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Grégoire Defrel raconte Roberto De Zerbi, sur le point de signer à l'OM : « C'est avec lui que j'ai joué le meilleur football »
De 2019 à 2021, l'attaquant français Grégoire Defrel a passé deux saisons à Sassuolo sous les ordres de Roberto De Zerbi, il raconte les méthodes du probable futur entraîneur de l'OM.
Valentin Pauluzzi Milan (ITA) – « Je suis vraiment content pour lui, pour les Marseillais, et pour la France. » Tout juste rentré de lune de miel, Grégoire Defrel (33 ans) a volontiers décroché le téléphone pour brosser un portrait complet de Roberto De Zerbi. Le Français l’a côtoyé à Sassuolo, club grâce auquel l’entraîneur italien, sur le point de signer à l’OM, a émergé et que l’attaquant tricolore vient de quitter après sept saisons.
« Quels souvenirs conservez-vous de ses séances d’entraînement ? Quand il entre sur le terrain, c’est un autre homme, très sévère, qui s’énerve et crie beaucoup. Je retiens les exercices pour les sorties de balle. Ça pouvait durer une heure. Tant qu’il n’obtenait pas ce qu’il voulait, on ne sortait pas du terrain, il hurlait : “Vous n’allez pas rentrer chez vous ! ” Il y avait même parfois des insultes, mais ça restait dans le cadre du foot évidemment, et puis quand le dimanche arrive, que tu t’amuses, que ça joue, tu te dis que ça vaut le coup.
Est-ce difficile de se mettre au diapason ? C’est avec ce coach que j’ai vu le plus de joueurs saturer, mais c’est aussi avec lui que j’ai joué le meilleur football. Il a son ego, ça pouvait vite monter en bagarre, mais ensuite il convoquait dans son bureau, essayait de comprendre et d’arranger le truc. De toute façon, tant qu’on le lui rendait en match, tout allait. Et en dehors du terrain, c’est un super bonhomme.
“Il nous a passé des savons après avoir gagné des matches sans jouer comme il le voulait
Il y a quelques années, Guillaume Gigliotti, qui a eu De Zerbi en début de carrière à Foggia en Serie C, nous racontait qu’il projetait des séquences du Bayern de Pep Guardiola… Ça, on n’y a pas eu le droit, mais il nous lançait souvent : “J’espère que vous avez vu le match de City. ” C’est un disciple de Pep, il voulait qu’on observe ses sorties de balle et nous conseillait de regarder les grands matches en général. De Zerbi ne voulait pas qu’on dégage le ballon, lui, c’est vraiment le jeu au sol. Il disait qu’il bandait quand une action partait du gardien et qu’elle arrivait proprement dans la surface adverse après cinquante passes. Pour lui, c’était un orgasme.
Il ne conçoit pas la victoire sans la manière ? Bien sûr ! Il nous a passé des savons après avoir gagné des matches sans jouer comme il le voulait, ça a créé des frictions avec des joueurs, certains en avaient marre. Le lendemain, c’était double ration d’entraînement, il fallait tout refaire, et le dimanche suivant, on gagnait mais avec la manière, alors on se disait “put..., ça paie !”
Comment étaient ses causeries ? Je me souviens de deux en particulier. Il y avait eu celle après le lancement de la Superligue (en avril 2021), il nous en avait parlé pendant une heure, hurlait que le football ce n’était pas ça, et on a gagné dans la foulée chez l’AC Milan qui faisait partie des clubs fondateurs. Il y a eu aussi celle après la mort de Maradona (en novembre 2020) dont il nous avait parlé avec émotion. Il était très touché, ça nous avait fait quelque chose. Son choix de signer à l’OM va dans ce sens. Il est allé là où il y a de la ferveur. Quand on jouait dans des grosses ambiances, c’était comme s’il était sur le terrain. C’était un vrai sujet à Sassuolo où on n’avait pas de supporters, c’est donc lui qui maintenait l’intensité, il disait : “On n’aura rien ici, il n’y a pas d’ambiance. Si vous ne mettez pas un supplément d’âme, on fera une saison de merde. ”
Giovanni Rossi, qui vient de quitter son poste de directeur sportif à Sassuolo, devrait le rejoindre à l’OM. Quelle était leur relation ? Depuis le vestiaire, on les entendait souvent se crier dessus tous les deux, le coach poussait des gueulantes dans son bureau quand il n’avait pas ce qu’il voulait, idem avec les jardiniers d’ailleurs, mais tout était oublié avec une belle victoire.
De Zerbi a-t-il laissé un héritage après son départ ? Oui, la saison suivante, on jouait encore les yeux fermés. Ensuite, l’équipe a commencé à changer, et ç’a été le début de la dégringolade, jusqu’à la relégation. »
L'Equipe