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Contre la Superligue, la France serre les rangs
Comme il y a deux ans, les instances et les clubs français rejettent le projet de Superligue. Pour les principes et aussi avec le sentiment qu'un tel modèle les menacerait forcément.
Au printemps 2021, lors du putsch avorté des grands clubs contre le pouvoir de l'UEFA, la France a été la seule des grandes nations européennes, avec l'Allemagne, à refuser dès le départ de se lancer dans pareille aventure. Sollicité, Nasser al-Khelaïfi, le président du PSG, était resté ferme sur les appuis, comme Karl-Heinz Rummenigge, son collègue du Bayern Munich. Deux ans plus tard, le boss parisien est devenu président de l'ECA, la puissante association des clubs européens, et n'a pas changé d'attitude. « Tout cela fait tellement de bruit, pour être honnête, je ne comprends pas, estimait-il jeudi, lors d'une conférence de presse conjointe avec tout le gratin du football européen. Dans cette aventure, il y a deux clubs, peut-être trois. » Et pas un français.
La rumeur, peut-être entretenue par les promoteurs de la Superligue, prêtait un intérêt à l'OM pour le projet de la société A22. Mais Pablo Longoria, le président olympien, lui a vite tordu le cou. « C'est complètement faux, assure-t-il. Il n'y a pas une seule conservation sérieuse sur ce thème. C'est pour ça qu'on a présenté notre candidature à l'ECA, pour essayer de proposer des changements. Sur la question de la Superligue et l'OM, je tiens à nier complètement ». Avant d'être très sévère avec cette initiative : « Je considère qu'avoir trois ou quatre compétitions menées par autant d'organisateurs différents, c'est la catastrophe pour le football. Si c'est le cas, je vois un avenir difficile pour le monde du foot. Ce n'est pas le moment de la division ».
Sollicités, les représentants du propriétaire de l'OM, Frank McCourt, expliquent qu'il ne souhaite pas faire de commentaires pour le moment. Du côté de l'OL, un communiqué dans la soirée a rappelé le soutien « sans réserve » du club à l'ECA, l'UEFA et à la FIFA et « son attachement le plus fort à la solidarité, l'équité, la méritocratie et l'ouverture, seules garanties d'un sport juste et populaire ».
En France, pas un club n'a manifesté officiellement une curiosité pour la Superligue. Au contraire, à l'image encore de l'AS Monaco, qui a rappelé dans un communiqué « tout son attachement au principe de mérite sportif qui régit les compétitions de l'UEFA et du Championnat de France. L'AS Monaco continuera de travailler avec les clubs de Ligue 1 au sein de la Ligue de Football Professionnel, et les autres clubs à travers l'ECA afin de participer, de façon progressive et collective, au développement du football. »
La posture des clubs français cacherait un intérêt inavouable ? Philippe Diallo, le président de la FFF, est persuadé de leur sincérité : « Je ne crois pas qu'ils soient intéressés. Ils ont déjà eu l'occasion à plusieurs reprises de se prononcer. De manière très large, ils ont défendu un modèle qui allie excellence sportive et solidarité. Dans tous les clubs, quelle que soit leur taille, il y a une part de rêve à laquelle sont attachés les supporters. C'est cela que l'on doit préserver. Ou alors on basculera dans un système américanisé, où l'économie aura pris définitivement le pas sur le sport. La France est sur la position de principe qu'elle a toujours défendue : la préservation d'un modèle sportif européen fait de montées, de relégations, de solidarité financière, de protection des sélections nationales et des championnats domestiques. Désormais, ce n'est pas une question simplement juridique, mais politique au sens noble du terme : quel sport veut-on demain ? Notre modèle a fait de l'Europe le continent le plus puissant en matière de football. Il a fait ses preuves et a aussi suscité l'enthousiasme des fans. »
En soutien, Vincent Labrune, le président de la LFP, met lui aussi en avant, comme un étendard, « les principes de mérite sportif ». « Si le football est aujourd'hui le plus grand sport au niveau planétaire, c'est justement parce qu'il a su créer les bases de compétitions simples, claires et transparentes, poursuit-il. Rien ne saurait aller contre ce principe intangible qui est de pouvoir donner à chacun le droit de "rêver" et de pouvoir accéder au sommet de la pyramide sportive ».
La Ligue 1 protégée par la loi
Si A22 ou son équivalent avait l'idée - un peu saugrenue - de vouloir mettre sur pied son propre Championnat de France, il ne pourrait pas. La loi, et plus particulièrement le Code du sport, fixe en effet un cadre très précis, alors qu'au niveau européen, rien n'est prévu de tel. Aucune loi supranationale n'existe pour définir l'organisateur d'une compétition, ce qui place l'UEFA sous la menace d'une Superligue dissidente.
L'article L131-14 du Code du Sport indique clairement que « dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. L'octroi de la délégation est subordonné à la conclusion d'un contrat entre l'État, représenté par le ministre chargé des sports, et la fédération concernée, dont la durée est fixée par décret en Conseil d'État. » Et ce sont ces fédérations (article L131-15) qui « organisent les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux ».
Elles peuvent ensuite signer une convention avec une Ligue, comme le fait la FFF avec la LFP pour la Ligue 1 et la Ligue 2. En clair, toute tentative parallèle serait hors la loi. « L'État donne à la Fédération française le pouvoir d'organiser des épreuves sportives, résume Philippe Diallo, le président de la FFF. C'est notre mission première. La loi nous protège donc d'éventuelles volontés d'organiser des compétitions dissidentes ».