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29 Avr 2004, 17:03
Bouchet : « L’OM est en train de changer de dimension »
Lundi, le président de l’OM nous a longuement reçus dans son bureau de la rue Négresko. Christophe Bouchet a évoqué de nombreux sujets sans tabou : le problème du stade, l’avenir de Robert Louis-Dreyfus et la politique de recrutement. Entretien.
But ! Marseille : Christophe, avez-vous souffert dimanche contre Lille ?
Christophe Bouchet : C’était un match plaisant à voir. Je n’ai pas trop souffert. Ce but de Marlet à la 48ème a changé beaucoup de choses. On a la chance qui nous a manqué depuis le début de l’année. On compte six points d’avance sur Nantes et on est à un point d’Auxerre. Ça annonce une bonne fin de championnat.
Pourquoi restez-vous en tribune plutôt que d’aller dans la loge ?
La première année, je regardais la première mi-temps en tribune et la seconde en loge. Lorsque les choses ont commencé à mal tourner, je suis resté en tribune parce que c’est bien de faire face à ses engagements. C’est bien que les gens voient que le patron est là, à sa place.
Cela vous permet-il d’être plus proche des élus ?
Les élus sont là pour les grands matches. C’est toujours un moment important pour dialoguer avec les uns et les autres, ils sont plus relax que lorsqu’on est en rendez-vous. C’est bien qu’ils viennent pour voir où on en est, ce qu’on fait et où en est le stade.
Faites-vous allusion au maire ?
Je n’embête pas la mairie avec ça. C’est son stade, la mairie fait ce qu’elle veut et je n’ai aucun droit d’ingérence. Mais les gens auraient préféré, pour des raisons de bien être et d’ambiance, que ce stade soit différent. Il y a une espèce de blocage des politiques vis-à-vis du stade. Ce sont deux blocages assez logiques et compréhensibles mais il faut en sortir quand même. Les élus locaux ont la hantise de voir émerger de l’OM un inconnu ou un rival, à l’image de Marcel Leclerc et Bernard Tapie. L’OM reste un sujet de plaisir mais suscite aussi de l’inquiétude chez les politiques, ça c’est embêtant. La deuxième chose concerne le stade. Celui-ci n’est à personne. Il a été un peu choisi par défaut, rapidement. Il a été conçu pour notre siècle mais il est digne du précédent. Des recherches ont prouvé qu’aucune équipe n’avait gagné de Coupe d’Europe sans des milliers de supporters.
Voulez-vous donc faire modifier ce stade ?
Les anglais et les allemands l’ont compris. Le stade doit être un outil de vie, un point d’ancrage. Renaud Muselier (ndlr : 1er adjoint au maire) voyage par son boulot et avec nous en Coupe d’Europe. Petit à petit, je lui pointe du doigt, je lui explique ce que doit être le stade. Je le sens déterminé. On a tous en ligne de mire un événement : la Coupe du monde de rugby 2007. Il faut que le stade soit modifié avant cette date. J’ai discuté avec les gens de l’organisation de cette compétition, ils étaient là pour le match de l’Inter, il faudra qu’il y ait des modifications. Tous les joueurs et les gens du rugby ont envie de venir jouer au Vélodrome parce que la France n’y a jamais perdu. Un mythe est en train de naître, l’ambiance y est bonne mais tout le monde sait qu’aujourd’hui le rugby vit beaucoup plus que le football des aspects annexes au stade.
C’est à dire ?
Dans le foot et le rugby anglais il y a trois types de recettes, les droits télé, peu élevés, le sponsoring et il y a ce qu’ils appelles le jour de match. Ce jour là, ils font venir les gens vers le stade, leur font prendre une journée de plaisir : ils boivent, mangent, papotent, achètent… Ce sont des sources de revenus énormes. On peut le faire si on le veut. Dimanche dernier, je parlais avec des gens venus de Haute-Loire. Ils traînaient autour du stade mais n’avaient rien à y faire. Le rugby compte énormément sur le jour du match. Nous avons pourtant été approchés par une grande surface, une distribution spécialisée, qui voudrait s’implanter au Vélodrome. On doit pouvoir suivre. Aujourd’hui, le Vélodrome n’est pas fonctionnel.
Le Vélodrome n’est-il plus le Vélodrome ?
Pour les supporters, ce stade ne sera jamais le Vélodrome. Autant essayer de faire des choses belles et propres autour. Ça n’enlèvera en rien au mythe, à la légende. Ce stade est comme il est mais c’est la faute à personne. Il a été construit au moment du changement de pouvoir à la mairie, et Jean-Claude Gaudin a été obligé de choisir celui-là. Par ailleurs, il n’y avait pas un pouvoir fort à l’OM à ce moment là. Personne n’a vu que l’architecte s’est fait plaisir mais il n’a pas fait un stade de football. Lorsque son œuvre était terminée, il a dit : « Du haut des virages, on voit la mer. » Le supporter a répondu : « Oui, mais si on voyait le match, ce serait mieux ». On constate à Saint-Etienne ou au Parc des Princes, ainsi qu’a l’Inter ou à Liverpool, que le stade est vraiment le 12ème homme.
En parlez-vous avec les supporters ?
J’aime bien en discuter avec eux mais ils n’aiment pas en parler avec moi. Pour eux, ce qui compte c’est l’équipe, les joueurs. Le stade, la structuration du club leur apporte peu. C’est pour ça qu’a Marseille, on a rarement pris la peine de construire. Mais moi, je partirai l’esprit libre. On va tout regrouper à la Commenderie, tout sera fonctionnel comme ça n’a jamais existé avant. Mais les supporters ne s’en soucient pas. Blanc ou pas, ils s’en fichent. Pour eux c’est Pedretti, Gallardo, le reste… Même le nom de l’entraîneur leur importe peu, à l’exception notable de José (Anigo) qui est un local.
Comment réagissez-vous lorsque vous lisez : « Dirigeants, cassez-vous » ?
Michel Seydoux (président de Lille) disait : « Etre le seul club d’Europe en demi-finales d’une Coupe avec une telle banderole, ça c’est fort. » C’est comme une certaine presse qui attaque. Ce qui me trouble, ce n’est pas la critique mais la fausse information. On ne peut pas se défendre contre ça. C’est une vision que je découvre. Il y a une rage infernale autour de la présidence de l’OM. C’est désagréable pour ceux qui ne sont pas préparés. Dans mon entourage, les gens en prennent plein la gueule et en souffrent. Parfois, on fait mal juste pour un bon mot.
Quel est votre bilan financier de cette saison ?
On a plus gagné que prévu. On avait anticipé la Ligue des Champions mais pas la C1 puis l’UEFA. On a aussi dépensé plus que prévu mais, au total, on est plutôt mieux. Les comptes sont équilibrés, comme on l’avait imaginé, mais avec un peu plus de sécurité. La Coupe UEFA coûte beaucoup d’argent en déplacements, primes de joueurs, mais on devancera quelques petites échéances à boucler l’année prochaine. On va lancer le siège plus vite.
Vous avez fêté la non mise en examen de Robert Louis-Dreyfus ?
On n’a pas fêté ça ! On a pris ça comme une justice. Il y a un point de droit très important. Un point de détail qui n’en est pas un. Si quelqu’un utilise un jour des sociétés pour investir dans le club et retirer un profit quelque part, il peut y avoir abus de biens sociaux. Robert (Louis-Dreyfus) a été capable de fournir au juge une attestation de sa banque disant que tout l’argent qu’il avait investi dans l’OM venait de son compte personnel. Robert ne fait jamais de frais. Il paye le chauffeur qui va le chercher à l’aeroport. L’accuser d’abus de biens sociaux, c’est une hérésie.
Mais d’où provient son argent ?
Il est résident suisse. L’argent qu’il gagne provient surtout des dividendes d’actions des sociétés qu’il a dans le monde. C’est net d’impôt. Pourquoi irait-il mettre de l’argent dans une usine à gaz avec des agents véreux, des entraîneurs troubles, ça serait le premier type à noircir son argent ? J’ai beaucoup travaillé avec lui et si lui n’est pas honnête, il n’y a pas une personne honnête sur la planète.
Ne peut-il pas être inquiété ?
Il a été président du club donc il se peut qu’il soit mis en examen à la fin du dossier en tant que mandataire social. Ça, il assumera parce qu’il ne pourra pas dire : « Je ne savais rien ». Dans son cas, je sais qu’il ne savait rien des rétros commissions mais il assume.
Cette affaire a-t-elle rassuré les sponsors ?
Ni plus, ni moins. Les principaux savent ce qui se passe. Que ce soit Neuf, Adidas, Quick. IL me tarde que tout soit classé et jugé. Depuis mon arrivée, que je sache, on a pas ouvert d’autres dossiers. On solde les affaires Nouma, Tuzzio. C’est quelque chose qui coûte très cher psychologiquement parce que lorsqu’on discute les contrats des joueurs ou commerciaux, les gens conservent une réticence. On va la gommer avec du travail, sur plusieurs années. C’est fondamental si on ne veut pas que le club retombe. Il faut garder le cap, enchaîner.
Comment jugez-vous José Anigo ?
Lorsque je suis arrivé au club, on a eu un petit incident concernant José. J’ai voulu le voir. Il a un regard droit, il ne cherche pas à fuir, je me suis dit que c’était un bon mec et la suite m’a conforté dans ma idée première. Lorsque j’ai senti qu’il se passait quelque chose avec Alain (Perrin) avec des responsabilités de chaque côté, dès le Real, je n’ai jamais eu d’autre alternative que José. Depuis que je suis arrivé, je n’ai jamais pris contact avec un entraîneur. Si, hier (dimanche) j’ai discuté avec Antoine Kombouaré (ndlr : le technicien strasbourgeois) mais pas pour en faire un entraîneur…
Son côté marseillais ne vous gêne-t-il pas ?
On n’est jamais trop marseillais. Il a une vue très lucide sur Marseille et sur l’OM. Je trouve que José a fait un sérieux bout de chemin personnel. C’est un môme des quartiers, il a su travailler, s’extraire des mauvais coups, ce qui l’a sauvé et l’a mis sur les rails. C’est un garçon extrêmement attentif aux autres. Très ouvert, à l’écoute, il n’a pas toutes les qualités du monde. Disons qu’il est normal avec la rage en plus.
Avez-vous des regrets concernant Laurent Blanc ?
Il aurait pu venir mais il ne faut jamais croire que l’on est supérieur à l’OM. Je fais mienne la phrase de José : l’OM existait avant nous, existe avec nous et existera après nous. L’OM, c’est un bien affectif commun, personne ne l’incarnera jamais. Je reste persuadé, et je l’ai dit à Blanc qui l’a bien pris, que commencer par l’OM, c’est un risque que je ne devais pas lui laisser prendre, ni pour lui, ni pour le club.
Où en est le dossier Pape Diouf ?
Pape (Diouf) habite à côté de chez moi, on se voit presque tous les jours. Ce n’est qu’une question de détails. Ça peut toujours échouer mais… Il travaille avec cinq ou six personnes en qui il a entièrement confiance et s’il s’entoure d’une ou deux personnes avec lui, je trouve ça plutôt intelligent. Il faut toujours partir de l’esprit que si on recrute quelqu’un, c’est pour la performance. S’il se sent plus en sécurité avec un ou deux de ses collaborateurs, je n’ai aucun problème avec ça.
On annonce des changements à la direction du club…
Il y aura des changements à la direction mais ce ne sont pas des problèmes d’hommes. L’OM n’est plus cette entreprise où un clou chasse l’autre. C’est un club qui est en train de changer de dimension structurelle et administrative. Pour allez plus loin, avoir des outils de travail plus performants, il faut des collaborateurs supplémentaires dans des domaines pointus. Il y aura des changements de personnes mais pas de départs.
On dit que Laurent Malfette devient omniprésent…
Malfette est un directeur administratif que j’ai recruté. Il s’occupe de tout ce qui contrôle le juridique du club. Il est amené, de par son boulot, à avoir une vue d’ensemble. Celui qui s’occupe des finances doit avoir une vue d’ensemble de ce qui se passe.
Où en êtes-vous côté recrutement ?
On est parti tôt pour essayer de recruter. On a un peu d’avance mais, en même temps, les uns et les autres ne sont pas pressés de ce décider. Ça nous permet de voir, d’en discuter avec José et d’autres personnes. Ça nous permet de voir aussi la vrai détermination des uns et des autres. On s’est souvent trompé à l’OM. Aujourd’hui on n’est pas très pressé et on a un groupe solide, sérieux, d’autant que Drogba et Barthez resteront…
Des noms cités, quel dossier a réellement avancé ?
Pedretti a envie de venir et on a envie de l’avoir. On avance beaucoup sur lui. Dans la vie, il faut être réaliste. Paris ou Lyon vont lui proposer la Ligue des champions, c’est un élément qui peut logiquement peser dans son choix. Mais tout le monde est persuadé que, pour préparer l’avenir avec Marseille ou un autre grand club derrière, il faut jouer à l’OM. Pedretti est un garçon qui a beaucoup de caractère. Je ne le crois pas capable de travailler avec Vahid Halilhodzic. Lyon ? Pour qui veut connaître de l’émotion en football, aller à Lyon, c’est un peu l’abnégation des choses. Pedretti est un joueur important dans notre dispositif et j’espère aussi que sa complémentarité avec d’anciens joueurs de Sochaux, Meriem, Frau peut être intéressante.
Meriem va-t-il rester et Frau peut-il venir ?
On en a envie. Bordeaux est un club qui a toujours un comportement étrange dans les transferts mais comme l’OM a changé et ne fait plus n’importe quoi, peut-être arriverons-nous à s’entendre. On aura 4 joueurs de haut niveau. Les noms ont été évoqués. Notre fin de saison va entraîner ou ne pas entraîner les uns et les autres.
Comment vous défaire des joueurs qui n’entrent plus dans le jeu d’Anigo ?
On ne fera pas de gros sacrifices pour se séparer d’un joueur. On ne fera pas n’importe quoi