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REPORTAGE; Bienvenue à Thionville; À l'approche du match de coupe de France, demain, à Metz, entre les amateurs de l'USTL et l'OM, "La Provence" est partie à la découverte de ce coin de France aux portes du Luxembourg.
Jusqu'alors, Thionville, niché dans le Nord Moselle entre Metz et le Luxembourg, vivait le rêve du foot des grandes affiches tourné vers la cité préfectorale et ses présences régulières en Ligue 1. Oui mais voilà, ce rêve s'apprête à devenir, le temps d'un match, une douce réalité pour les Thionvillois fous de ballon rond. Demain, l'US Thionville Lusitanos, club de National 3, 5e division française, qui évoluait il y a encore deux saisons en Régional 2, va remplir Saint-Symphorien, l'antre habituel des Grenats, face à l'OM.
Au départ de Thionville, deuxième ville de Moselle et troisième de Lorraine avec ses 42 900 habitants, quinze cars dépêchés par la mairie feront le court déplacement jusqu'à Metz. "C'est la fête pour tout un club et toute une ville, se réjouit François Ventrici, président de l'USTL, club qui compte 650 licenciés et dont 22 des 24 joueurs de l'équipe première sont de purs amateurs (les deux autres ont des contrats fédéraux). C'est la magie de la coupe de France. L'OM, c'est historique. Autant que ce soit le plus grand club de l'histoire du foot français, un gros calibre. On ne pouvait pas rêver mieux."
"La coupe de France,
c'est le moment des miracles"
Si les affichages de ce match sont discrets dans les rues de cette cité traversée par la Moselle, qui fut la résidence secondaire de Charlemagne et qui n'a plus que quelques reliques des remparts qui formaient le "couronné de Thionville" jusque dans les années 1960, les discussions de passionnés vont bon train ces derniers jours.
Hier matin, dès potron-minet, "Jeannot", patron de la boucherie-charcuterie Nosal, une affaire familiale "depuis 63 ans", vient de nous ramener le pâté. Dans le bar Marignan, au coeur du quartier des casernes, la convivialité est une affaire de tous les instants. Il y a Bernard, le "plus jeune à 78 ans", sourit-il avec malice, Madeleine, Jean-Paul dit "Paulo" qui passe un instant, un autre Jean-Paul (et son chien), Vincent (le fils du patron Richard) derrière le comptoir et le volubile Romain. "Un match comme ça, c'est incroyable", s'enflamme ce dernier, 35 ans au compteur. Ce maraîcher de Koenigsmacker, à quelques bornes de là aux portes du Luxembourg, pompier volontaire et amateur de "picon bière", est aussi organiste depuis l'âge de 14 ans. Après le café, il ira jouer de l'orgue à l'église pour deux enterrements. "Malheureusement, il y en a plus que des mariages..."
En attendant, il vibre déjà à l'idée de voir les joueurs de Thionville Lusitanos défier les Olympiens. "Comme beaucoup, je suis supporter de Metz et on voit Thionville de temps en temps à Guentrange (le nom du stade habituel du club)", précise-t-il. Madeleine, elle, découvre que Thionville a une équipe de foot et assure : "La coupe de France, c'est le moment des miracles".
Changement d'ambiance un peu plus loin, toujours rive gauche, celle du centre-ville, et un peu plus tard dans la matinée. Chez Oggi domani (traduisez "Aujourd'hui demain"), le verbe est chantant et la fibre foot plus enracinée. Salva (pour Salvatore) est un passionné de ballon rond, bercé par la grandeur de l'AC Milan. "Quand l'OM a gagné en 1993, je pleurais", souligne celui qui a le coeur rouge et noir. Ce natif de Calabre, 62 ans, réunit à son comptoir les Italiens ("mais pas que") de Thionville. Demain, il sera "pour (sa) ville de coeur". "C'est dommage que le match ne soit pas à Thionville ", regrette-t-il, approuvé par le reste de la squadra. Accoudé devant son café, Andrea, 73 ans, ressent du "plaisir" à l'idée de cette affiche. Il est arrivé en Moselle en 1975, a joué pour les Italiens de Saint-Nicolas-en-Forêt, puis a été arbitre. "Mon petit-fils de 9 ans va beaucoup au stade à Metz avec son autre grand-père", raconte ce supporter de la Juventus, dont le fils soutient l'AC Milan et le fameux petit-fils... l'Inter (en plus de Metz). "Quand on mange tous ensemble, mon petit-fils se vexe, puis mon fils... Moi ? Non, je dois avoir les épaules plus larges", sourit-il timidement sous sa moustache.
Autre moustachu mais pas des Pouilles, Barone, Calabrais de 85 ans, est "supporter de Metz et de Thionville pour les grandes occasions". Patron de bar, il fournissait les maillots à Thionville au début des années 1980 quand le club évoluait en D2. Bon pied bon oeil, celui qui marche 30 km tous les jours pour "se maintenir en forme" ira voir le match à Saint-François.
"Marseille, c'est un autre monde"
En début d'après-midi, nous poussons donc les portes de la brasserie qui porte, comme la boulangerie-pâtisserie en face, le nom de ce quartier plus excentré. Un grand maillot du FC Metz est accroché à l'un des murs, vestige de l'époque dorée de ce siège de supporters thionvillois du FCM. Il y en a toujours évidemment et ils sont intarissables sur la chose footballistique dans ce qu'ils qualifient affectueusement de "bistrot de quartier". Hier, Willy, toujours habillé aux couleurs de l'OM, n'était pas là, mais Xavier, 71 ans, Sylvain, 53 ans et dont l'épouse travaille au Luxembourg comme, en moyenne, un Thionvillois actif sur deux, et Michel, 66 ans, sont attablés à côté du patron de 52 ans, Rémi, "sans famille", pouffent-ils synchronisés. "Marseille, c'est un autre monde", lance l'un, "le tirage au sort a été magnifique", lui répond un autre en écho. Xavier l'assure : "Maintenant que je suis thionvillois, je suis thionvillois". Demain, ils seront une cinquantaine face aux écrans. "À demain", lance Sylvain en partant, comme une promesse d'un moment d'exception en approche pour les footeux de Thionville.
La Provence