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OM; "De Zerbi ? Avec plusieurs joueurs, c'est parti loin..."; Attendu à Marseille ces prochains jours pour y signer un contrat de trois ans, l'entraîneur italien, au-delà d'une philosophie de jeu chatoyante, a un caractère bien trempé. Mehdi Bourabia, son ancien joueur à Sassuolo, nous en parle.
Mehdi Bourabia (32 ans) connaît son Roberto De Zerbi sur le bout des doigts. En trois saisons et 68 apparitions sous ses ordres à Sassuolo (2018-21), période durant laquelle le tacticien s'est forgé une solide réputation sur la planète foot, l'international marocain a apprivoisé l'exigence et le tempérament volcanique "de cet entraîneur unique au monde". L'ancien Grenoblois lève le voile sur le futur coach de l'OM, qui va très prochainement signer un contrat de trois ans en Provence.
Roberto De Zerbi était annoncé à Manchester United ou au Bayern Munich. Êtes-vous surpris de le voir rejoindre l'OM ?
Oui et non. C'est un choix qui lui ressemble, parce qu'il ne raisonne pas toujours comme les autres. J'imagine que le projet proposé par les dirigeants marseillais l'a séduit. Mais je trouve que ça colle surtout sur le plan de la ferveur. L'atmosphère qui règne à Marseille a dû compter dans son choix. Il était en recherche de ça, après être passé à Sassuolo et Brighton, où l'environnement est plutôt calme. Roberto De Zerbi est un passionné, souvent dans l'excès. Il va se retrouver dans cette folie du Vélodrome. Le contexte marseillais a dû peser dans la balance. Il ne faut pas oublier, aussi, que c'est un fou de foot. Il suit toutes les rencontres, il se renseigne beaucoup sur l'histoire de ce sport. L'OM, même s'il est italien, ça lui parle forcément, ça représente quelque chose de fort.
Spontanément, quel souvenir gardez-vous de lui ?
Quand je pense à lui, je me rappelle quelqu'un de très ouvert, toujours dans la communication, qui ne laisse jamais tomber son groupe même s'il le manage parfois avec une certaine poigne. C'est un homme entier, qui a une connaissance et une culture impressionnantes. Ça force le respect et ça tire tout le monde derrière lui. En plus, c'est quelqu'un qui fait très bien jouer ses équipes. Quelqu'un d'assez spécial, très, très exigeant dans le travail. Ça peut provoquer quelques frictions, tendre certains joueurs, mais c'est pour le bien de tous.
Apparemment, il a mis un peu d'eau dans son vin en Angleterre, il serait moins impulsif dans l'intimité du vestiaire, aux entraînements. Mais à Sassuolo, il ne te lâchait pas d'une semelle pour tirer le meilleur de toi. La chose qui n'a pas dû changer, par contre, c'est sa passion.
Les Marseillais doivent s'attendre à quelques prises de bec ?
Avec plusieurs joueurs, c'est parti loin... C'est quelqu'un qui vous pousse dans vos retranchements. Avec lui c'est tout ou rien. Quand il sent que quelqu'un à du potentiel, il va être encore plus exigeant pour l'amener au-delà de ses limites. Il y a des avantages et des inconvénients. On peut le trouver excessif, lui en vouloir par moments, mais on ne pourra jamais dire que ce n'est pas quelqu'un d'entier, d'honnête et qui veut le meilleur pour l'équipe et te faire progresser.
Avec De Zerbi, c'est une anecdote par jour. À l'entraînement, par exemple, si un joueur ne comprend pas ce qu'il veut ou s'il estime qu'il ne donne pas tout, il ne va pas passer par quatre chemins : "Allez, prends tes affaires, rentre au vestiaire, et reviens demain quand tu seras dans de meilleures dispositions". C'est une scène fréquente avec lui.
Dans quelle mesure avez-vous progressé sous ses ordres ?
Il a une vision unique du football, on apprend forcément à ses côtés. Il vous transmet sa passion. C'est un coach différent qui veut marquer ce sport de son empreinte. Il va aussi, individuellement, essayer de t'apporter quelque chose en plus. Ça peut être une consigne collective, ou un conseil sur la façon de te comporter avec ou sans ballon. Un truc dont tu n'avais jamais entendu parler avant, et que tu ne reverras jamais ensuite. En général, les joueurs qui passent sous ses ordres développent une certaine sensibilité, une meilleure compréhension du jeu.
Certains observateurs disent que le jeu qu'il impose est très exigeant physiquement. Est-ce le cas ?
C'est quelqu'un qui cherche à jouer de la première à la dernière minute, il ne veut voir personne relâcher ses efforts, même si tu mènes de 4 buts dans le temps additionnel. Même quand l'équipe est sous pression, ou quand elle va rencontrer un adversaire bien plus fort sur le papier. Ses équipes doivent toujours être protagonistes. Ça va coller à merveille avec l'esprit de Marseille. Il peut faire passer un palier au club tout en régalant les supporters. Forcément, cela demande beaucoup de débauche d'énergie et une grande prise de risque. Parfois, ça peut jouer des tours à ses équipes. Mais, au global, la balance penche largement du côté positif.
Une fois que l'équipe commence à s'adapter à ses demandes et comprend ce qu'il veut, tu prends tellement de plaisir sur le terrain que tu ne comptes plus tes efforts. C'est plus facile de courir quand c'est pour toucher le ballon et bien jouer au foot.
Arrive-t-il à poser rapidement sa patte sur l'équipe ?
Quand il arrive à Sassuolo en 2018, on part d'une feuille blanche pour mener le nouveau projet du club. J'étais arrivé en même temps que lui, au début de l'été. On a énormément travaillé pendant la trêve. Dès les premières semaines, tu remarquais quelque chose de différent sur le terrain. Sa pensée est claire, tu vois vite où il veut en venir. Après, c'est tellement élaboré, exigeant... Pour que ce soit parfait, ça va prendre un peu plus de temps. Mais dès le début, vous allez noter un changement drastique dans le jeu de l'OM.
Est-ce que sa méthode et son discours s'essoufflent au fil des saisons ?
Je n'ai jamais senti de lassitude. Une fois qu'on avait compris ce qu'il demandait et qu'on avait digéré ses principes de jeu, on pouvait jouer les yeux fermés. C'est plutôt rare dans une carrière. Et c'est tellement plaisant quand ça arrive. Physiquement, c'est plus difficile de juger parce qu'on ne disputait que le championnat à Sassuolo. On avait toute la semaine pour souffler et récupérer. Et on en avait bien besoin (rires). Il est plutôt du style à s'appuyer sur un noyau de joueurs, qu'il va aligner tous les week-ends, tout en faisant quelques retouches à la marge pour concerner le reste de l'effectif, faire souffler ceux qui sont fatigués.
La Provence