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Des effectifs bientôt plafonnés en Ligue 1 ?
Le 12 octobre, les clubs pros se prononceront sur une limitation des effectifs. La L1 aborde de façon hétérogène cette éventuelle mesure.
C'est une histoire de taille qui traîne en longueur. En négociation depuis des années sur le plafonnement des effectifs, les représentants des clubs et des joueurs se sont enfin accordés sur un texte qui sera soumis, le 12 octobre, au vote des membres de Foot Unis, le syndicat des clubs pros. « On n'a jamais trouvé de solution à travers le dialogue social (la commission paritaire), raconte le vice-président de l'UNFP, David Terrier. Alors, on a créé un groupe de travail spécifique pour aboutir à quelque chose de commun. C'est difficile car chaque club a sa stratégie et son fonctionnement. Certains sont très axés sur le trading. »
C'est notamment la stratégie de Reims, qui a misé sur le développement des jeunes et le business des transferts pour se développer et grandir. Le club champenois s'appuie sur un effectif restreint en L1 mais possède en sus un groupe Pro 2 mixant des produits de l'académie et de jeunes recrues étrangères. « Ça fonctionne très bien, poursuit l'ex-défenseur de Metz. C'est normal que ce club se dise : "Je ne veux pas sortir de ce modèle-là." Mais je pense que Reims peut très bien travailler avec 25 joueurs au lieu de 42 (*). »
L'éventuelle limite imposée serait, en effet, de 25 pros, une barre qui pourrait être rehaussée à 28 pour les équipes européennes (**) et qui ne tiendrait pas compte des éléments « de moins de 21 ans au 31 décembre qui ont été sous convention de formation dans les six derniers mois ». « D'après les statistiques des cinq grands Championnats, que ce soit à Manchester City ou à Metz, ce sont toujours les 16 mêmes joueurs qui ont 90 % du temps de jeu et les 25 mêmes qui ont 99,9 % du temps de jeu, justifie Terrier. Pourquoi en avoir 40 ou 50 ? Pour créer une économie parallèle. On ne dénonce pas le trading, on dit juste que c'est la cause : je forme des joueurs, je les prête à droite et à gauche et je les vends comme certains commencent à le faire en France. Du coup, ils ne jouent jamais en pro dans leur club. Il faut aussi donner la possibilité à toutes les équipes d'avoir accès à certains joueurs. Qu'un club de haut niveau doté de 40 contrats capte les plus gros talents, on peut le comprendre. En revanche, il faut laisser les choix numéros 2 ou 3 à la L2 par exemple. Le 28e ou le 33e au PSG ou à Lille sera peut-être la star de Rodez ou du Paris FC. »
Si une telle démonstration a de quoi séduire les pensionnaires de L2, certains clubs de l'élite tels que le PSG ou Toulouse seraient beaucoup moins sensibles aux arguments de l'UNFP, au point que le résultat du scrutin s'annonce incertain.
Un modèle adopté à Lens
En cas d'issue positive, un club comme Lorient, qui compte pour l'heure 40 joueurs sous contrat professionnel dont 5 moins de 21 ans, aurait trois ans pour s'ajuster à la nouvelle norme, qui deviendrait effective à partir de la saison 2026-2027. Mais d'autres écuries de L1 ne seraient pas gênées par cette réglementation si elle devait s'appliquer dès aujourd'hui, à l'image de Brest, Montpellier, Nice ou Metz.
« Je pense qu'on est pas mal à être déjà dans les clous, juge Pierre Dréossi, directeur du football chez les Grenats. Ce n'est pas une réduction ; ça empêche d'être excessifs. Il y a un premier règlement FIFA qui a limité le nombre de prêts au niveau international, tandis que ça existe déjà au niveau national. On constate la volonté d'être raisonnables. Cette règle, si elle voit le jour, arrivera logiquement après celles qui ont été faites, comme la liste A de 25 joueurs en Coupe d'Europe. »
À Lens, une plus grosse écurie justement engagée cette saison en Ligue des champions, ce plafonnement viendrait adouber les pratiques locales. « L'an passé, 15 joueurs ont cumulé 93 % des temps de jeu, justifie Franck Haise, le manager général artésien, qui aime s'appuyer sur un effectif restreint. Ça ne veut pas dire que du 16e au 22e on prend n'importe quel joueur, au contraire. Mais si vous voulez avoir 30 joueurs de champ top niveau, y en a toujours seulement 15 qui vont jouer. Vous faites quoi avec les 15 autres ? Vous allez juste créer de la frustration, de la déception. Et au quotidien, dans votre dynamique d'entraînement, votre dynamique de groupe, votre cohésion de groupe, ça va s'effriter. »
Haise poursuit : « Notre process fait qu'on s'entraîne souvent en structure d'équipe, 10 contre 10, avec souvent un joker, parfois deux. Pour garder cette façon de s'entraîner, si vous avez à chaque fois six joueurs sur le côté avec un préparateur physique ou un troisième adjoint, vous allez vite les perdre, eux aussi. Et puis, surtout, quand vous ferez tourner, vous perdrez la densité, l'intensité des séances. Et donc en fait, vous ne gagnez pas grand-chose, si ce n'est de se dire : "Si j'ai trois blessés au même poste, c'est bon, j'en ai un quatrième." »
Plutôt que la quantité, le technicien nordiste privilégie donc « une certaine polyvalence, des joueurs intelligents capables de s'adapter à différents postes. C'est notre façon de voir, ma façon de voir depuis un moment. S'il faut y mettre un cadre réglementaire, ce n'est pas de mon ressort. Le cadre, on se l'est mis nous-mêmes. » Un discours qui ravira la DTN, soucieuse à travers ce projet de sécuriser la formation à la française, tandis que l'UNFP aspire à réguler le marché et à protéger les droits des joueurs, les groupes pléthoriques favorisant les lofts.
Et si une augmentation du nombre de chômeurs est attendue dans un premier temps, le syndicat assume cette conséquence négative. « Le but n'est pas d'avoir 4 000 footballeurs, conclut Terrier. Le plus important pour nous est de conforter le statut du joueur. » Une ambition sans doute contradictoire avec les intérêts de certains clubs, mais aussi de certains footballeurs, qui s'accommodent des placards dorés.