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Auditions, chasse aux parrainages, têtes connues : en pleine tempête, une élection très politique à la LFP
Au 10 septembre prochain, à en écouter les personnes proches de la Ligue de football professionnel (LFP), il y a fort à parier que Vincent Labrune sera réélu pour un second mandat de président. Quatre ans jour pour jour après avoir succédé à Nathalie Boy de la Tour, l’ancien président de l’OM est pourtant tout sauf le leader incontesté d’un football français dont les finances toussotent, quatre ans après la crise du Covid et alors que les droits télé ont chuté.
Pourtant, on ne sent pas dans les rangs des dirigeants du football français l’urgence d’un changement. Une bonne chose, diront certains qui estiment que la continuité est la mère de toutes les vertus. Toujours est-il que depuis quelques jours, ceux qui estiment qu’il existe un autre chemin pour le football français se sont fait connaître. Depuis le lundi 19 août, les auditions pour les candidats indépendants au conseil d’administration (CA) de la LFP ont débuté. Trois sièges sont à pourvoir, contre cinq dans la précédente mandature.
« Vous pouvez auditionner, mais c’est fait »
Ce vendredi, deux nouveaux candidats déclarés passeront devant l’Union des acteurs du football (UAF), agrégation syndicale des professionnels de l’ensemble des acteurs du football français (joueurs, arbitres, médecins, administratifs…). Christophe Bouchet, l’ancien président de l’OM, et Gervais Martel, qui fut celui du RC Lens, se sont ajoutés à Vincent Labrune, Alain Guerrini, Stéphane Martin, Cyril Linette et Karl Olive. Ce dernier, dont la candidature est portée par la FFF, est quasiment assuré de conserver son siège.
Cela laisse peu de place pour les autres et, pour certains, peu de doutes. « Lundi, les auditions se déroulaient dans un climat qui consistait à dire : Vous pouvez auditionner, mais c’est fait, et les parrainages seront donnés à Labrune, Olive et Guerrini », nous souffle un proche du processus. Pour pouvoir candidater, les auditionnés doivent récolter un parrainage de l’UAF et un autre de Foot Unis, le syndicat des clubs professionnels, qui mènera ses auditions le 29 août.
Si l’un comme l’autre peuvent, en théorie, parrainer autant de candidats qu’ils le souhaitent, en pratique, c’est peu probable. L’UAF, en particulier, ayant un poids très limité face aux représentants des clubs au sein de l’Assemblée générale (AG) de la LFP, qui élit le conseil d’administration et le président. Le fait de ne parrainer qu’un candidat leur permet d’être assurés que « leur » poulain obtiendra un siège. « S’il y a plus de candidats que de postes à pourvoir, on risque bien d’avoir des recommandations qui ne servent à rien, puisque les clubs sont très majoritaires au sein de l’AG, explique Philippe Piat, le président de l’UNFP, le syndicat des joueurs. Il est probable qu’on trouve des accords avant le vote général. »
L’inquiétude de la « confiscation » d’une élection
Pour Piat, « aucun candidat ne se dégage » actuellement mais à l’entendre, la continuité n’est pas forcément une mauvaise chose. « Certains sont assez motivés mais ne savent pas forcément les difficultés une fois que tu es élu, poursuit-il. Il faut qu’ils maîtrisent le CA et ça, c’est une autre musique. Reconduire les sortants n’est pas bizarre. Lors de la dernière élection aussi, le but était de dire que les sortants, s’ils n’ont pas démérité, ont une priorité. »
Dans cette configuration, peu d’espace pour les candidats externes, qui veulent apporter un discours contradictoire. D’autant que Foot Unis, le syndicat des clubs professionnels de Ligue 1 et de Ligue 2, semble plutôt favorable au maintien en poste de Vincent Labrune, comme son président Laurent Nicollin s’en justifiait dans nos colonnes. Certains autour de l’élection craignent un « verrouillage total » du processus car parmi les trois noms plébiscités, un seul, Vincent Labrune, prétend au poste de président. Il serait automatiquement réélu si ce schéma se produisait.
L’appel à un « débat » pour le football français
Stéphane Martin, l’ancien président des Girondins de Bordeaux, est bien conscient de cet état de fait mais ne veut pas faire de procès d’intentions aux décideurs. « Peut-être qu’on aura des parrainages, une vraie campagne, espère-t-il. C’est clair que c’est un peu surprenant de ne pas vouloir au minimum ouvrir le débat. Une élection, c’est toujours l’occasion de faire ça. Il faut se poser la question de la gouvernance, même s’il n’y a jamais qu’un seul fautif et que ça n’aurait pas de sens de dire qu’on en est là uniquement à cause de Vincent Labrune. »
Cette absence d’un débat est une inquiétude partagée par d’autres candidats. « Grosso modo, on se dirige vers une absence totale de débat et l’absence totale de pouvoir, regrettait Christophe Bouchet dans les colonnes de L’Équipe. A priori, au moment où je vous parle, on ne va même pas pouvoir présenter un programme. » Un proche d’un autre candidat appuie : « Vu la situation actuelle du football français, est-ce qu’on peut se faire l’économie au moins d’un débat ? »
Ce mercredi, le collège des clubs de Ligue 2 a fait apparaître une première fissure dans l’édifice en se prononçant, à une majorité très courte, pour demander le report de l’élection, ce qui permettrait d’étaler le débat dans le temps et aux candidats s’opposant à la direction en place d’étayer leurs propositions. Mais l’idée divise, comme tout ce qui touche au football français ces derniers temps.
Le Parisien