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MEDHI BENATIA Le directeur du football de l’OM a reçu "La Provence" avant le match ô combien important contre Montpellier, ce soir (21h05) au Vélodrome. Il pointe des défaillances mentales et dénonce l’environnement du club.
Medhi Benatia a fêté ses 38 ans jeudi, mais il est remonté. Désireux de battre Montpellier ce soir après la claque à Monaco (3-0), le directeur du football de l’OM tire la sonnette d’alarme et, dans le sillage de Pablo Longoria et Roberto De Zerbi, appelle à l’unité. Hier midi, il a donc reçu La Provence dans son bureau du bâtiment sportif pour prôner l’union sacrée tout en reconnaissant les difficultés actuelles, un "problème mental". Et exprimer sa colère contre l’environnement du club marseillais alors que la qualification en Ligue des champions demeure "fondamentale". Entretien cash.
Tout autre résultat qu’une victoire contre Montpellier est-il envisageable ?
Non, évidemment. C’est une équipe en difficulté depuis le début de l’année, elle a des qualités mais elle a souffert toute la saison. Nous, on a tellement laissé filer de points qu’on n’a plus de joker. On est obligé de faire un résultat positif si on veut rester sur le podium à l’issue de la journée et, pourquoi pas espérer mieux en fonction du résultat entre Strasbourg et Monaco. Mais avec nos dernières prestations, la victoire est obligatoire.
Une victoire écrasante sans prendre de but ou vous vous contenteriez d’un succès à l’arraché ?
En fin de saison, il y a de la fatigue chez tout le monde, même si avec un seul match par semaine on ne peut pas se cacher derrière cet argument, et beaucoup de stress accumulé, surtout à Marseille. Je signe tout de suite pour une victoire 3-2. J’entends dire que l’équipe n’est pas bonne, que les joueurs sont mauvais, qu’il faut tout changer. Mais cette équipe a fait presque deux points par match de moyenne jusqu’au mois de janvier. On a eu l’occasion plusieurs fois de faire la différence au classement, on ne l’a pas fait et cela souligne nos carences, nos limites. C’est clair et net. Mais j’aime bien rappeler d’où on est parti dans ce projet sur trois ans : d’une 8e place dans une saison avec quatre entraîneurs différents et avec un effectif largement renouvelé. Je ne sais pas si vous avez pris votre pied l’an dernier, mais c’était très long. Cette saison, jusqu’au mois de janvier, on était là, on proposait des choses, on faisait des séries de victoires, on a battu deux fois Lyon, on a gagné à Lens quand Lens avait encore tout le monde, on a battu Nice ici quand ils étaient dans le haut du tableau, on a fait un très bon match à domicile contre Lille. On a pris les points. Pourquoi me dit-on du jour au lendemain que l’équipe n’est pas bonne ?
Parce que vous vivez une phase retour très compliquée…
Quels sont les joueurs qui sont partis au mois de janvier ? C’est Brassier, Wahi, Koné et Meïté. Que nous ont-ils donnés sur le début de saison ? Brassier, on m’a dit qu’il faisait perdre les matches et qu’il n’était pas bon. Nous, on a toujours dit qu’il n’y avait pas de mauvais joueur mais que des mauvais contextes. Brassier est très bon aujourd’hui à Rennes et je suis content pour lui car c’est un super joueur et un très bon mec. Wahi a encore des difficultés en Allemagne, il ne joue pas, mais on l’a remplacé par Gouiri, qui est super depuis son arrivée. C’est une satisfaction pour le coach et on est très content de lui, aussi bien de l’homme que du professionnel. Meïté ne jouait pas ici, on l’a prêté à Montpellier en faisant un pari, risqué on le savait, mais on n’avait pas d’autres solutions car on n’avait pas la possibilité de prendre un défenseur à 15M¤. C’est notre réalité. Le coach a demandé deux centraux, c’est vrai, mais on n’a pas pu les faire. Pablo, le coach et moi aurions aimé ramener deux tops défenseurs centraux, encore plus costauds. Cette défense a tenu six mois, mais pourquoi on prend trois buts à Reims, à Auxerre, à Monaco ? Parce que cette saison, il y a eu des défaillances mentales ponctuelles et c’est ce sur quoi on doit travailler. Tout n’est pas parfait, et on n’a jamais dit que ça le serait au bout de six mois. On a une identité de jeu, on sait ce qu’on met en place, un jeu de possession, des prises de risques. C’est le mérite du coach et de son staff, c’est sa philosophie et c’est ce qu’il a inculqué aux joueurs. Maintenant, oui, il y a des carences mentales et après la première mi-temps que tu fais à Monaco, tu dois rentrer aux vestiaires à 1-1, tu ne peux pas risquer d’en prendre quatre. Qui est le responsable ? Le coach ? Non, il n’y est pour rien.
Mais comment expliquez-vous cette mauvaise passe en 2025 avec 5 défaites en 7 matches, 11 buts encaissés lors des 4 dernières rencontres, le pire bilan à l’extérieur sur la phase retour…
Alors qu’à l’aller, on était la meilleure équipe européenne en déplacement… Ce serait trop simple d’avoir réponse à tout. On connaît le football, on vit le football, mais comme tout le monde, il y a des situations dans lesquelles on apprend au quotidien. Moi, je vois que tu dois prendre plaisir à défendre, tous ensemble. Quand tu prends le premier but, c’est tous ensemble. Certains pensaient aussi peut-être que c’était déjà plié, que la qualif’ était déjà en poche… Mais ce n’est pas comme ça que ça marche, tu ne peux pas te relâcher en Ligue 1.
Ça ravive le souvenir de l’ère Bielsa, un gâchis monumental…
C’est ça. On a été deuxième quasiment toute la saison avec 75 % de possession de balle… Si on veut analyser les défaites, celle de Reims n’a rien à voir avec celle de Lens à domicile. Contre Lens, si on refait le match dix fois, on le gagne 15 fois… Malheureusement le gardien est homme du match, fait des parades dans tous les sens, et tu prends un contre la fin et tu perds 0-1. Ce match, si tu es fort mentalement, tu fais 0-0. Quand tu ne peux pas gagner, tu ne dois pas perdre… À Monaco, on fait une belle première mi-temps, mais à l’arrivée on explose en vol et on aurait pu prendre plus de buts encore. Ce n’est pas normal. La qualité de cet OM est suffisante pour gagner ces matches. Quand on regarde le calendrier, on est d’accord que cette équipe a assez de qualité et d’individualités pour battre Montpellier ? Après on reçoit Brest et si tu prends six points en deux matches, l’enthousiasme et le moral remontent en flèche. On a la chance d’avoir trois matches à domicile sur les cinq dernières journées. Derrière, on va à Lille et jusqu’à preuve du contraire, ils ont eu des hauts et des bas cette saison. Cette grande équipe de Lille est bien derrière nous au classement ? Il y a sans doute une raison et cela veut dire que le travail a été fait. On est le 18 avril, pas le 20 septembre. Il faut se calmer. L’environnement ne nous aide pas non plus ici. C’est important, Monaco a connu une période compliquée mais on n’a rien entendu.
Vous ne découvrez pas tout cela, vous avez même dû le connaître à la Juve et au Bayern ?
J’ai connu l’environnement des grands clubs et quand ça ne va pas, ça chauffe à l’intérieur du vestiaire. Ici, les joueurs vivent très bien entre eux. L’autre jour, on a lu que le coach était fâché avec son groupe parce qu’il avait décidé de prendre un peu de hauteur, une décision prise en accord avec Pablo, son staff et moi-même ! Il était fâché et déçu car il donne beaucoup à son groupe, c’est un affectif. Quand il voit le match à Reims, il ne peut pas se retrouver dans son équipe. Il a dit aux joueurs qu’il n’allait pas les entraîner, mais la séance a été faite, le staff l’a dirigée. Il le fait souvent les lendemains de match d’ailleurs pour observer les comportements des uns et des autres. Il n’y avait rien de nouveau. Et là, dans L’Équipe, des joueurs ou des taupes, je ne sais même pas, auraient estimé que c’était une faute grave du coach. Ce n’est pas vrai du tout. Il est toujours derrière eux. Quand je te donne beaucoup et que je ne reçois pas, à un moment donné, je dois te montrer que je suis déçu. C’est donnant-donnant dans la relation.
Cette saison, il y a eu des défaillances mentales ponctuelles et c’est ce sur quoi on doit travailler.„
Vous visez quelqu’un de l’intérieur ?
Ce qui se passe à Marseille, c’est que ça revient. Souvenez-vous la polémique après la défaite au match aller contre le PSG, des événements sont venus perturber le sportif… (il cible l’interview de Jean-Pierre Papin dans nos colonnes). Ça, c’est nouveau pour moi. Je n’ai pas connu ça, ni à l’Udinese, ni à la Juve, ni au Bayern, et même pas à Clermont-Ferrand ou à Tours en Ligue 2… Je n’ai jamais vu un environnement où, quand ça ne va pas sur le terrain, des gens de l’intérieur du club cherchent à semer la zizanie ! Je n’ai jamais connu ça ! Les gens pensent que c’est la normalité, moi j’appelle ça la médiocrité.
Il y aurait une entreprise de déstabilisation ?
C’est le cas en ce moment avec tout ce qui sort dans les médias ou sur les réseaux. Hier, je vois un commentaire qui dit que Bob Tahri et Ali Zarrak, "deux fidèles de la direction sportive", donc de Pablo et de moi-même, deux personnes qui travaillent nuit et jour pour l’OM, sont devenus des taupes. Mais bien sûr ! J’ai des taupes dans mon entourage et ça me va très bien ! Ce n’est pas sérieux. J’ai ramené Marcelo Laia, directeur de la performance qui était à l’Inter et à Manchester, je ne le connaissais pas avant d’arriver ; j’ai ramené Romain Barq de Wolverhampton pour le mettre au scouting, je ne le connaissais pas, je me suis juste basé sur son travail, des fiches, des renseignements ; pareil pour Aziz Mady Mogne, directeur sportif de Lorient, je ne le connaissais pas ; Ali Zarrak, son adjoint à Lorient, je ne le connaissais pas avant d’arriver ; Bob Tahri, directeur sportif du FC Metz et responsable de la performance à Monaco, je ne le connaissais pas avant qu’il nous rejoigne pour s’occuper des joueurs et de leurs familles ; pareil pour Romain Ferrier, nommé coach adjoint de la Pro2 et que j’ai ramené de Bordeaux, ou "Titou" Hasni, le directeur du centre de formation qui était à Nice. Ce n’étaient pas des amis avant qu’ils arrivent à Marseille, mais des relations de travail ! Il n’y a pas un mec que j’ai ramené que je connaissais avant personnellement. Je le dis haut et fort.
Qui dit le contraire ?
Certains au club pensent que je suis un danger, et c’est vrai ! Je suis venu ici pour enlever cette médiocrité ! Je le ferai tant que je serai là et jusqu’au dernier jour. C’est ce que j’ai promis à notre actionnaire, qui a une passion qui déborde. Il a envie de voir ce club grandir et quand il vient, on lui doit la vérité. Je prends mon pied, je lui raconte tout ce qui se passe dans le club. J’adore car il me pose des questions, ça dure plus de deux heures, il doit savoir et il veut tout savoir. Quand ça ne va pas dans ce club, on démolit, certains ont plutôt intérêt à ce que ça ne tourne pas alors qu’on est en train de construire quelque chose. Quand ça va, la ferveur des supporters et l’engouement de la ville font que tout va bien. C’est ce que je dis depuis le début. Et c’est déjà un danger car c’est du jamais-vu d’entendre un dirigeant dire ça.
Je n’ai jamais vu un environnement où, quand ça ne va pas sur le terrain, des gens de l’intérieur du club cherchent à semer la zizanie !
Vous visez les gens du club ? L’entourage des joueurs ? C’est vieux comme le monde, il y a toujours eu des gens pour parler…
Oui, quand on parle de taupes, c’est vrai. Mais quand je parle de situation, c’est que certains continuent d’exister quand le club se casse la gueule. Mais on est de passage ici. La preuve, j’ai mis une clause dans mon contrat dont personne n’est au courant.
Quelle est cette clause ?
Indépendamment de mon amour pour l’OM, je suis venu pour Pablo. Le jour où Pablo part, je m’en vais. C’est clair. Je ne suis lié à rien ni à personne. J’ai même demandé un parachute en cas de départ de… 0¤ ! Certains ici négocient leur parachute avant leur salaire… Je n’ai jamais vu ça de ma vie. Le foot est une passion, si tu fais ça, tu n’as rien à faire à l’OM. Quand je vais au centre de formation, que je vois les parents d’enfants de 12 ans et que je discute avec eux, ils sont surpris. Je leur explique qu’on doit tous faire un peu plus. C’est ce qu’on veut inculquer. Ce qui se faisait avant était peut-être bien, mais ce n’est pas suffisant. Voir les meilleurs talents aller à Lyon ou à Monaco, c’est fini. Aujourd’hui, on a la priorité sur tous les jeunes, je vais voir les parents, je leur explique le projet avec "Titou" Hasni. Lui, par exemple, il n’est pas venu pour négocier un parachute. Il te dit : "L’OM, c’est mon club, je suis un enfant de la ville, ce poste c’est mon rêve et je vais travailler nuit et jour". Là, je m’entends avec un mec comme ça. J’ai du mal avec ceux qui se cachent ou qui vivent d’intérêts personnels. Regardez, on est 3e du classement à un point du 2e, mais on a l’impression que c’est catastrophique. C’est l’environnement qui crée ça, c’est plus pour causer du tort que pour améliorer les choses…
Oui mais tout est lié aux résultats et à la dynamique actuelle…
Nice est passé 6e, qui parle du club ? Lyon a eu une période compliquée, qui en a parlé ? Si la défaite contre Manchester United était arrivée à l’OM, il aurait fallu tout raser ce matin. Le foot, ce n’est pas ça. On doit parler de stabilité, laisser les gens travailler.
Vous considérez qu’il y a trop de négativité autour du club ?
Oui. Moi j’aimerais parler des raisons pour lesquelles on prend des buts. Oui, on a des carences mentales, oui certains joueurs sont en difficulté, mais on ne va pas les exposer car il n’y a que des bons mecs. Certains sont peut-être suffisants et ils n’ont pas compris qu’il fallait faire plus à l’OM.
Un joueur comme Luis Henrique, qu’on sait courtisé par de nombreux clubs, n’est-il pas perturbé ?
Il y a du bruit autour de lui, il est convoité. Je l’ai reçu il y a deux semaines pour lui parler de la période actuelle et du fait que ce n’était pas satisfaisant. Mais Luis est un super garçon, il est positif, rigole tout le temps. Le problème, comme je le lui ai dit, c’est que s’il veut faire une grande carrière, à l’OM ou ailleurs, il va devoir faire plus. Il peut faire plus, il l’a montré, donc il doit faire plus. Ça, ce sont des discussions et c’est un travail quotidien avec le coach. Rendre le tableau plus noir qu’il ne l’est, ça ne va pas aider. Je ne vais pas vous dire que tout va bien, sinon on aurait 7 points d’avance. Il va falloir cravacher jusqu’au bout. C’est comme ça, et c’est l’histoire de l’OM de devoir se battre contre tout le monde.
Vous parliez des réseaux et de rumeurs. Comment avez-vous réagi en apprenant que Hojbjerg serait venu vous voir pour vous dire de ne plus faire jouer Henrique et Greenwood…
Vous imaginez ? Il n’est pas venu me voir. Et en plus, vous pensez que j’ai besoin qu’un joueur me souffle ça ? Pierre-Émile Hojbjerg est un des plus professionnels du vestiaire, un mec qui ne cherche qu’à fédérer et à emporter tout le monde avec lui, comme Rabiot. Aujourd’hui, "Adri" meurt de l’intérieur, il n’a qu’une envie : aller en C1. Ces deux-là sont vraiment deux exemples et à aucun moment ils ne sont venus me voir pour écarter des joueurs. Les gens qui sortent ça ne veulent pas le bien de l’OM.
Est-ce que ça affecte les joueurs ?
Quand tu es joueur de foot, tu dis toujours que tu ne lis rien, que tu ne t’intéresses pas… Mais ce n’est pas vrai. Avec les réseaux sociaux, 90 % des joueurs regardent tout ce qui se dit sur eux. Forcément, ce n’est pas facile. Mais ce sont des professionnels très bien payés, qui ont une vie de rêve. Quand tu ne gagnes pas les matches et que 65 000 supporters te poussent au stade, c’est que la passion est à nulle autre pareille. Quand le coach lit dans L’Équipe qu’il a perdu son groupe, il est meurtri. C’est absolument faux. Aucun joueur n’est contre le coach. Demandez à Rulli, Kondogbia, Hojbjerg, Rabiot… Même Bamo Meïté, qui n’a pas joué lors des six premiers mois, n’est jamais venu me voir pour critiquer le coach. Il donne de l’amour à tout le monde, et même un peu trop à mon goût. Moi, je répète toujours aux joueurs, au staff et aux salariés que je ne suis pas là pour me faire des amis. Je ne veux que des gens qui travaillent dur pour l’OM. Pour le coach, c’est différent, il doit avoir cette relation avec ses joueurs, il marche à l’affect. Et il n’a pas perdu son groupe. Les mentalités ont changé. Si les mecs n’ont pas compris qu’il faut gagner les matches pour aller en Ligue des champions et qu’ils ne sont pas prêts à se sacrifier pour y parvenir, c’est qu’il y a un gros problème.
Revenons au mercato d’hiver. Hormis Gouiri, on a l’impression que la signature de Bennacer a déséquilibré le milieu, que Luiz Felipe ne jouera jamais et que Dedic est encore un peu tendre…
C’est une question importante. Brassier part parce qu’il ne joue plus. Qui joue à sa place ? Kondogbia, en donnant des garanties.
Il va falloir cravacher jusqu’au bout. C’est comme ça, et c’est l’histoire de l’OM de devoir se battre contre tout le monde.
Ce n’est pas non plus un phénomène à ce poste…
Il fait ses matches ! Contre Lille ou Monaco à la maison, il avait été là ! À Nantes, il avait été très bon aussi. Il s’est imposé à ce poste. On a quand même cherché un central : (Kalidou) Koulibaly, (Jakub) Kiwior, (Loïc) Badiashile… Ils ont tous été étudiés. C’était ouvert pour un prêt de Kiwior, par exemple, mais le jeune s’est finalement imposé avec Arsenal. Pareil pour Badiashile avant sa blessure. On n’a pas pu faire un mec de "qualité" alors qu’on a traité une vingtaine de centraux. On voulait un mec qui fasse la différence, pas juste une recrue pour faire le nombre. On a déjà investi en début de saison, on ne pouvait pas prendre de risques. On a installé Kondogbia derrière, il y avait (Derek) Cornelius…
Dans un club comme l’OM qui a vu passer des Mozer, Boli, Desailly, entre autres, Cornelius ça pique les yeux…
Il a toujours donné ce qu’il avait à donner ! Il y avait aussi (Leonardo) Balerdi et (Amir) Murillo. On a pris Luiz Felipe, on savait qu’il fallait un mois pour le remettre sur pied, mais il avait un CV pas inintéressant. On se disait qu’il aurait son mot à dire aussi. Mais dès le premier match après le mercato, "Val’" (Rongier) est malade. Bennacer joue, il fait 60 minutes à un niveau international sans perdre un ballon. On est content, on dit qu’on a fait un super coup même si on le connaissait d’avant et qu’on n’a pas attendu ce match pour connaître sa valeur. Le coach reste sur cette compo, "Val’" est amené à dépanner en défense, contre Lens d’ailleurs. Il l’avait fait, c’est un mec intelligent, je me souviens de son match fantastique avec Tudor contre le PSG, j’étais au stade ce soir-là. Derrière, Pierre-Émile Hojbjerg se blesse trois semaines au mollet. On était content d’avoir fait Bennacer. Avec qui aurait-on joué ? Quand on le signe, ce n’est pas pour être titulaire indiscutable, on le fait pour rajouter un milieu. Un mec qui adore l’OM, qui vient de la région, qui arrive du Milan et adore le coach. On l’a fait sans penser au bouleversement d’équilibre.
Donc pour vous l’équilibre de l’équipe n’a pas été déréglé ?
Non, pas pour moi. En début de saison, Kondogbia jouait au milieu avec Hojbjerg et quand on a signé (Adrien) Rabiot, déjà, j’entendais parler d’équilibre aussi… L’équilibre, on l’a trouvé à Lens avec Rongier et Hojbjerg. Mais quand Rongier est malade et que Hojbjerg se blesse trois semaines, on fait comment ? Ce que je vois, c’est qu’on a fait venir des joueurs de qualité à des coûts respectables pour diverses raisons. Luiz était blessé. Si Amine (Gouiri) n’avait pas été en difficulté à Rennes, il aurait coûté 35M¤, et pourtant il a débloqué des situations en moins de trois mois. Pour moi, sur le papier, l’équipe est au moins aussi bonne que celle de la phase aller. C’est pour cela que je dis que c’est un problème mental. Rien n’a changé dans notre travail, le coach est toujours investi du matin au soir. Mais peut-être qu’inconsciemment, les plus jeunes, pas les plus anciens, ont eu un relâchement en pensant que c’était plié. Et si c’est ça, c’est grave et c’est ce qu’il faut combattre. Ceux qui ne sont pas prêts à faire les efforts, on se reverra dans un mois, le 18 mai, et on se dira merci-au revoir. Je veux une équipe de caractère et de qualité. Vous me dites que la défense n’est pas bonne…
C’est clairement le maillon faible cette saison, on a même l’impression en 2025 que chaque tir adverse est synonyme de but…
Pour moi, le premier défenseur, c’est l’attaquant. Défendre à sept, ça n’a rien à voir. À la Juve, on défendait à onze. Ce n’est pas acceptable de prendre des 3-0 et c’est le signe que certains ont lâché mentalement. La fébrilité rentre aussi dans les têtes, et quand tu ne marques pas, tu deviens vulnérable. On doit s’améliorer. Mais cette équipe-là était suffisante pour battre Auxerre, Lens et Reims, c’est la vérité. Perdre des points contre le PSG ou Monaco, je peux l’accepter, surtout sur une première année de transition. On doit retrouver notre calme, gagner Montpellier, un match à 20 points qui peut nous permettre de retrouver l’enthousiasme des supporters. À Monaco, on en prend trois mais ils chantent jusqu’au bout. Il faut le dire. Cette victoire, on la leur doit.
Vous ne pouviez pas rechausser les crampons ?
(Sourire) Incriminer les défenseurs, j’ai connu ça. Lorsqu’il y a eu des blessures et des suspensions en même temps, si j’avais été plus "fit", j’aurais fait une licence pour aider… Mais malheureusement aujourd’hui, vu ma forme physique (il soulève son t-shirt et laisse apparaître ses abdominaux au repos...), je ne pourrais plus aider grand monde ! C’est rageant.
Franchement, vous n’avez pas l’impression de vous être collectivement tirés des balles dans…
(Il coupe) Est-ce qu’on ne s’est pas mis le feu tout seul ? C’est exactement ça.
On pense aux polémiques sur l’arbitrage, au craquage de Pablo Longoria à Auxerre…
J’ai parlé une seule fois de l’arbitrage, à Lyon, quand on a gagné. Une seule fois. D’ailleurs, je suis passé devant le CNOSF la semaine dernière et la sanction après le match de coupe de France contre Lille a été confirmée (six mois de suspension dont trois avec sursis). Mais vous savez ce qu’a dit le représentant de la Fédération française de football ? Il a dit : "Quand on voit M. Benatia, il est plus impressionnant physiquement et il fait beaucoup plus peur qu’Olivier Létang". C’est sérieux ? C’est pour vous dire dans quel monde on vit. Pourquoi je fais plus peur qu’un autre ?
Pablo a parlé à Auxerre, il a peu déconné, il le sait, mais il faut mesurer la tension qu’il ressent. C’est un passionné. J’ai connu des présidents qui ne regardaient même pas les matches. Quand tu parles à Hojbjerg ou Rabiot, ils sont fiers de voir leur "prés" aussi passionné et connaisseur. Mais lors du match aller contre Auxerre, Pablo n’avait pas parlé de l’arbitrage et on en a pris trois aussi…
Sans Ligue des champions, ce serait une catastrophe. Mais la seule chose qui occupe mon esprit, c’est battre Montpellier.
Comment trouver les solutions ?
Des fois, il n’y a pas de raisons à chercher. Je reprends l’exemple de Lens et Reims. Lens à domicile, j’accepte de le perdre, on a eu 75 % de possession, 3-4 occasions nettes. En tant que dirigeant, tu sais que ça arrive dans le foot. Le soir-même, je me suis couché en me disant qu’on gagnerait des matches en jouant comme ça, qu’on ne tomberait pas tout le temps contre un gardien en feu. Mais le match de Reims, c’est inacceptable, les joueurs nous ont manqué de respect ! Là, je me suis dit que je ne savais pas où on allait et que ce n’était pas l’équipe que je souhaitais voir. C’est ça, la différence. Pareil à Nice. On arrive là-bas, il y a les banderoles avec les rats, on se fait insulter de tous les noms… Normalement, on aurait dû prendre six cartons jaunes en première mi-temps, il fallait les monter en l’air dans les duels ! Tu peux avoir les pieds carrés ce jour-là, te plaindre du terrain, dire que le ballon est trop rond… Mais dans l’engagement, tu les montes en l’air ! Tu leur montres qui sont les rats ! Au lieu de ça, on perd 2-0, on n’a pas existé. Je ne l’accepte pas !
Que se passerait-il si l’OM ne se qualifiait pas directement en Ligue des champions ? Il y a un scénario noir qui se dessine avec la probable éviction de Longoria, les possibles départs du coach et de joueurs comme Rabiot…
Ça, c’est une question pour le boss. Je peux répondre sur le sportif. S’il n’y avait pas de Ligue des champions, ce serait une catastrophe. Quand tu vois tout le travail qui a été fait, l’équipe qu’on a bâtie pour aller en C1, je ne pourrais pas accepter d’être sur le podium le 20 avril et plus le 18 mai. Ce n’est pas possible.
Dans le contexte économique avec le fiasco des droits TV…
Ah oui, mais sans les droits TV et sans Ligue des champions, avec les salaires et les dépenses du club, on m’a expliqué que ce serait très compliqué. C’est un pari assumé, une prise de risques des décideurs. Ce n’est pas moi qui prends ces décisions, mais on en est tous conscients. Quand je demande à tous les gens du club de faire un petit plus, ce n’est pas pour rien. J’ai conscience de l’importance de la chose mais visiblement quelques-uns peuvent penser que ça ne changera rien pour eux parce qu’ils sont sous contrat. Ils se trompent. C’est fondamental pour l’OM d’être en Ligue des champions. Il n’y aura plus rien de normal sans C1… C’est Pablo qui prendra les décisions, c’est le boss, mais je le répète au quotidien au secteur sportif, dont je suis responsable. Je n’ai même pas envie d’y penser, la seule chose qui occupe mon esprit, c’est battre Montpellier.