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Les minutes passent et
les journalistes de DAZN atten-
dent Roberto De Zerbi pour sa ré-
action d’après-match, vendredi
soir. L’OM a été enfoncé par Au-
xerre (3-1), douze jours après un
Classique d’une immense tris-
tesse (0-3), et le diffuseur attend
son décryptage. Il n’arrivera ja-
mais. L’entraîneur italien de
45 ans passe plus d’une vingtaine
de minutes à dézinguer son
groupe, dans l’intimité du ves-
tiaire. Il est question de « couilles »
et « d’argent ». Les premières ont
fait défaut, selon De Zerbi, qui dé-
taille sa vexation, immense :
« Vous m’avez humilié, vous avez
humilié notre club devant notre pu-
blic, crie-t-il, en substance. Vous
avez manqué de couilles ! »
Il leur a déjà imposé une mar-
che de la honte après le coup de
sifflet final, devant les tribunes,
alors qu’ils souhaitaient filer au
vestiaire, « pour qu’ils assument ».
Et là, il sermonne tous ses hom-
mes, à la hauteur de son humeur
du soir. Jamais, même dans ses
pires cauchemars, il n’aurait
pensé subir ce scénario, ce 3-0 à
la pause pour un promu en go-
guette sur le terrain, qui avait
pourtant bien identifié une de ses
faiblesses (le replacement des
ailiers marseillais à la perte
quand les latéraux sont déjà en-
glués dans l’axe).
Après le collectif, De Zerbi re-
vient sur un homme, Leonardo
Balerdi, le capitaine : « Tu man-
ques de couilles », assène l’Italien,
en seconde lame, au défenseur
argentin qui a la tête baissée. Ba-
lerdi se pointera en zone mixte,
un peu plus tard, et dira, dans un
vocabulaire plus châtié : « Ce n’est
pas la faute du coach, c’est nous,
les joueurs, assume l’ Argentin. On
doit prendre nos responsabilités. Il
a fait les efforts, il donne tout, il
donne son cœur. On doit faire un
peu plus, y mettre du cœur pour
jouer ici et tourner la page. »
Le débriefing ne s’est pas arrêté à
l’anatomie. De Zerbi a parlé des
sous, « I soldi » balancés d’un ton
saccadé, pour prévenir son
groupe : « Le football, c’est ma vie.
Et Medhi Benatia le sait, Pablo Lon-
goria le sait, je ne suis pas venu ici
pour l’argent. » Il le répétera en
conférence de presse, devant une
assistance sidérée par l’émotion
dégagée : « On peut m’enlever l’ar-
gent. L’argent ne me change pas la
vie. Ce qui me change la vie, c’est
de me sentir récompensé tous les
jours, de donner aux gens ce qu’ils attendent. Donc je le dis, si le pro-
blème c’est moi, je m’en vais et je
laisse l’argent. »
De Zerbi est ainsi, intense, di-
rect, exaltant pour les uns, hysté-
rique pour les autres. À Brest, le
17 août, à l’heure de la causerie
d’avant-match, il avait déjà cho-
qué son groupe. Première jour-
née de L1, l’ancien coach de
Brighton est remonté comme un
coucou, il balance à ses hommes
son mantra : « Le football, c’est ma
vie, 24 heures sur 24. » Et il allume
son rétroprojecteur. À l’écran, les
joueurs se frottent les yeux, un
logo, celui de Manchester United.
Puis les images défilent, celles
d’un document juridique, les
chiffres sont floutés, mais on voit
le sigle des Red Devils partout.
« Voilà le contrat qu’ils m’ont pro-
posé, un contrat de plusieurs sai-
sons, avec le salaire que vous ima-
ginez, commente De Zerbi. Voilà
où je n’ai pas été, parce que je place
ma passion avant l’argent.
Je suis venu à Marseille pour la passion. »
Galvanisés, les Marseillais
avaient réussi une entame tonitruante à Francis-Le Blé (5-1).
Mais cette corde sensible, égoti-
que aussi, peut-elle tenir sur la
durée du fameux projet de trois
ans ? Est-ce déjà l’heure des
« soldi », les comptes, pour l’Ita-
lien ? Citée devant le vestiaire et la
presse par son coach, la direction
n’y croit pas une seconde, elle at-
tend que le soufflet émotionnel
retombe un peu et semblait plu-
tôt sévère, hier, avec ses joueurs,
qui reprendront l’entraînement
mercredi. Mais elle a bien noté le
degré d’anxiété de De Zerbi, les
premiers doutes après Stras-
bourg (0-1, le 29 septembre) et
Angers (1-1, cinq jours plus tard),
le côté à fleur de peau lors de la
semaine suivant le Classique, ses interrogations sur un con-
texte versatile. Un match qui l’a
fait tomber de haut, un événe-
ment dont il parlait depuis des
mois et qu’il a vécu comme une
déchéance.
« Jouer au Vélodrome, c’est un
privilège, a-t-il ainsi rappelé ven-
dredi soir. J’ai envie de transmettre
aux gens qui sont derrière nous
toute l’année ce que je pense du
football et comment je vis le foot.
On n’y est pas arrivé quand on était
à 11, pendant vingt minutes, contre
le Paris-SG, et ça ne me va pas du
tout par rapport à ce qu’on avait
imaginé, ce qu’on avait pensé, ce
que l’on avait mis en place. » Les
jours suivant la déroute, l’état-
major avait soigné son coach,
donné de l’écho à son discours
auprès de Mason Greenwood,
par exemple.
Un latéral droit espéré
au mercato hivernal
Mais la direction arrive aussi face
à une impasse, sur le volet effec-
tif : elle ne peut fustiger outre me-
sure des joueurs choisis par et
pour le coach tout l’été. Il était
plus simple de dénoncer le ca-
ractère des leaders de la saison
passée (Clauss, Gigot, Lopez,
Mbemba, Veretout…), pétris de
défauts et pourtant à l’aise au Vé-
lodrome (une défaite en L1 sur
toute l’année contre deux, déjà,
sur cet exercice), le lieu où la
pression s’avère maximale. À dé-
faut de ressasser le passé, la di-
rection planche déjà sur le mer-
cato hivernal et le recrutement
d’un latéral droit, notamment.
Pas certain que cela ait été ré-
clamé dès vendredi soir à Frank
McCourt. Le propriétaire a quitté
le Vélodrome à minuit et demi, le
visage fermé, isolé, quelques
mètres devant Jeff Ingram, le
nouveau président du conseil de
surveillance, et Shéhérazade
Semsar de Boisséson, la CEO de
McCourt Global, qui a pris le
temps d’une photo en zone mixte
avec un ami. Accompagné par sa
mère Véronique, Adrien Rabiot a
quitté les lieux vers une heure du
matin, paisiblement, quand
d’autres (Quentin Merlin, Lilian
Brassier, Geronimo Rulli), parta-
geant une loge, ont eu le déplai-
sir de voir leurs proches alpa-
gués après le match par des
supporters invités à côté. Les
échanges ont été tendus, virils,
mais il s’agissait bien du thème
de la soirée.