mais ça aussi, ça va venir, et puis, plusieurs de mes coéquipiers sont français (Gallas, Makelele) ou parlent français. J’ai aussi de la famille ici. Mes sœurs vivent en Angleterre. Pour l’instant, moi je suis à l’hôtel qui est dans l’enceinte même du stade, et donc, du matin au soir, j’ai Chelsea sous les yeux. Je n’arrête pas de croiser des supporters qui m’encouragent, c’est très sympa. Quand j’arrive dans un club, j’aime vivre intensément pour ce club, créer des liens avec beaucoup de monde. Cela a été le cas à Marseille, à Guingamp. J’aime qu’un club soit une sorte de famille et j’espère que je ne serai jamais quelqu’un qui quitte un club en disant : je me casse et je suis bien content. Même si, un jour, cela se passait mal pour moi dans un club, je n’en dirais pas de mal. C’est un minimum de respect à avoir. Quand on respecte les gens, ils vous le rendent.

– Vous arrivez à Chelsea avec beaucoup d’humilité…

– J’ai toujours été comme ça. Ici, pour moi, tout repart de zéro. Ici, on ne me connaît pas. Enfin, on ne me connaît que de réputation.

– Parce qu’en Angleterre, on ne voit pas les images du Championnat de France ?

– Même moi, je n’ai vu aucune image de la première journée de Ligue 1.

– À Chelsea, avec le Serbo-Monténégrin Kezman, l’Islandais Gudjohnsen et le Roumain Mutu, vous êtes quatre attaquants internationaux pour deux places…

– De toute façon, tous les postes sont doublés avec des internationaux (2). C’est ça un grand club. La concurrence me booste, et j’ai vu qu’elle était ici très saine. Je vais apprendre beaucoup d’eux, mais j’espère leur apprendre aussi deux ou trois trucs. (Sourire.) Pour l’instant, tout se passe bien.

– De l’extérieur, de France en particulier, les gens voient Chelsea comme un club de mercenaires, de divas surpayées…

– Moi j’ai été très agréablement surpris. Les joueurs sont très solidaires et il y a un signe qui ne trompe pas : ils parlent avec tendresse et regret de ceux qui viennent de partir (3). À Chelsea, il y a plus que de l’argent, il y a une âme dans l’équipe. Cela me rassure. Les rapports humains sont pour moi essentiels. Pour donner le meilleur de moi-même, j’ai besoin d’avoir les mêmes vibrations que mes partenaires comme de partager la passion des supporters.


« À Chelsea, il y a

plus que de l’argent,

il y a une âme

dans l’équipe.

Cela me rassure »


– José Mourinho vous a-t-il expliqué ce qu’il attendait de vous ?

– Il n’attend de moi qu’une chose : que je sois décisif. C’est-à-dire que je marque des buts et que j’en fasse marquer. Quand je suis arrivé, il m’a tout de suite appelé. Il me fait entière confiance et il attend aussi que je l’aide dans sa tâche. Il n’y a pas de mystère : on est tous là pour gagner des titres, dès cette saison.

– Vous avez rencontré Roman Abramovitch ?

– Oui, plusieurs fois. Il est même venu nous voir aux États-Unis. Il met beaucoup d’argent dans le club, mais on voit aussi que c’est un passionné. C’est un président fan. Sinon, il est... comment dire ? normal, comme vous et moi, et il se balade en jean et sans cravate.

– Trois matches amicaux, trois buts : c’est plutôt bien parti pour vous à Chelsea…

– C’est bien, c’est bien, mais ça masque un peu le fait que, physiquement, je ne suis pas très bien. Avec les éliminatoires de la Coupe du monde, avec la Côte d’Ivoire, j’ai joué pas mal de matches cet été, j’ai eu très peu de vacances, douze jours exactement. Je n’ai pas eu le temps de récupérer des efforts des deux années précédentes. Je souffre donc à l’entraînement.

– La presse anglaise a pourtant déjà remarqué votre très bonne entente avec l’Islandais Eidur Gudjohnsen contre le Milan AC...

– C’est vrai, on se trouve bien. Mais ça se passe bien aussi avec Kezman, vraiment un super joueur, qui a déjà, lui aussi, marqué plusieurs buts en amical.

– Dimanche prochain, c’est le début du Championnat, et Chelsea reçoit Manchester United !

– On va être tout de suite dans le bain. C’est énorme, je ne pouvais pas rêver mieux, sauf peut-être Arsenal. J’ai hâte d’y être et d’avoir le frisson en entrant sur la pelouse de Stamford Bridge. Tout le monde me dit que l’ambiance sera exceptionnelle. À ce niveau, l’Angleterre est incomparable. Avec l’OM, j’avais été très impressionné par l’atmosphère incroyable de Saint James Park, le stade de Newcastle. Mais vous savez, si Marseille possédait un vrai stade de foot, fermé, comme en Angleterre, le Vélodrome serait encore bien plus terrible pour le visiteur, et cela ferait quelques points de plus chaque saison pour l’OM.

– À propos, vous êtes retourné à Marseille la semaine dernière…

– Oui, j’ai vu les potes, Habib (Beye), Steve (Marlet), Fabien Barthez et tous les autres. On a échangé deux ou trois vannes, ils sont partis s’entraîner et je les ai laissés. Ça m’a fait drôle. Là, j’ai compris que la page était vraiment tournée. »


JEAN-MICHEL ROUET
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