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Bloc défensif, pressing, jeu de transition : avec Marcelino, l'OM va changer de tactique
Après la révolution de l'été 2022 entre le football de Jorge Sampaoli et celui d'Igor Tudor, les joueurs de l'OM s'apprêtent à en subir une nouvelle avec Marcelino. Moins brutale, cependant.
« On a besoin d'un jeu offensif et des transitions rapides. Du piment dans le jeu. Je ne pense pas que l'on misera sur un système de marquage individuel car cela demande trop de concentration et d'implication physique. » Tout était là, le 5 juin dernier, lors de l'ultime conférence de presse de Pablo Longoria visant à récapituler l'exercice fraîchement bouclé.
Quelques jours plus tard et malgré certains obstacles inattendus, le président marseillais a décidé de confier le destin de l'OM à Marcelino Garcia Toral, un ami de longue date doté d'un profil synonyme de continuité mais qui soulève malgré tout certaines zones d'ombre.
Bloc et densité
Au cours des cinq saisons complètes dans l'élite qu'il a disputées à la tête de Villarreal, Valence et de l'Athletic Bilbao, Marcelino est toujours parvenu à glisser son équipe dans les quatre meilleures défenses de Liga. Particulièrement fidèle à son 4-4-2 qu'il ne renie pratiquement jamais (il l'a parfois troqué pour un 4-2-3-1 au milieu des années 2010) à l'instar de Tudor et de son 3-4-2-1, les formations dirigées par le technicien espagnol sont avant tout dictées par l'idée d'un bloc très compact.
Une approche qui implique une structure défensive très dense sur la longueur autant que sur la largeur, libérant ainsi des zones à un adversaire condamné à contourner plutôt qu'à perforer. L'objectif principal étant de forcer l'équipe adverse à jouer dans un couloir volontairement ouvert pour l'y enfermer grâce à des courses assidues à l'heure de coulisser, afin de fermer les solutions axiales et de profiter de la moindre opportunité à la récupération.
Le 4-4-2 de Bilbao. Les zones latérales sont volontairement abandonnées pour profiter d'un bloc serré et dont les lignes sont proches.
Organisation qui ne se déforme que très légèrement au moment de coulisser. Ici, Eden Hazard est géré par le deuxième milieu axial, qui défend habituellement en zone. Muniain a resserré à l'opposé quitte à laisser un espace dans son dos et Inaki Williams anticipe une potentielle passe en retrait. Ferland Mendy, enfermé dans la densité face à des joueurs orientés pour défendre l'axe, doit reculer.
Bien que la situation défensive préférentielle et la plus identifiée à Marcelino soit le résultat d'une position médiane, le bloc bas traduit lui aussi certaines mises en place précises. Deux lignes de quatre très proches à nouveau, des milieux excentrés totalement impliqués pour défendre le demi-espace et suivre les courses dans le dos de leur latéral, ainsi qu'un tandem offensif souvent déchargé afin de garder une menace à la récupération.
Les deux lignes de quatre sont très proches et très basses. Daniel Wass sort dans son couloir sur Jordi Alba et peut compter sur Carlos Soler derrière lui pour suivre son effort et venir lui offrir une égalité numérique.
Les deux lignes sont de nouveau visibles, comme le deux contre deux sur le côté. Néanmoins, cette fois, la faille est plus claire. Afin d'assurer la compacité du bloc et de défendre un éventuel ballon en retrait sur Modric, Muniain vient resserrer dans l'axe, ce qui offre le loisir à Hazard et Vazquez d'attaquer le second poteau, totalement libres.
Un pressing modéré
Élément central de son projet de jeu, le pressing d'Igor Tudor était continu, en individuel, et sans parachute de secours. À l'inverse, celui de Marcelino est momentané, en zone, et avec des couvertures. Une nouvelle approche qui confirme les dires de Pablo Longoria, mais qui nécessitera toutefois un certain temps d'adaptation pour les joueurs. Organisés en 4-1-3-2 pour presser, les hommes de Marcelino campent sur leur ligne directrice au moment de sortir, à savoir défendre l'axe pour forcer l'adversaire à jouer latéralement, puis fermer les portes.
Les deux attaquants orientent, les trois milieux coulissent et le numéro six couvre. Telle est l'organisation pour une équipe qui presse sur les sorties de balles courtes et autres conservations basses de l'adversaire, mais qui ne se démène pas particulièrement pour forcer ce type de séquence tant le bloc médian représente l'organisation la plus aisée (pour les espaces et les transitions qu'elle offre notamment).
C'est d'ailleurs précisément pour cette raison que, malgré une volonté certaine d'aller chercher haut par moments, les équipes de Marcelino ne sortent pas particulièrement du lot sur les statistiques visant à mesurer le pressing.
Le 4-1-3-2 haut en action. Les deux attaquants sortent sur les centraux pour orienter le pressing, les trois milieux défendent initialement l'axe avant de coulisser côté ballon et le milieu défensif se prépare à défendre leur dos.
Les attaques rapides au coeur du jeu avec ballon
Lors de toutes les saisons qu'il a menées à Villarreal, Valence et Bilbao, Marcelino a toujours affiché un taux de possession inférieur à 50 %. Une statistique qui démontre qu'il a confiance en son organisation défensive mais aussi qu'il croit en de relativement faibles temps de possession pour convertir. Lors de la saison 2017-2018, Valence avait ainsi terminé quatrième meilleure attaque de Liga avec 63 buts inscrits, malgré une possession moyenne de 48,6 % (la onzième du Championnat).
Afin d'exploiter au mieux les espaces libérés par le bloc médian-bas ou de profiter de la désorganisation adverse à la récupération suite à une pression haute, les équipes de Marcelino se projettent très rapidement. Au coeur de ces courses, deux éléments centraux : la disponibilité du milieu excentré ''intérieur'' (Soler à Valence et Muniain à Bilbao étaient plus libres que Guedes ou De Marcos à l'opposé), ainsi que la complémentarité entre les deux attaquants, en témoignent ses mots pour Onze Mondial en avril 2022 : « J'aime évoluer avec deux attaquants. Bien évidemment, je ne veux pas avoir deux profils identiques sur la pelouse. Il ne faut pas qu'ils soient parallèles mais proposent des aptitudes différentes. Cela offre plusieurs façons d'attaquer. »
Au Pays basque, Inaki Williams devait alors jouer dos au but, enchaîner les courses pour offrir une solution en profondeur ou faire reculer la ligne défensive adverse, afin d'offrir de l'espace à Raul Garcia, plus reculé, face au jeu et disponible entre les lignes. À noter que, si elles sont le plus souvent jouées au sol, les transitions peuvent parfois prendre de la hauteur.
(1/2) Comme semble le conseiller Wass, Garay va allonger vers ses joueurs offensifs afin de sauter la densité et les sept joueurs du Barça présents dans le camp de Valence...
(2/2) Gameiro, Rodrigo et Soler profitent alors d'un trois contre trois, lancés dans l'espace
Grâce à son appel, Williams fait reculer la ligne défensive du Real et offre un espace précieux à Garcia dans son dos.
Tandis que Villalibre se projette, Berenguer, milieu excentré libre, est disponible à l'intérieur pour une éventuelle remise.
Blocs bas, doutes et solutions
Las Palmas, Levante, Girone, Valladolid, Rayo Vallecano, Eibar, Osasuna, Majorque, Leganes, Cadix, Grenade, Gijon, La Corogne. Voici la liste des équipes, entre autres, qui sont parvenues à battre Marcelino lors de ses années valenciennes ou basques malgré un socle défensif solide. Le projet de jeu étant en grande partie tourné autour de l'idée de bloc, de pressing, d'orientation de l'adversaire et de projection à la récupération, tout semble plus difficile lorsque les équipes de l'Asturien doivent contrôler le jeu pour attaquer des espaces réduits. Un mal face aux blocs bas que l'OM, sixième équipe de Ligue 1 à domicile l'an passé, a parfois subi et que Tudor avait déjà souligné.
Néanmoins, les équipes de Marcelino disposent de certains mécanismes collectifs pour tenter de créer des décalages dans ce type de situation. Le plus évident étant celui qui vise à libérer un latéral via la position intérieure d'un milieu excentré, afin d'aspirer un adversaire et d'ouvrir le couloir. Point noir pour l'OM, l'effectif ne comporte, pour l'instant, aucun joueur de ce profil. Kaboré et Tavares sont repartis, Kolasinac n'est pas un latéral tranchant et Clauss est un piston, ce qui lui a d'ailleurs coûté sa place à la dernière Coupe du monde suite au retour à un système à quatre défenseurs de la part de Didier Deschamps.
De Marcos, milieu droit - poste qui pourrait devenir celui de Clauss ? - repique à l'intérieur pour aspirer Mendy et ouvrir le couloir à Capa, alors dans le viseur de Muniain.
Ici, Guedes aspire Semedo pour ouvrir le couloir à Gaya dans le dos de Sergi Roberto.
D'autres combinaisons sont toutefois possibles. Le milieu excentré libre peut décrocher entre les lignes, les défenseurs centraux peuvent conduire pour faire sortir un adversaire et trouver un milieu, la pression peut être absorbée pour ensuite jouer plus loin grâce au concept de troisième homme si cher en Espagne.
Bien que moins à l'aise dans ce type de configuration, les équipes de Marcelino ont des ressources. Reste à savoir s'il aura le matériel pour les transposer à Marseille. Payet peut assumer ce rôle d'excentré créatif, mais l'aspect défensif posera problème ; Malinovski aussi, mais il doit encore convaincre avec ballon ; Sanchez peut jouer le rôle de deuxième attaquant, mais difficile de savoir si Vitinha donnera satisfaction dans un rôle mobile et minutieux dans les courses...
Malgré son poste initial de milieu gauche, Muniain déserte son couloir pour offrir une solution entre les lignes à son relanceur. Grâce aux positions de Garcia et Berenguer qui empêchent les défenseurs adverses de sortir, il peut être touché.
Martinez, défenseur central, attaque l'espace avec ballon, ce qui ouvre une brèche vers Dani Garcia, qui peut ensuite servir l'appel en profondeur d'Inaki Williams.
(1/2) Nunez touche Vencedor qui subit la pression de Benzema et Kroos avant de retrouver son défenseur...
(2/2) Ce qui ouvre une porte vers Dani Garcia. La première pression est éliminée. C'est notamment pour offrir ce type de schéma que les deux milieux axiaux sont rarement sur la même ligne en possession.
Seul entraîneur de Liga, depuis Javier Irureta en 2002, à avoir remporté deux trophées nationaux (une Coupe du Roi avec Valence en 2019 et une Supercoupe avec Bilbao en 2021) sans avoir entraîné le FC Barcelone, le Real Madrid ou l'Atlético de Madrid, Marcelino est le garant d'une méthode claire qui a fait ses preuves de l'autre côté des Pyrénées.
Reste à savoir si celle-ci ne rencontrera pas certaines limites face à la posture dominante de l'OM en Ligue 1 et face à un effectif qu'il faudra adapter et compléter. Pour sa première aventure footballistique à l'étranger, le challenge de Marcelino est relevé.