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OM; Marcelino, ses 5 commandements; Le nouvel entraîneur olympien, fort de 20 ans d'expérience sur un banc professionnel, a des principes quasiment immuables qui lui ont permis de réussir dans presque tous ses clubs. Décryptage de la méthode Marcelino.
Après André Villas-Boas, Jorge Sampaoli et Igor Tudor, l'OM a misé pour la quatrième fois de suite sur un entraîneur étranger sans expérience en France. Marcelino, lui, n'avait jamais quitté son pays pour exercer, mais il laisse en Espagne une solide réputation. Décryptage de sa méthode et de ses résultats lors des 20 dernières années.
1En 4-4-2 tu joueras
"Le 4-4-2 est le premier commandement pour lui." Conrado Valle, responsable de la région de Valence pour le quotidien sportif AS, confirme l'évidence : Marcelino est l'homme d'un système, comme l'était Igor Tudor avant lui, loin des nombreuses stratégies concoctées dans le laboratoire de Jorge Sampaoli. "Il considère que changer de système quand on croit en celui-ci est un signe de faiblesse qui peut transmettre des doutes aux joueurs", poursuit le journaliste espagnol. "Avec le ballon, il voulait que l'on joue vite vers l'avant. C'est un entraîneur très vertical, avec des transitions très rapides, il ne veut pas la possession pour la possession, n'a pas envie de longues conservations. Le message c'était : 'Quand on a le ballon, on attaque'", décrypte Tomas Pina, trois saisons sous ses ordres à Villarreal et sixième joueur le plus utilisé dans la carrière de Marcelino.
Dans ce 4-4-2 à plat, les lignes défensives sont resserrées, les attaquants sont rapides et peuvent décrocher, même si l'idée est qu'il y ait toujours un avant-centre proche du but adverse. Tous les joueurs défendent et attaquent ensemble (ce qui est devenu une norme plus qu'une exception dans le foot moderne). "Dans le double pivot du milieu, il y en a un plus défensif, l'autre plus offensif, mais les deux doivent garantir l'équilibre, aider les défenseurs centraux et latéraux. Quand on avait le ballon il fallait chercher vite les attaquants", complète l'ex-milieu du Sous-marin jaune.
2L'alimentation et le poids tu contrôleras
C'est une autre constante, un élément qui revient naturellement dans toutes les discussions sur la méthode Marcelino : son contrôle de l'alimentation et du poids des joueurs. Une obsession ? "Il dira non, mais ça l'est", rit Conrado Valle. Avec le natif de Villaviciosa, très affûté à 57 ans, la pesée est quotidienne. Stéphane Pignol, aubagnais qui a fait toute sa carrière en Espagne et a côtoyé le nouvel entraîneur de l'OM à Saragosse, le remarquait dans notre édition de jeudi : "Lors de la pré-saison, un joueur était arrivé en stage avec un surpoids, il l'a mis au régime, il pesait ses repas et lui disait : 'Toi, tu ne manges que ça pendant quinze jours'".
Cela a pu générer des accrochages avec certains, comme Alvaro Negredo à Séville ou Simone Zaza à Valence. "Ça peut engendrer des tensions parce qu'il y a des amendes, des contrôles surprises, selon Tomas Pina. Il faut de grands pros pour supporter sa méthode, il réclame tellement d'engagement... Si un joueur n'est pas prêt à s'engager à 100%, il ne joue pas. Dans certains clubs, des joueurs se permettent parfois de manger moins bien, de s'entraîner plus tranquillement, de ne pas aller en salle. Avec lui, ça ne marche pas." Les Olympiens, plus professionnels qu'à une époque récente, sont prévenus.
3Tes joueurs tu convaincras
Denis Suarez (ex-Manchester City, Barcelone, Arsenal, Villarreal ou Séville) a beau avoir été coaché par Roberto Mancini, Unai Emery, Luis Enrique ou Ernesto Valverde, c'est Marcelino qui l'a le plus impressionné : "C'est le meilleur entraîneur que j'ai eu." Cédric Bakambu, Pignol ou Pina nous ont déclaré la même chose, Jérémy Perbet aussi, hier matin dans L'Équipe. Et si l'Asturien a également eu de sérieuses embrouilles (notamment Musacchio à Villarreal, ce qui avait fragilisé sa position), ses vestiaires ont souvent été conquis. "Il est proche des joueurs, mais il te dit les choses comme elles sont, il est direct, poursuit Tomas Pina. Certains peuvent se vexer et il peut y avoir des conflits. Mais il devient de plus en plus diplomate avec le temps, et il a toujours été respectueux. Tu es avec lui ou contre lui. Je suis devenu un joueur différent, j'ai appris avec lui presque tout ce que je sais du foot, de la tactique. Il est attentif au moindre détail, j'ai savouré tous ces moments avec lui."
Concernant son management, Marcelino apprécie "les effectifs assez restreints, de 20 à 22 éléments, faire tourner et participer tout le monde. Après, évidemment, quand les matches décisifs arrivent, certains joueurs ne sortent plus du 11", développe Pina. Ses idées sont bien ancrées en lui, sa gestion du vestiaire est stricte, mais le technicien qui a écumé toute l'Espagne ou presque sait aussi être ouvert.
"Lors de son premier stage avec Valence, à Évian, j'avais assisté à une scène révélatrice de qui est Marcelino, se souvient Conrado Valle. Il faisait travailler les corners défensifs, et dans son esprit, le marquage se fait en zone. Mais il avait demandé à Gabriel Paulista, Garay et aux autres s'ils se sentaient plus à l'aise ainsi ou en individuelle. Il ne voulait pas l'imposer mais les convaincre."
4Tes objectifs tu rempliras
En 20 ans de banc chez les professionnels, Marcelino n'a pas fait perdre de temps à ses clubs, hormis à Séville (2011-12), où il fut viré six mois après sa nomination et remplacé par... Michel. Vrai échec pour son premier grand club, il avait gagné le droit de s'asseoir sur le banc andalou après plusieurs exploits. S'il commence par deux saisons en deuxième division au Sporting Gijon, chez lui (2003-05), son passage au Recreativo Huelva (2005-07) fut de très haute facture, avec un titre de champion en D2 (le seul de son histoire), puis une 8e place en Liga (meilleur classement pour ce club, qui n'a disputé que cinq saisons dans l'élite). Cap sur Santander (2007-08), où Marcelino poursuit son ascension. Il obtient un 6e rang et qualifie le Racing en Ligue Europa, une première. Il y reviendra en cours d'exercice (2011) pour maintenir le club. À Saragosse (2008-09), il retrouve la Deuxième division. Nouvelle montée en Liga, avant de quitter le club dès la 14e journée en position de relégable. Après le couac sévillan, il a su rebondir à Villarreal (2013-16) avec encore une promotion en Première division, puis deux 6e et une 4e place. Il sera débarqué avant le barrage pour la Ligue des champions. "Il est tellement exigeant envers lui-même et envers toutes les strates du club, jusqu'au cuisinier, qu'il peut y avoir une usure. Je pense que c'est ce qui s'est passé à Villarreal après quatre saisons", confie Tomas Pina. Il goûtera à la C1 à Valence (deux 4e places entre 2018 et 2019, une victoire en finale de coupe du Roi contre le Barça), mais, en conflit avec le propriétaire du club, il s'en ira au courant du mois de septembre, comme avec le Yellow Submarine.
Enfin, à Bilbao (2021-22), il remporte la Supercoupe d'Espagne deux semaines après sa nomination en battant le Real Madrid puis le FC Barcelone, perd en finale de coupe face au grand rival, la Real Sociedad, et termine à des anonymes 10e et 8e places.
5Ta communication tu soigneras
Staffé comme jamais, Marcelino devrait venir à Marseille accompagné de plusieurs fidèles qui le suivent de clubs en clubs. Ça, c'est pour le terrain. Sur celui de la communication, il a aussi une équipe aux commandes sur internet et les réseaux sociaux. Son site officiel, CV officieux, vante son parcours et est régulièrement mis à jour au fur et à mesure des interventions publiques du coach. Celui qui baragouine un peu le français (il a suivi des cours au collège) prépare minutieusement, depuis plusieurs jours, la conférence de presse qu'il doit donner pour sa présentation.
Méconnu en France et par la majorité des supporters de l'OM, il a une excellente image en Espagne. "Il a une très bonne réputation chez nous, et sa carrière est un succès, témoigne Miguel Ángel Román, qui commente la Liga sur la chaîne DAZN. Pour tout le monde, il est clair que Marcelino est un grand entraîneur. C'est un recrutement intelligent pour Marseille. À part à Séville, où il n'a pas été aidé par le contexte, il a toujours tiré le maximum de ses joueurs et de ses effectifs." S'il y parvient encore en Provence, il ne sera pas très loin d'une nouvelle réussite.
La Provence