Deiver Machado (Lens) : « Comme une renaissance, après tout ce que je venais de vivre »Le piston de Lens, Deiver Machado, revient sur son parcours, dont cette arrivée à Toulouse en L2, en 2020, alors qu'il était en échec en Belgique. Aujourd'hui, le Colombien est une valeur sûre de Ligue 1 à son poste et il marque des buts magnifiques.
Quand on a rejoint Deiver Machado dans le hall de la Gaillette, jeudi, le piston colombien pianotait sur son téléphone, lancé dans une partie endiablée de ludo, un lointain cousin du jeu des petits chevaux, avec plusieurs de ses coéquipiers, dont Facundo Medina. Ce dernier est venu quelques minutes plus tard lui dire de se dépêcher car les joueurs avaient une séance de yoga prévue dans la foulée.
En bref
Deiver Machado
29 ans (COL)
Latéral gauche.
5 sélections.
Taille : 1,72 m.
Poids : 70 kg.
2020 : après trois ans à La Gantoise (BEL), dont une saison en prêt à l'Atlético Nacional (COL) où il avait été formé, il signe, libre, à Toulouse.
2021 : il est transféré pour 1,8 M€ à Lens avec qui il sera vice-champion de France (2022-23).
Le buteur lensois des deux premières journées, avec notamment ce missile à Brest (2-3, le 13 août), a néanmoins pris le temps de nous raconter son parcours, de la très pluvieuse région du Choco - dans l'ouest de la Colombie - jusqu'à Lens, en passant par Medellin, la Belgique ou encore Toulouse. Parcours qui lui a valu de se révéler sur le tard, même si, à 29 ans, Deiver n'est pas non plus un dinosaure.
« Pouvez-vous nous parler de Tado, le village où vous avez grandi ?
C'était un peu difficile, je viens d'un village modeste, d'une région assez modeste, le département du Choco. C'est un peu la campagne, mais avec des gens bien, très humbles. Ensuite, nous avons déménagé à Pereira quand j'avais 12 ans, pour suivre mon papa, une ville plus grande (400 000 habitants) que j'aime beaucoup. Il y fait chaud et il pleut souvent. Là-bas, j'étudiais le matin, et l'après-midi, je m'entraînais. C'était comme ça jusqu'au baccalauréat, car mon père a voulu que je fasse des études avant de pouvoir me consacrer pleinement au foot. Mais après le collège, c'était football, football, football.
Vous n'avez rejoint un grand club qu'à 18 ans, l'Atlético Nacional.
Un de mes oncles a obtenu que je fasse un essai pour leurs équipes de jeunes. La première fois, ça n'a pas marché, l'équipe était déjà faite. Je suis revenu l'année suivante et, cette fois, ils m'ont accepté, en 2013. La chance que j'ai eue, c'est que l'Atlético jouait alors la Libertadores. L'équipe a voyagé au Brésil et, dans le même temps, il y avait un match de Championnat local, donc ils ont mis quelques jeunes pour compléter l'équipe. J'ai fait ainsi mes deux premiers matches. Ensuite, comme le club avait un accord avec l'Alianza Petrolera, ils m'y ont envoyé en 2014. C'est là-bas que j'ai vraiment commencé ma carrière pro. Cette année a été exceptionnelle car j'ai joué tout le temps et cela m'a permis de me faire connaître.
Vous n'avez rejoint un grand club qu'à 18 ans, l'Atlético Nacional.
Un de mes oncles a obtenu que je fasse un essai pour leurs équipes de jeunes. La première fois, ça n'a pas marché, l'équipe était déjà faite. Je suis revenu l'année suivante et, cette fois, ils m'ont accepté, en 2013. La chance que j'ai eue, c'est que l'Atlético jouait alors la Libertadores. L'équipe a voyagé au Brésil et, dans le même temps, il y avait un match de Championnat local, donc ils ont mis quelques jeunes pour compléter l'équipe. J'ai fait ainsi mes deux premiers matches. Ensuite, comme le club avait un accord avec l'Alianza Petrolera, ils m'y ont envoyé en 2014. C'est là-bas que j'ai vraiment commencé ma carrière pro. Cette année a été exceptionnelle car j'ai joué tout le temps et cela m'a permis de me faire connaître.
Et d'arriver à Bogota, chez les Millonarios...
C'était quelque chose d'impressionnant parce que je venais d'Alianza, où il n'y avait pas de pression. Alors qu'à Millonarios, le stade était plein à chaque match, c'est une équipe de la capitale, une équipe historique, c'est vraiment différent. Ça m'a impressionné mais j'ai toujours eu la mentalité de tout donner pour mes partenaires, pour le club. Montrer qu'ils avaient eu raison de me faire venir.
Et en 2017, à quoi a ressemblé votre grand saut vers l'Europe, à La Gantoise ?
La culture, les horaires, la nourriture, tout change. La première fois, ça impressionne. Au début, c'était difficile, notamment à cause de la langue. Il y avait juste un Serbe qui parlait espagnol (Stefan Mitrovic) et un Sénégalais qui avait vécu en Espagne (Mamadou Sylla). Ils m'ont énormément aidé. Mais l'entraîneur qui m'a fait venir (Hein Vanhaezebrouck) a vite été licencié à cause des mauvais résultats. Un autre est arrivé, avec d'autres idées. Je ne jouais plus vraiment, et on a commencé à envisager la possibilité que je retourne en Colombie, en 2018. Je suis rentré à Nacional, en prêt (2018-2019).
Ce retour à la case départ ne vous a-t-il pas paru étrange ?
C'était un peu étrange, c'est vrai. Mais en même temps, j'étais content de retrouver la ville, et puis ça reste un grand club, avec beaucoup d'histoire. Et ç'a été aussi un mal pour un bien, car c'est là-bas que j'ai été appelé en sélection pour la première fois. Donc j'ai profité de chaque moment où j'étais là-bas.
Ensuite, vous revenez en Belgique mais la situation ne s'améliore pas, en 2019-2020.
Je n'ai pas joué, des choses se sont passées, je préfère les garder pour moi. Je m'entraînais avec la réserve, je ne jouais pas avec les A, et même très peu avec la B. Ensuite est arrivé le Covid... Mais j'essaie toujours de prendre le bon dans chaque situation. Je pense que cela m'a servi pour prendre de la maturité, apprendre beaucoup de choses de la vie en général. Après cela, j'ai changé pas mal de choses, notamment d'agents.
Et puis a surgi l'opportunité d'arriver à Toulouse...
Ç'a été comme une renaissance, après tout ce que je venais de vivre. Quand je suis arrivé à Toulouse, ça m'a vraiment rappelé quand j'ai joué mon tout premier match avec Alianza. On m'a donné une opportunité et je voulais tout faire afin de pouvoir rester ici, en Europe. Ce furent neuf mois vraiment sympas. Patrice Garande avait beaucoup d'affection pour moi et je le lui rendais sur le terrain.
Vous étiez moins dans l'inconnu quand vous arrivez à Lens, en 2021...
Oui, car je parlais déjà un peu français. Au début, ça s'est bien passé mais j'ai ensuite connu une période délicate, car je me suis blessé au ménisque externe (novembre 2021, trois mois d'absence). C'était aussi difficile en raison du décès d'un membre de ma famille proche. Tout est arrivé en même temps et ce moment a été vraiment compliqué. Mais grâce à ma femme et au soutien de mes enfants, j'ai essayé de me concentrer sur ma convalescence. Et grâce à Dieu, aujourd'hui, nous sommes sur le bon chemin.
Tout a changé pour vous la saison dernière, au départ de Jonathan Clauss pour l'OM. Przemyslaw Frankowski est repassé côté droit et...
Je me suis dit : "Là, c'est ma chance !" Et j'en ai profité. Maintenant, je continue chaque jour de grandir comme personne et comme footballeur. De faire les choses du mieux possible.
Vous vous mettez en plus à marquer de sacrés buts...
C'est le travail, la confiance en soi, toujours avoir l'ambition de pouvoir marquer. Le missile face à (Marco) Bizot (à Brest) ? J'ai juste pensé à marquer, j'ai de la puissance et je pense que le but était joli. Un préféré ? Ils ont tous été particuliers, mais je dirais celui contre Nantes, à la maison, avec notre public (3-1, le 19 février). Pour l'ambiance, le moment que nous étions en train de vivre. Je le voyais comme une récompense de tout de ce que l'on faisait. En plus, du pied droit, c'est quelque chose d'extraordinaire, non ?
Avec l'arrivée de votre compatriote Oscar Cortés (transféré pour 4,5 M€ de Millonarios), il commence à y avoir une petite colonie sud-américaine à Lens (avec l'Argentin Medina et le Vénézuélien Wuilker Farinez)....
Oui, la communauté grandit. Et on se réunit, on va dîner, jouer au bowling, faire des activités. Il y a aussi Fac' (Medina) qui récupère parfois de la viande argentine et nous invite à manger. C'est le genre de choses qui fait que le groupe grandit. »