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Un train de vie sur la sellette
Lors du collège de L1 samedi dernier, des présidents de club ont pointé les coûts de fonctionnement de la Ligue de football professionnel. Le sujet sera de nouveau abordé demain. ARNAUD HERMANT et ÉTIENNE MOATTI
Même si elles demeurent feutrées, des critiques visant Vincent Labrune et la Ligue de football professionnel (LFP) commencent à apparaître en pleine crise d’attribution des droits télévision du Championnat pour le cycle 2024-2029. Samedi, lors du collège de L1, les offres de DAZN (qui se dit désormais prêt à améliorer ses garanties pour convaincre les clubs), d’un côté, et de l’autre celle de la chaîne de la Ligue associée à la plateforme Warner Bros Discovery distribuée par tous les opérateurs, ont été présentées. Mais outre la question des droits, des voix, dont celle de Laurent Nicollin, président de Montpellier et du syndicat des clubs Foot Unis (pourtant proche de Labrune), ont pointé le train de vie de l’instance.
C’est la première fois que ces reproches sont formulés lors d’une telle réunion. « Il n’y a rien de nouveau, la Ligue a toujours eu un train de vie élevé, rapporte un familier des instances. Avec les droits télé, l’argent tombait automatiquement et en grande quantité, sauf qu’aujourd’hui la source est en train de se tarir. »
Trois axes principaux sont ciblés par quelques présidents, « tels des symboles », dixit un dirigeant : l’achat du nouveau siège de l’instance, les nombreuses embauches au sein de LFP Media, la filiale commerciale de la Ligue, et le salaire de Labrune. Ceux qui aujourd’hui critiquent ces orientations les avaient votées à l’unanimité lorsqu’elles leur avaient été présentées en conseil d’administration ou en assemblée générale…
Un siège flambant neuf mais très cher
À l’étroit dans ses locaux du 6 rue Léo Delibes dans le XVIe arrondissement de Paris, au point d’avoir dû en louer d’autres avenue Kléber, à deux pas, la LFP envisageait depuis plusieurs années de déménager. Elle a un temps prospecté dans l’est parisien, nettement mois cher, mais qui ne convenait pas à tous les dirigeants, avant de jeter son dévolu sur un immeuble de 3 561 m2, situé au 34-36 boulevard de Courcelles, dans le XVIIe arrondissement, en face du parc Monceau où les équipes ont emménagé début juin. Coût de l’acquisition : 120 M€. Avec les différents frais annexes (sans compter les travaux de rénovation), le montant de l’opération atteint les 131 M€ (soit 36 800 € du m2). Le même immeuble avait été acheté 73,1 M€ trois ans et demi auparavant.
Aujourd’hui, ils sont nombreux à se demander si c’était bien nécessaire et raisonnable. Chaque année, la LFP doit rembourser, dans le cadre d’un crédit-bail, 7,3 M€. Pour amortir cette dépense, la LFP perçoit le loyer (1,084 M€ hors taxe par an) du 6 rue Léo Delibes, loué à un cabinet d’avocats. Elle compte aussi générer de nouvelles recettes grâce à son nouveau siège en louant certains espaces à des entreprises et va aussi faire des économies en n’organisant plus ses séminaires avec les clubs (une quinzaine l’an dernier) hors de ses murs.
Près de 160 salariés
Dans le plan d’expansion du foot français, acté lors de la création de la société commerciale il y a deux ans, le développement marketing et commercial du football français a été érigé en priorité. La Liga a souvent été citée en exemple, notamment pour son internationalisation avec l’ouverture de bureaux un peu partout dans le monde. Pour cela, il lui a fallu beaucoup recruter.
C’est ce qu’a fait la Ligue ces deux dernières années en passant de 90 à près de 160 salariés, dont entre 80 et 85 au sein de sa filiale LFP Media en incluant la vingtaine d’employés de Mon petit gazon, un jeu de fantasy football racheté récemment. Les présidents ont commencé à critiquer ce grand nombre d’embauches et les salaires généreux souvent octroyés à des cadres seniors. Dans le contexte actuel, un gel des recrutements prévus est à l’étude et des CDD pourraient ne pas être renouvelés afin de réaliser des économies.
Labrune et son salaire
Pour ses détracteurs, le salaire du président de la Ligue est aujourd’hui le symbole du train de vie coûteux de l’instance. Encore une fois, cette rémunération a été validée par les dirigeants du football français qui ont cru, comme on leur répétait, que leurs droits télé allaient sensiblement augmenter grâce à l’apport de CVC. Le 15 octobre 2020, le conseil d’administration de la LFP lui octroyait un salaire de 30 000 euros brut mensuels sur quatorze mois, soit 420 000 annuels. Ses frais de déplacements, d’hôtellerie et de restauration étant à la charge de la LFP. Et il est prévu qu’en cas de départ, quel que soit le motif, il empoche, comme ses prédécesseurs, deux ans de salaire sur la base des douze derniers mois (bonus inclus).
Avec l’arrivée de CVC et les retombées espérées, l’ex-patron de l’OM voit sa rémunération portée à 1,2 M€ annuel avec un bonus de 3 M€ touché en deux fois. Une analyse des autres ligues européennes avait été réalisée à l’époque et démontrait que le nouveau salaire de Labrune était dans les standards bas de ses homologues européens. Devant la mission d’information du Sénat qui enquête actuellement sur les fonds d’investissement dans le foot, Labrune a assuré qu’en cas de départ, il ne voulait pas bénéficier, dans le calcul de ses indemnités, de sa prime exceptionnelle. Et a assuré qu’un prochain conseil d’administration allait formaliser cet engagement.
L'Equipe