Pour son premier entretien depuis son arrivée, Marcelino s’est confié, lors du stage en Allemagne, le temps d’une mi-temps, sur le club, ses ambitions, ses méthodes de jeu et de management, mais aussi le mercato et sa relation avec Pablo Longoria.
Il était exact au rendez-vous de 12h30 ce mardi, dans la salle de petit-déjeuner du complexe hôtelier de Rhénanie du Nord-Westphalie où l’OM séjourne depuis dix jours pour un stage qui se termine ce jeudi, avec un match amical contre le RKC Waalwijk (13h, sur la chaîne Twitch du club).
Marcelino est arrivé tout sourire, un sourire qui ne l’aura que rarement quitté durant les plus de 45 minutes d’entretien qu’il a accordé à La Provence dans une période où les heures filent à toute vitesse. "Depuis qu’on est arrivé à Marseille, on a eu très peu de temps libre. On étudie le français, on travaille, on s’adapte, il y a beaucoup d’entraînement, d’analyses… Une heure de plus par jour serait bien", plaisantait-il, regrettant de ne pas avoir le temps de sortir le vélo, son autre grande passion.
Mais, après plus d’un an sans travail ("une pause qui nous a servis à nous reposer et recharger les batteries"), nulle complainte dans les mots du technicien de 57 ans : il est ravi d’être revenu aux affaires dans un club qu’il apprend à connaître.
L’Asturien, solide réputation d’entraîneur en Espagne au gré d’expériences réussies (Villarreal, Valence et l’Athletic Bilbao pour les plus récentes), essaye d’inculquer ses méthodes le plus rapidement possible à un groupe qu’il découvre et qui le découvre petit à petit.
Marcelino s’est aussi lancé à corps perdu dans l’apprentissage de notre langue, et il distille déjà de courtes consignes en français à ses joueurs. "Je l’ai étudié quand j’étais petit mais ça fait plus de 40 ans que je ne le pratique pas. Je crois que c’est une question de respect, une obligation d’apprendre le français, communiquer dans cette langue avec les joueurs et tous les gens du club. J’essaye en tout cas, et j’espère pouvoir échanger en français avec les journalistes le plus vite possible", dit-il.
En attendant, il s’est confié en espagnol et a évoqué de nombreux sujets, de ses premiers pas à l’OM à son management, du mercato qui le satisfait à ses préceptes tactiques.
Ses premiers pas à l’OM, ses ambitions
Comment se sont déroulées vos trois premières semaines d’entraîneur de l’OM ?
Très bien, je suis encore en phase d’adaptation. Elle doit être rapide. J’apprends à connaître les footballeurs. Je tiens à remercier tous les gens de l’OM pour leur aide et la complète collaboration dont ils font preuve au quotidien. Je n’avais pas besoin de particulièrement étudier le club : l’OM est connu dans toute l’Europe pour ses titres, son niveau de compétitivité, son histoire, ses supporters, son stade… Quant à la connaissance de l’effectif, quand est née la possibilité de venir ici et la proposition du président, mon staff et moi avons fait une analyse obligatoire.
Avez-vous eu des surprises depuis votre arrivée ?
Il y en a toujours, ce n’est jamais pareil d’observer un joueur à la télé et le voir travailler au quotidien. Je leur suis très reconnaissant pour leur attitude, je suis aussi très satisfait de leur professionnalisme et de leur collaboration avec nous. Cela fait quelques semaines que l’on apprend à se connaître et que l’on s’adapte mutuellement.
Comment s’est déroulé votre recrutement, des premiers contacts avec les dirigeants jusqu’à la signature ?
Tout le monde sait qu’il y a une relation personnelle entre le président et moi. C’est comme ça. On a une idée footballistique commune. À partir de là, il a fallu analyser l’effectif, estimer les joueurs sur lesquels nous pourrions compter. Il savait comment nous souhaitions travailler et les profils que nous voulions dans cette équipe. Sur cette analyse, nous avons été rigoureux et sincères. Il y avait une difficulté : le style pratiqué, surtout concernant le marquage, qui sera différent avec nous (Tudor était partisan de l’individuelle, Marcelino de la zone, Ndlr). L’estimation était donc compliquée. En ce sens, notre observation quotidienne des joueurs avec en toile de fond nos idées nouvelles, surtout défensivement, nous sert énormément.
Dire oui à l’OM était-il une évidence ?
Pour nous, entraîner l’OM est un privilège. C’est un défi passionnant. On considère qu’il s’agit d’un grand d’Europe, son histoire le démontre. Voir à chaque match à domicile 65 000 âmes soutenant l’équipe démontre aussi la façon de vivre cette passion dans cette ville. On a la conviction que ça va bien se passer.
C’est votre première expérience hors d’Espagne. Découvrir un grand club européen était-il un rêve, un objectif ?
On avait l’intention d’entraîner à l’étranger, c’était nécessaire pour notre trajectoire professionnelle. Il y a trois ans, on avait commencé à se projeter hors du pays, mais la possibilité d’entraîner l’Athletic s’est présentée donc on a mis l’idée sur pause. On a beaucoup bourlingué en Espagne, dans des clubs importants. Il n’y avait pas beaucoup de nouveaux challenges dans lesquels se lancer.
Le premier objectif est dans moins de deux semaines, avec l’aller du 3e tour préliminaire de Ligue des champions (contre Dnipro ou le Panathinaïkos). Êtes-vous dans les temps pour performer ?
On aurait préféré ne pas être dans cette situation… Il faudra être bon durant ces deux tours, même si on pense uniquement au premier. Le désir du club, des supporters, du président, du staff, des joueurs et de tous les employés de l’OM est d’aller en phase de groupes. Ce ne sera pas facile car notre mission est de passer deux tours avec une équipe qui est en totale construction, mais on fera le maximum.
Durant votre conférence de presse de présentation, vous avez insisté sur vos résultats passés, "souvent meilleurs que les objectifs fixés". Quelle est votre ambition ici ?
C’est beaucoup plus facile de parler du passé que de futur (rires). Ce sport m’a enseigné que pour construire un bon futur il faut rester focalisé sur le présent. Toute notre attention est concentrée sur le fait de construire une équipe avec une idée de jeu propre, un effectif avec des footballeurs compatibles.
Hormis à Séville où ça s’est mal passé, vos expériences en Espagne ont été des succès. Avez-vous des doutes quant à votre réussite à Marseille ?
Si j’avais eu des doutes, je ne serais pas venu. Quand tu commences un nouveau projet avec des doutes, c’est le premier pas vers l’échec. Tu dois toujours être sûr de toi.
Savez-vous depuis quand l’OM n’a plus gagné de trophée ?
Je crois que c’est depuis 2011 ou 2012.
2012 oui. Onze ans, c’est très très long pour les supporters de l’OM. Votre mission n’est pas anodine.
Je pense au présent. Je ne suis pas l’entraîneur de l’OM depuis onze ans, je ne suis là que depuis trois semaines. Donc pour moi, l’OM n’a plus gagné de titre depuis trois semaines (rires). Ça ne m’obsède pas, j’aime la prudence, mais je suis conscient du travail et de l’effort nécessaires. Dans le foot, c’est très difficile de remporter des trophées. Très difficile. Il y a énormément d’équipes au départ des compétitions, très peu vont en finale. Le championnat, c’est compliqué, il faut y aller match après match. Et dans les coupes, il y en a seulement deux qui vont en finale. On est en août (l’interview a été réalisée le 25 juillet), on est heureux d’être là et on a énormément d’espoirs.
Le mercato, sa relation avec Pablo Longoria
Comment fonctionne votre trio avec Javier Ribalta et Pablo Longoria sur le mercato ?
Le plus important et le plus compliqué est de s’accorder sur les profils de joueurs, parce qu’il faut que tous soient complémentaires pour établir une idée de jeu. Ensuite, il y a des paramètres économiques qui entrent en compte. Tout le monde aimerait acheter des joueurs de 80 ou 100 millions d’euros mais le contexte économique de l’OM ne le permet pas.
Vous avez vu de près Aubameyang en Espagne, il avait même marqué contre l’Athletic Bilbao quand vous en étiez l’entraîneur. Que pensez-vous de ce joueur ?
C’est un joueur extraordinaire. Sa trajectoire le prouve. Il a un très haut niveau de professionnalisme. C’est un 9 qui va considérablement augmenter notre potentiel offensif. On a quatre recrues pour lesquelles je suis en accord total.
Que pensez-vous de Renan Lodi, Ismaïla Sarr et Geoffrey Kondogbia, les trois autres recrues ?
Kondogbia, on le connaissait depuis Valence, on a fait deux ans avec lui. C’est un footballeur extraordinaire, de très haut niveau, autant sur le plan professionnel que personnel. C’est un avantage qu’il connaisse nos méthodes, qu’il parle à la fois français et espagnol (rires). Il connaît notre idée du foot, il joue à un poste clé, et peut faire passer des messages aux autres joueurs, il m’aide beaucoup.
Renan, on le connaît bien, il a joué en Liga, en Ligue des champions, dans un club exigeant comme l’Atlético de Madrid. C’est un joueur, de par son expérience et ses capacités, qui va hausser le niveau sur le côté gauche.
Ismaïla va nous amener de la profondeur, des débordements… Il peut répéter les efforts sur son côté, il a un grand potentiel. Il l’a déjà démontré dans le championnat français donc son adaptation sera plus rapide. Je suis enchanté par son arrivée.
Avez-vous besoin d’un profil similaire à celui de Sarr à gauche ?
On a besoin d’un joueur à gauche, on cherche des solutions à ce poste. C’est évident qu’il nous faut des joueurs derrière et devant. On est dans ce processus. Il y a deux données : ces tours de Ligue des champions et le mercato qui se termine le 31 août. On va essayer d’être bons dès le 8 août et avoir un effectif suffisamment sérieux le 31 août pour toute la saison. Nous, on veut être compétitifs à tous les matches, on veut tous les gagner. Pour ça, il faut 18, 19, 20 joueurs de champ de très haut niveau. On est sur le bon chemin pour y parvenir. Il y a des joueurs qui sont là aujourd’hui qui pourraient nous quitter, et d’autres pourraient arriver. Dans la grande majorité des clubs européens, les effectifs évoluent jusqu’à la fin du mercato, ça sera notre cas.
Vous connaissez votre président depuis longtemps. Vous avez travaillé avec lui à Huelva, Santander et Valence, comment a-t-il évolué depuis votre rencontre ?
Je l’ai connu quand il avait 20 ans. Il avait une connaissance des footballeurs qui m’a bouleversée, une capacité d’adaptation qui m’a étonnée. On a cohabité tous les deux et on a noué une relation professionnelle et d’amitié. On a gardé cette relation humaine, puis on a ponctuellement retravaillé ensemble. Ça s’est extraordinairement bien passé, on espère que ça sera la même chose ici.
Vous avez quitté votre agent historique (Eugenio Botas, pour Manuel Garcia Quilon) quelques mois avant de signer à l’OM. Votre représentant avait aussi des liens avec Pablo Longoria. Pourquoi ce changement ?
Ce sont des choses qui arrivent, ma relation personnelle avec Eugenio est toujours la même, l’amitié est toujours là. On a pris cette décision ensemble et je lui serai toujours reconnaissant pour tout ce qu’il a fait pour moi.
Sa méthode, son management, le jeu
En interrogeant de nombreuses personnes vous ayant connu, le premier mot qui ressort pour vous décrire est : "exigence".
(Rires) L’exigence amène la progression, la détente amène le confort. On a une profession magnifique. La majorité des footballeurs et l’immense majorité des entraîneurs la pratiquent par vocation. Mais il faut répondre aux attentes de beaucoup de gens qui désirent nous voir travailler, faire des efforts, être compétitifs et gagner. Pour ça, l’exigence, la rigueur, l’humilité, la camaraderie sont indispensables et enrichissent une équipe. Chaque footballeur doit avoir ces valeurs. Nous, entraîneurs, sommes là pour les aider et les convaincre que c’est le bon chemin pour atteindre le plus grand objectif possible.
D’autres personnes sont très exigeantes : les supporters de l’OM. Il y a beaucoup de pression ici, les trois derniers entraîneurs ont démissionné. Comment appréhendez-vous cette pression ?
Nous avons signé un contrat ici pour réussir. La pression est nécessaire dans le foot, ce n’est pas préoccupant mais motivant pour moi. Notre intention est de suivre le bon chemin pas à pas, bien travailler durant la pré-saison, profiter du mercato pour construire une grande équipe. Puis, quand commencera la compétition, l’idée sera de gagner chaque match. Je crois que c’est cette mentalité que les supporters exigent de nous.
On a beaucoup évoqué votre "amour" pour le 4-4-2. Pour cette saison, vous semblez vous diriger plutôt vers un 4-2-3-1.
Ça va plutôt pencher entre un 4-2-3-1 et un 4-3-3. On fera une évaluation plus précise quand on aura l’effectif définitif. Mais le plus important est le profil des joueurs. Mes équipes n’ont jamais joué avec deux attaquants parallèles, ils ont toujours eu des profils et des caractéristiques différents, par exemple un plus rapide et dynamique, l’autre plutôt une pointe. Sur les côtés c’est pareil, ça dépend aussi de comment le milieu est façonné, on verra ce qui est le mieux. Ce qui est clair c’est que l’on doit créer des associations, trouver la profondeur, et être efficace à la finition.
Vous aimez le foot de transition, la vitesse, les attaques rapides… En Ligue 1, beaucoup d’équipes ne laissent presque aucun espace et évoluent très bas.
En 90 minutes, il y a un temps pour contre-attaquer, pour attaquer contre des blocs hauts, médians ou bas. On devra offrir des réponses à toutes les situations possibles. Si nous sommes capables de faire une bonne lecture du jeu, nous aurons des possibilités de transition. Mais il est vrai qu’il y aura des matches où l’on devra d’abord très bien attaquer pour mener à la marque. C’est important d’être devant au tableau d’affichage car ça te rend les choses plus simples. On doit avoir cette ambition à chaque match.
À quoi voulez-vous que ressemble votre équipe sur le plan tactique ?
Elle doit être organisée. L’organisation permet l’équilibre, l’équilibre permet de remporter de nombreuses victoires. À partir de là, en fonction de nos joueurs, on tentera de profiter de leurs qualités. On sait que notre public veut que l’on attaque, que l’on harcèle le but adverse, que l’on fasse des transitions rapides, qu’il y ait de l’intensité, du dynamisme. C’est ce que l’on veut proposer. Une des raisons de notre venue à l’OM est la similitude entre ce que demande le public et notre idée de jeu.
L’un de vos matches les plus emblématiques est la finale de coupe d’Espagne gagnée par Valence contre Barcelone, où la défense du Barça est détruite à plusieurs reprises en deux ou trois passes de votre équipe. Que l’OM soit capable de faire ça contre n’importe quel club est-il l’un de vos objectifs ?
On tentera de faire circuler le ballon et de bien combiner pour trouver des espaces vers l’avant et finaliser les actions. C’est assez logique mais plus tu es capable de te procurer d’occasions, plus tu as de chances de gagner. C’est la même chose si l’adversaire ne réussit pas à s’en créer. C’est cet équilibre que l’on doit chercher, que l’on doit trouver.
C’est un raisonnement mathématique. Vous raisonnez de la même manière avec votre système en 4-4-2 ou 4-2-3-1, parmi les schémas qui couvrent le mieux toutes les zones du terrain ?
(Sourire) Pour moi il n’y a aucun système parfait, chacun a ses points forts et faibles. Notre mission est que nos points faibles ne soient pas vus par les adversaires, et si c’est le cas, les corriger ; et l’on doit profiter des points faibles du rival. C’est très difficile. En jouant en 4-4-2 ou en 4-2-3-1, je sais parfaitement comment j’attaquerais ce système si j’étais mon propre adversaire. Mais il y a beaucoup de facteurs hors système qui font le résultat : la forme de ton équipe, le niveau en face… Et à la fin, il y a l’adresse, les petits détails, qui définissent le sort d’un match.
Concernant le management, il semble que vous êtes assez proche de vos joueurs. Quelles sont vos méthodes dans ce domaine ?
Je crois au respect des personnes et aux relations humaines basées sur le dialogue et la sincérité. Quand on a un dialogue sincère, les gens donnent le meilleur d’eux-mêmes. C’est très difficile, pour ne pas dire impossible, de ne pas être d’accord avec moi après une discussion sincère. C’est ce que je recherche.
Et concernant la rotation de l’effectif, êtes-vous partisan d’un turn-over ?
Pour moi, il n’y a ni titulaires ni remplaçants. J’essaie d’être le même avec tous, tant au niveau humain que professionnel. C’est une malédiction mais une obligation en tant qu’entraîneur : il faut décider qui joue et qui ne le fait pas. Heureusement que l’on peut inscrire neuf joueurs sur le banc, mais on reste obligé de les discriminer. Dans le reste de la vie d’entraîneur, j’ai le devoir de ne faire aucune différence entre tous. Si l’un d’entre eux considère que je ne compte pas sur lui, je serai suffisamment sincère pour lui dire la vérité et éviter une détérioration de notre relation.
Un de vos anciens joueurs nous avait confié qu’avec le temps, vous étiez devenu plus diplomate. Est-ce vrai ?
(Rires) Je ne sais pas. J’ai toujours été prudent, ou en tout cas j’essaie. Mais avant, peut-être que j’entrais plus souvent en ébullition (rires). J’essaie d’être le plus respectueux possible, et maintenant, les années, l’expérience, m’aident à garder mon calme.
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