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BENFICA-OM; "J'ai la conscience tranquille"; Vata, l'auteur de la main du diable en 1990, revient sur cette demi-finale entre les deux équipes et son but qui fait toujours tant parler. Sans jamais dévier de la version livrée depuis 34 ans.
Samedi dernier, il est 23h30 à Melbourne. Au bout du fil, Vata Matanu Garcia, funestement connu de tous sous le simple nom de Vata, n'a pas envie d'aller se coucher. Il sait que son nom tourmente encore bien des nuits marseillaises. Cela fait 34 ans que ça dure et la plaie n'est toujours pas refermée pour bien des amoureux de l'OM, même si la victoire du 26 mai 1993 leur a permis de se consoler, trois ans après ce 18 avril 1990 de triste mémoire où Benfica a éliminé l'OM en demi-finale de la coupe des clubs champions. Pour eux comme pour les acteurs de l'époque, Vata est un diable, coupable d'avoir marqué de la main le but de la qualification. Âgé de 63 ans, l'ancien attaquant angolais sait tout ça. Après plusieurs années à Bali puis en Angola, il est revenu en Australie pour être au plus près de ses enfants et ses petits-enfants. Il a délaissé le métier d'entraîneur pour s'occuper d'eux, "rester à la maison comme père et mère.
Les mener à l'école, faire à manger, explique-t-il dans un excellent français hérité d'une enfance passée à Kinshasa, en RD Congo, une ancienne colonie belge. Je passe mon temps avec eux, on habite ensemble."
Et le football dans tout ça ? "Je vois tous les matches qui m'intéressent sur Youtube : ceux du championnat portugais, français, d'autres pays européens... Presque de partout si j'ai le temps. Je regarde beaucoup Benfica et les équipes où j'ai évolué. J'ai des amis qui ont des enfants qui évoluent en France. Je connais la mère de Jérémie Bela (Clermont Foot), elle me parlait beaucoup de lui et j'ai donc regardé ses matches."
Mais ce n'est pas pour parler des joueurs d'origine angolaise que compte la Ligue 1 que nous l'avons contacté à l'autre bout du monde. Son nom est gravé à jamais dans l'histoire de l'OM. Un parfum de vol mâtiné de scandale enveloppe toujours son but inscrit à la 83e minute de la manche retour entre Benfica et l'OM. "La vie et nos actes nous rattrapent toujours. Il y a des choses qui restent, des choses qui passent et reviennent", philosophe-t-il. Vata se souvient de tout. Même des rencontres auxquelles il n'a pas pris part à l'image de la première manche entre les deux clubs. Sven Goran Eriksson, alors à la tête des Aigles, avait un plan précis. "Pour l'aller, l'entraîneur m'avait dit qu'il n'avait pas besoin de moi, et qu'il aurait seulement besoin de moi à Lisbonne pour le retour. Je ne pouvais rien faire, j'attendais à la maison", rembobine-t-il.
Deux semaines plus tard, une odeur de soufre se dégage du stade de la Luz pour la demi-finale retour. "Quand on est entré dans le stade de la Luz qui, à cette époque, était plus grand que maintenant (120 000 places contre 65 000 aujourd'hui), il fallait crier pour que la personne à côté de nous nous entende. J'en ai joué des matches dans ce stade, mais ce jour-là, il y avait vraiment beaucoup de personnes et énormément de bruit. Il faut avoir un grand coeur et la tête froide pour jouer dans cette atmosphère", insiste-t-il. Lui patiente sur le banc au coup d'envoi. Avant d'effectuer son entrée dans l'arène à la 53e minute en remplacement de Lima. Les deux équipes sont alors à égalité (0-0), l'OM tient son billet pour Vienne, théâtre de la finale. Jusqu'à cette 83e minute où le diable sort de sa boîte et se glisse dans la peau de Vata qui surprend Jean Castaneda d'une reprise peu académique. Les Olympiens hurlent vainement au scandale : l'Angolais a marqué de la main.
Vata jure l'inverse, la main sur le coeur. Une version qu'il propage depuis 34 ans maintenant et qu'il maintient coûte que coûte, sans jamais dévier de son discours initial même si, à chaud, il évoque un but de la poitrine, et aujourd'hui de l'épaule. "J'ai bavardé récemment avec (Éric) Di Meco pour une émission de RMC. Avant de bouger, il m'attrape, resitue-t-il comme s'il y était. Il est collé à moi, il me pousse. Je fais le premier mouvement, il me pousse ; puis je fais un deuxième mouvement comme je peux et je retourne derrière lui. Franchement, je vous dis la vérité, c'était tellement difficile sur le terrain. Comme je l'ai toujours dit, si j'avais mis la main, on l'aurait vue avec tous les ralentis : ma main est noire et on voit seulement le mouvement. Tout le monde dit que j'ai touché le ballon avec la main, mais on ne voit que le mouvement, pas le ballon. Quand le match s'est terminé, il y avait plein de télévisions qui m'ont demandé des explications. Je leur ai répondu : 'C'est à vous de juger, pas à moi'. On avait condamné l'arbitre, on a dit qu'il avait pris de l'argent... Là où on était, il y avait beaucoup de gens au milieu, il n'a rien vu depuis sa position. Il ne pouvait rien dire. Le ballon a pris de la vitesse. Si c'était avec la main, le ballon n'aurait pas pris autant de vitesse. Je respecte tout le monde et l'opinion de chacun. Je reste sur mes positions, j'ai la conscience tranquille. Cela fait 34 ans ! Pourquoi mentirais-je ? Personne ne peut me mettre en prison. Je suis tranquille à la maison en train de vous parler, pourquoi je devrais mentir ? Voilà la vérité. Je profite de vous avoir pour présenter mes condoléances à la famille de Bernard Tapie qui a révolutionné le football français. Ce jour-là, malgré les grands joueurs qu'il avait, il a compris qu'il devait réagir d'une autre façon. Certaines choses de la vie donnent des leçons et l'OM a gagné la coupe d'Europe plus tard."
Lui ne la remportera pas avec Benfica, battu en finale par l'AC Milan (0-1), un mois plus tard. Mais personne n'a oublié l'attaquant angolais, passé à la postérité pour de bien mauvaises raisons. "La première année à Benfica (1988-89), j'étais le meilleur buteur du championnat (16 buts) sans tirer un penalty et en passant du temps sur le banc, plastronne-t-il. Tout ça pour vous dire que les gens me connaissaient avant que je marque contre Marseille, même si ce but a augmenté ma notoriété. Avant la manche aller, on avait joué un match amical à Lisbonne dans le cadre du transfert de Carlos Mozer. On avait joué la nuit et gagné 1-0. C'est moi aussi qui avais marqué le but et cela n'avait pas donné beaucoup de maux de tête."
Le contexte n'avait rien à voir, évidemment, et ce galop amical est relégué aux oubliettes de l'histoire, quand le 18 avril 1990 demeure un souvenir vivace et douloureux. "Des gens me parlent toujours de ce match et de cette soirée, et ce jusqu'à aujourd'hui. Ce match a fait du bruit et continue à en faire. À ce moment-là, je pense que l'OM avait la meilleure équipe de France, avait une grande équipe et les meilleurs joueurs qui venaient de partout. Ils étaient confiants sur leurs chances d'aller en finale. Ils avaient gagné l'aller (2-1) et pensaient faire un match nul au retour, ce qui leur aurait suffi pour se qualifier. Des gens pensaient déjà à la finale, avaient acheté des billets et programmé des choses. À la dernière minute, tout était tombé à l'eau. Personne n'aime ça."
Trente-quatre ans plus tard, Vata se retrouve propulsé en pleine lumière avec ce nouveau duel entre Benfica et l'OM dont la première manche a lieu jeudi 11 avril avant le retour programmé une semaine plus tard au Vélodrome. Même à l'autre bout du monde, il va suivre cet affrontement avec attention. Selon lui, la manche aller va conditionner la suite. "Une chose est sûre, pose-t-il. Comme Benfica joue le premier match à la maison, il ne peut pas faire l'erreur de l'OM en 1990. Les Marseillais pouvaient gagner plus largement à l'aller que le 2-1 obtenu. À Lisbonne, c'est donc devenu plus compliqué. Je souhaite que Benfica fasse bien les choses à Lisbonne pour aller tranquille à Marseille car ce ne sera pas facile là-bas. La tension est déjà présente, avec l'interdiction de déplacement des supporters portugais à Marseille."
La Provence