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Kolo Muani, la folle journée
L’attaquant de l’Eintracht Francfort, à l’issue d’un scénario surréaliste où Paris semblait avoir perdu espoir, s’est engagé hier soir avec le PSG. Moyennant quelque 90 M€. HUGO DELOM ET LOIC TANZI (avec D.D.)
C’est une histoire un peu folle, que seules les dernières journées de mercato peuvent nous réserver. Celle d’hier s’est terminée avec l’arrivée de Randal Kolo Muani pour un contrat de cinq ans. Le transfert du vice-champion du monde (24 ans), officialisé à 0 h 30, vient donner au mercato parisien une allure assez incroyable. Lucas Hernandez, Ousmane Dembélé, Manuel Ugarte, Milan Skriniar, Marco Asensio, Bradley Barcola, pour ne citer qu’eux, et donc Randal Kolo Muani. Le PSG, sans Lionel Messi ni Neymar, aura lancé une nouvelle ère. Une ère aux couleurs bleu blanc rouge où le nouvel entraîneur Luis Enrique pourra donc, dans les mois à venir, aligner une ligne d’attaque 100 % française : Mbappé, Kolo Muani, Dembélé.
Une offre qui fait mouche...
Une perspective peu envisageable il y a encore quelques jours, quelques heures même, où les fantômes des ratés Milan Skriniar ou Hakim Ziyech, lors du dernier mercato hivernal, hantaient la Factory, le siège du PSG… Car ce feuilleton Kolo Muani, commencé il y a plusieurs semaines, a été ponctué de clashes, de grève, de bluffs, de négociations parfois improbables avec, au cœur du scénario, un homme, celui qui a dit non à l’Eintracht Francfort, Hugo Ekitike. L’attaquant parisien a joué un rôle central dans ces 24 dernières heures du mercato parisien.
Pour retisser le fil de cette journée d’hier jusqu’à cette conclusion positive in extremis, il faut remonter à hier matin. Quand il se réveille dans son palace de la Côte d’Azur, au lendemain du tirage au sort de la Ligue des champions à Monaco, le président du PSG, Nasser al-Khelaïfi, apparu plutôt pessimiste la veille dans le dossier Kolo Muani, a retrouvé une forme d’énergie. Les heures passent, les négociations avec. Il est un peu moins de 13 heures et la nouvelle offre, très élevée, de Paris – 75 M€ + 15 M€ (bonus) – fait mouche dans le camp de Francfort. L’impassible et insondable Markus Krösche et sa direction valident le principe de ce deal. Dans l’esprit du directeur sportif et des décideurs allemands, la donne est cepedant claire : s’ils ne trouvent pas de successeur, le deal menant à « RKM » est caduc.
... avant de buter sur Ekitike
Et les Allemands, comme depuis plusieurs jours, ont une cible : Hugo Ekitike. L’attaquant parisien (21 ans), qui a été intégré à des offres de transfert pour Randal Kolo Muani ces derniers jours, n’est pas fermé à un départ. Sauf que lui comme son entourage ne veulent pas partir dans n’importe quelles conditions. Et surtout en ne perdant pas d’argent par rapport au copieux contrat du PSG, auquel il est lié jusqu’en 2027. Les discussions entre les deux parties sont nombreuses, souvent intenses. Alors que la piste menant à West Ham s’est éloignée depuis le milieu de semaine, Ekitike se verrait bien à Crystal Palace, dans un Championnat qu’il apprécie. Le club anglais fait de nouveau part de son intérêt très concret hier en milieu de journée, en ne proposant toutefois qu’un prêt avec option d’achat (de l’ordre de 30 M€ + 5 M€ en bonus). Une solution que Paris, soucieux de disposer de liquidités et conscient du rôle central potentiel d’Ekitike dans le deal Kolo Muani, repousse.
Les minutes filent. Nasser al-Khelaïfi achève son déjeuner dans un restaurant chic niçois. En Allemagne, les premières rumeurs autour de la fin du deal apparaissent. Ekitike valide le principe d’une arrivée en Allemagne mais les négociations bloquent encore sur des aspects contractuels et de commissions. Auprès de certains de ses proches, Dino Toppmöller, ne décolère pas. Si l’ancien Rémois ne vient pas, Francfort ne cédera pas Kolo Muani, confirme l’entraîneur du club allemand en privé.
Al-Khelaïfi se fâche...
De chaque côté, la tension monte. Depuis son domicile parisien, « RKM » qui, au-delà de sa grève avait assuré à certains de ses proches ne jamais vouloir reporter le maillot de l’Eintracht Francfort, n’a pas de mots assez durs pour qualifier la position du club allemand. « Je m’en fous, qu’il trouve une solution ! », lâche-t-il alors que l’hypothèse d’une impasse apparaît de plus en plus. La fin du mercato allemand (18 heures) approche. Les discussions entre le PSG et les agents d’Hugo Ekitike sont pour le moins houleuses.
Nasser al-Khelaïfi entre dans une colère froide à l’égard du camp Ekitike qui, dans l’esprit du président parisien, bloque toutes formes d’avancées. Dans l’entourage du jeune attaquant, c’est la stupéfaction. Le joueur ne comprend pas pourquoi le club de la capitale le montre du doigt et fait de lui un bouc émissaire. Surtout que l’intérêt de Francfort n’est, dans leur esprit, jamais apparu clairement. À 18 heures, Paris s’avoue presque vaincu. Le « deal ne se fera pas », lâche-t-on, dans les hautes sphères du club parisien.
... Kolo Muani insiste...
Dans l’entourage de Kolo Muani, même tonalité ou presque : « C’est mort. » Un pessimisme de courte durée. Car si Francfort assure, via ses dirigeants, que l’attaquant ne partira pas, Paris n’a pas dit son dernier mot. Mais les dirigeants parisiens savent désormais que leur dernière offre ne suffira pas et qu’ils vont devoir la gonfler ou la structurer différemment pour convaincre le club allemand. Face au fair-play financier, le PSG sait sa marge de manœuvre limitée. Paris explique détenir une offre de 40 M€ du Zénith Saint-Pétersbourg pour Ekitike. Sans que cette proposition ne parvienne au camp de l’ancien Rémois. En coulisses, Paris s’active encore pour tenter de boucler Randal Kolo Muani. Mais avec une méthode différente. Nasser al-Khelaïfi décroche son téléphone pour convaincre Peter Fischer, son homologue allemand. Les deux hommes, qui ont participé à de nombreuses réunions communes, se connaissent bien. La relation est beaucoup plus fluide que celle entre Luis Campos, le conseiller football du PSG, et Markus Krösche qui piétine depuis des semaines. Avec un jeu du chat et de la souris qui interroge sur les desseins réels de l’un et l’autre dans ce dossier.
La pression monte autour de Peter Fischer. Les messages Whatsapp de Randal Kolo Muani où il fait part de sa détermination à ne pas reporter le maillot de Francfort se multiplient.
... et Francfort cède
Même sans successeur, même sans Ekitike qui reste à Paris, Francfort n’a plus d’autre choix que de céder. Fischer avertit Al-Khelaïfi. Dans un appartement parisien, Randal Kolo Muani, entouré de sa famille, n’en finit plus de fêter ce bras de fer remporté. Pour lui, c’est le début d’une nouvelle ère. Le début d’une nouvelle vie.
L'Equipe