Tour de France des clubs : le PSG a entamé une révolution de premier planL'affaire Mbappé l'illustre de façon spectaculaire : souvent décrié pour sa faiblesse, le PSG entend devenir une institution forte. Une révolution pas dénuée de risques à court terme, un an après avoir tout fait pour prolonger son buteur.
Pas facile de suivre la trajectoire du PSG. Certains diront que cela fait partie de son charme mais, au-delà d'une capacité rare à se renouveler pour faire l'actualité, le club de la capitale est un objet assez complexe à définir. Douze ans après sa prise de pouvoir par le Qatar, voilà qu'il effectue cet été une nouvelle mue, mise en évidence par l'affaire Kylian Mbappé et par la porte grande ouverte à Neymar et Verratti.
Depuis plusieurs semaines, la direction a mis à l'écart son meilleur buteur (212 réalisations) parce qu'il refuse de prolonger son contrat, qui expire en juin prochain. Ce dernier a même été officiellement mis sur le marché. Une fermeté inattendue, justifiée par Nasser al-Khelaïfi au moment de la présentation de Luis Enrique, début juillet. « S'il ne veut pas signer, la porte est ouverte, c'est une certitude, assurait le président parisien. Cela vaut pour lui comme pour les autres. Aucun joueur n'est plus grand que le club. Personne n'est au-dessus du club, pas même moi. »
Au printemps 2022, la même direction n'avait pourtant pas ménagé ses efforts pour arracher, déjà, une prolongation de Mbappé. Au point de donner précisément le sentiment de le placer « au-dessus du club » en lui accordant une influence qui avait choqué même parmi les cadors du vestiaire.
Revenus XXL (6 millions d'euros mensuels bruts), changements dans l'organigramme (départ de Leonardo et arrivée de Luis Campos notamment), promesses de recrutement : le champion du monde 2018 était alors désigné comme « le centre du projet » et l'idée était de construire autour de lui pour de longues années. Un an plus tard, la volte-face aux allures de reniement est spectaculaire.
Messi, le premier avertissement
En réalité, le changement de braquet remonte à un peu plus loin, comme l'annonçait la sanction infligée à la surprise générale à Lionel Messi, début mai, pour son voyage non autorisé en Arabie saoudite.
Initié par le palais princier - agacé depuis des mois par l'attitude de Mbappé ou les blessures à répétition de Neymar - avec Al-Khelaïfi à la manoeuvre, ce virage a pu être mis en oeuvre une fois la Coupe du monde 2022 au Qatar passée. Comme il le voulait, Doha a profité de l'événement, fier de contempler « ses » stars dans les premiers rôles. Après quoi, la page pouvait être tournée.
Longtemps raillé pour sa faiblesse face aux cadors, qu'il devait surpayer pour les attirer, puis ne pas trop bousculer pour qu'ils restent, Paris entend revenir aux fondamentaux. Il y eut la république des joueurs, puis la politique des stars qui a provoqué par ricochet un déséquilibre structurel de l'effectif. Ces individualités ont permis au PSG de devenir une grande marque. L'objectif est à présent de devenir une grande équipe.
Un changement de paradigme assumé le mois dernier par Al-Khelaïfi. « On doit construire la base, ensuite les résultats suivront, expliquait le président en marge de la présentation de Luis Enrique. C'est ça la différence. Bien sûr qu'on est ambitieux, à 100 %, mais avec logique. On a tout le temps pour travailler. Il (Enrique) a le feu vert pour avoir le temps qu'il veut. Je me fiche des résultats, ce qui m'importe c'est la manière, je veux qu'il mette en place sa philosophie dans notre club. »
Moins de stars et plus de collectif
Une véritable révolution pour un actionnaire qui voulait à son arrivée en 2011 « gagner la Ligue des champions d'ici cinq ans ». Qui provoqua le départ de Carlo Ancelotti en 2013 en lui mettant la pression après une défaite à Reims. Qui a multiplié les changements de caps, d'entraîneurs, de projets, renvoyant l'image d'une navigation à vue et incertaine.
Aujourd'hui, Paris entend s'appuyer sur des joueurs moins glamours mais à la mentalité collective éprouvée. Avec un socle local symbolisé par le nouveau centre d'entraînement de Poissy (Yvelines). Une identité de jeu à dessiner. Un panorama nouveau, esquissé sur les cendres de la « MNM ». Fini les intouchables. Mbappé, Neymar, Verratti, le mot d'ordre est le même : vous voulez partir ? La porte est ouverte.
Une démarche qui jette un énorme flou sur les forces en présence au terme du mercato, le 1er septembre. Charge à Luis Enrique de relancer le navire, avec un effectif remanié en profondeur (départs de Messi, Sergio Ramos ; arrivées de Skriniar, Lucas Hernandez, Ugarte, Asensio, Gonçalo Ramos, en attendant Dembélé...), tout va être à rebâtir, l'animation, le plan de jeu, l'efficacité, l'âme de cette équipe. Sans garantie à court terme, comme l'a montré la campagne de préparation.
Le joueur à suivre : Ugarte, le milieu hors de prix
Si le PSG des Qatariens s'est souvent montré dispendieux sur le marché des transferts, jamais il n'avait investi autant sur un milieu de terrain défensif. Soixante millions d'euros sur l'international uruguayen (8 sélections) du Sporting Portugal, Manuel Ugarte, c'est trois fois plus que ce que Paris avait payé à Porto pour Danilo Pereira, deux fois plus que pour Idrissa Gueye en provenance d'Everton et treize millions d'euros de plus que ce qu'a coûté Leandro Paredes transféré du Zénith Saint-Pétersbourg.
Les attentes sur le rendement d'Ugarte seront donc importantes à un poste où Paris a toujours eu du mal à trouver un successeur à Thiago Motta. Et même s'il est jeune (22 ans), il devra vite répondre présent. Ses premières prestations sous le maillot du PSG ont dessiné quelques qualités évidentes, notamment au niveau de son positionnement et de sa lecture du jeu, mais Ugarte peine encore à tenir la distance sur la durée d'un match. C'est sur ce point qu'il devra convaincre que Paris a bien fait de miser autant sur lui.
L'avis de L'Équipe
Projet, entraîneur, effectif : le champion remet son titre en jeu dans un climat de renouveau crispé par le bras de fer avec Mbappé. Son issue aura une portée majeure sur le visage et les ambitions européennes de ce PSG, vu l'importance du buteur depuis six ans. Mais sur le papier, l'équipe parisienne reste au-dessus du lot en L1, même s'il faudra voir si la mayonnaise prend avec les préceptes de Luis Enrique et avec les recrues. La concurrence se renforce, et on n'oubliera pas que Lens est venu mourir à un petit point en juin.