"L'argent de Drogba réinvesti"
Coût des trois dernières recrues, masse salariale en hausse : l'enveloppe consécutive a la vente de l'Ivoirien a pratiquement été utilisée dans sa globalité, indique Christophe Bouchet dans un entretient accordé à La Provence.
II y a deux ans, vous étiez nommé à la présidence de l'OM. Aujourd'hui, êtes-vous parvenu à mener à bien les projets que vous aviez initialement déterminés ?
"Ma mission à l'OM est évidemment de conduire le club au succès sportivement parlant. Mais pour bien comprendre les choses, il faut remonter deux ans en arrière, car on a tendance à avoir la mémoire courte. A cette époque-là, le club se trouvait au bord du gouffre, après une saison compliquée. Robert Louis-Dreyfus connaissait des difficultés personnelles. Les dirigeants se tapaient dessus. Bref, ça partait dans tous les sens. Et pour couronner le tout, il y avait un trou de 39 M € à combler.
"Il convenait donc de structurer le club, lui redonner un mode de fonctionnement normal. A ce sujet, on peut dire que nous avons réussi. Sur un plan structurel, l'OM est désormais un club à dimension européenne, une définition qui trouvera sa pleine mesure avec la centralisation de tous les services à La Commanderie à la fin de cette année (lire par ailleurs). L'OM aura tout du club moderne.
"En ajoutant à cette facette-là les objectifs sportifs qui étaient les nôtres au départ, là aussi, force est de constater que nous sommes arrivés à une certaine forme d'équilibre. Nous nous sommes qualifiés pour la Ligue des champions dès la première saison et nous avons atteint la fi-nale de la coupe UEFA à l'issue de la suivante. Globalement, nous avons réalisé au bout de deux ans, ce que nous avions prévu d'accomplir en trois ans.
"Ainsi, au début de cette nouvelle saison, que je qualifierais d'année III, je ne pensais vraiment pas que nous disposerions d'un effectif d'une telle qualité. Maintenant, tout ce que je viens d'exposer est bien joli, mais sans le moindre titre, cela n'a pas de sens."
Vous avez cédé, le mois dernier, Didier Drogba pour 37, 5 M €. Pouvez-vous nous dire comment a été utilisée cette enveloppe ?
"C'est une question qui brûle les lèvres à beaucoup de personnes. Mais quand on enregistre des rentrées d'argent consécutives au merchandising, là, en revanche, personne ne s'en soucie. Pour revenir aux fameux 37, 5 M €, fruit de la vente de Didier Drogba, il suffit de prendre nos trois dernières recrues (Lizarazu, Costa et Luyindula), le coût de leurs transferts, la différence de la masse salariale de l'effectif global entre l'année dernière et cette année (14, 5 M €) et vous arriverez pratiquement à ladite somme, 95 % plus précisément. "Maintenant, quel que soit le montant du transfert de Didier, 36 ou 37 M €, je n'en ai rien à fiche ; ça a rapporté au club et à lui seul, c'est là l'essentiel pour moi. La vente de Didier a ainsi permis de composer une équipe des plus compétitives. C'était d'ailleurs le paramètre pour céder notre meilleur buteur. Ainsi, la Juventus Turin et le Milan AC
nous avaient bien approchés à un moment donné, mais nous avions repoussé leurs offres (respectivement 18 et 25 M€) car elles ne nous autorisaient pas à renforcer suffisamment notre équipe, contrairement à la proposition de Chelsea. A partir du moment où on a pu se projeter vers l'avenir sans Didier, il n'y avait pas de raison de refuser la proposition des dirigeants londoniens et on a ainsi jugé que son départ s'inscrivait dans une démarche tout à fait raisonnée. La seule condi-tion qui justifie de vendre un joueur aussi emblématique est d'avoir les moyens ensuite d'aligner une formation de très haute qualité. Et nous pensons, justement, que notre équipe actuelle est la plus équilibrée qui soit et elle est d'un niveau rarement vu à Marseille ces dernières années. Maintenant, si elle est belle sur le papier, on sait aussi que le papier, c'est le diable. Alors, la machine est sur les
rails en effet, il lui reste à jouer."
José Anigo n'a pas exclu de faire appel dans le courant de la saison à des jeunes formés au club. A ce propos, on imagine que le cas Flamini vous a amené à prendre toutes vos précautions.
"C'est bien simple, un jeune ne jouera en équipe fanion à la seule condition d'avoir signé son contrat professionnel. Le précédent Flamini nous a évidemment conduits à appliquer cette mesure à la lettre, mais nous ne regrettons rien, même si cette expérience s'est finalement avérée pénible et douloureuse. Pour tout dire, il s'agit d'une trahison. Il n'y a pas d'autres mots. Il faut replacer le contexte tel qu'il a été et non pas comme le joueur essaye de le faire croire. Dès le mois de mars, nous avions proposé à Mathieu Flamini de signer son contrat. Il était dans mon bureau avec son oncle, mais ils ont refusé. Ils se sont manqués avec tout le monde dans cette affaire, et en particulier avec José Anigo qui avait permis à Mathieu de se révéler au haut niveau. Il faut tout de même savoir que son oncle avait osé nous dire que son neveu nous faisait une fleur en ouant gratuitement en coupe d'Europe !"
D'une manière générale, on a le sentiment que les clubs français ont rencontré encore davantage de difficultés sur le marché des transferts.
Ce n'est pas plus dur que les faisons précédentes. A partir du moment où l'on fait son marché en France, on se trouve confronté à des clubs qui n'ont pas forcément envie, bien sûr, de nous céder les joueurs convoités afin le ne pas renforcer un concurrent. Maintenant, c'est tout aussi compliqué avec l'étranger ; là, c'est carrément aventureux. Ah, c'est sûr, si on était Monaco, on n'aurait pas les mêmes problèmes : là-bas, ils (les dirigeants) lâchent leurs joueurs français fiscalisés et ils engagent des joueurs étrangers défiscalisés. Moi, j'appelle ça des transferts fiscaux. Mais, en haut lieu, on laisse faire car les gens sont mous et ne veulent pas aller au combat. C'est assez aberrant quand on sait que dans le même temps, tous les autres clubs sont surchargés et font l'objet de redressements fiscaux. Mais bon, puisqu'il faut jouer avec Monaco, on fait avec."
Pour mener à bien votre recrutement post-Drogba, l'étiquette "37, 5 M €" qui vous a été accollée vous a-t-elle compliqué la tâche au moment de négocier ?
"Je dirais que l'on a plus souffert de la pression locale pour avoir vendu le bijou de la famille. Mais vous imaginez bien que l'on n'a pas été débiles. La vente de Didier, on l'avait évidemment calculée : on savait qu'une telle transaction nous permettrait d'acheter en conséquence. En revanche, c'est vrai, on a sans doute acheté deux de nos trois dernières recrues 10 ou 15 % plus chères que leur prix initial. Leurs salaires ont également dû être négociés à la hausse. On s'attendait à cet effet pervers ; on savait que l'on allait devoir payer une "taxe Drogba". Mais c'est pour tout le monde pareil. C'est humain et logique."
Laurent BLANCHARD
repris de
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