Un 4-4-2, c'est assez facile à mettre en place." Raynald Denoueix, hier dans La Provence, disait, en creux, que le système que va importer Marcelino en Provence, est l'un des plus basiques du football, même s'il est beaucoup moins à la mode qu'il y a 20 ans et que les défenses à 3 ont pris le pouvoir. "Encore faut-il avoir les joueurs aptes pour ce schéma", ajoutait Denoueix. Avec le décryptage de Grégory Poirier, entraîneur du FC Martigues (4e de National) et dans la promotion 2023-24 pour obtenir le BEPF, voici une présentation de l'organisation-totem du nouveau technicien de l'OM, ses avantages, son défaut principal et sa compatibilité avec l'effectif marseillais.
Le 4-4-2 sauce Marcelino, qu'est-ce que c'est ?
Depuis son premier club amateur au fin fond des Asturies jusqu'au sommet de sa carrière à Valence, Marcelino a toujours utilisé le 4-4-2 à plat, qui fonctionne par paires sur tout le terrain : deux défenseurs centraux, deux excentrés sur chaque côté (le latéral et l'ailier), deux milieux axiaux et deux attaquants. "Le terrain est très bien quadrillé avec ce système", selon Poirier, pas le premier à l'utiliser puisqu'il a presque toujours un N.10 de qualité dans ses effectifs. Le technicien qui a fait monter Arles (du R2 au R1), Endoume (deux fois, du R1 au N2) et Martigues (du N2 au National) estime que Marcelino "l'utilise très bien. J'étais tombé sur plusieurs matches de son Villarreal, ça m'avait interpellé. Son système était hyper fluide, les gars jouaient ensemble les yeux fermés, les passes arrivaient en une touche sans que le porteur ne regarde où était le partenaire. Le style était très vertical, mais tout au sol, avec beaucoup d'intensité."
Quels sont ses avantages ?
Ils sont multiples : schéma classique utilisé dans toutes les catégories, tous les joueurs, de ceux qui soulèvent des Ligues des champions à ceux qui se font soulever le dimanche matin par un adversaire un peu revêche, ont déjà évolué en 4-4-2. Avec ce système, très équilibré, pas de un contre un avec 50 mètres dans le dos du défenseur de l'OM, comme entraperçu souvent la saison dernière sous les ordres d'Igor Tudor. "Cette organisation est équitable dans la répartition des zones sur tout le terrain, l'entraîneur peut décider de jouer haut ou bas. Offensivement, la largeur est extrêmement bien occupée avec des doublettes latéraux-ailiers sur les côtés, avec les premiers qui dédoublent souvent", poursuit l'admirateur de Jorge Sampaoli.
L'avantage le plus important est peut-être la présence de deux avants-centres, comme le confirme Poirier. "L'un peut aspirer l'adversaire par des décrochages, en jouant entre les lignes, l'autre reste à la hauteur du dernier défenseur adverse pour demander en profondeur. Face à une défense centrale à deux éléments, tu te retrouves en permanence en un contre un." Et, comme l'OM l'a parfois expérimenté à ses dépens, cela peut être dévastateur.
Quel est son principal défaut ?
Le coeur du jeu, par définition, joue un rôle prépondérant sur le résultat d'un match. Un 4-4-2 à plat, doté de deux milieux axiaux, peut parfois souffrir contre des organisations où sont alignés trois milieux. "Chaque système a les défauts de ses qualités. Quand il y a plus de fatigue, que les lignes sont moins serrées, que les attaquants coupent moins les transmissions de la défense au milieu adverse, tu te retrouves vite en infériorité au milieu. Il faut que tes deux milieux envoient du lourd physiquement", détaille Grégory Poirier. C'est, selon lui, la raison d'une utilisation moindre ces dernières années. "Le 4-4-2 est de plus en plus rare, surtout dans les compétitions à élimination directe comme la Ligue des champions et la coupe du monde. Je pense que c'est en raison de cette peur de l'infériorité numérique au milieu."
Mais que les supporters de l'OM se rassurent, le foot n'est pas toujours question de maths. En finale du dernier Mondial, l'Argentine (4-3-3) avait ultra-dominé la France (aussi en 4-3-3), et Didier Deschamps avait - en partie - renversé le match en passant à un 4-4-2 marcelinesque grâce à l'entrée de Coman à la place de Griezmann. Un milieu en moins, certes, mais plus de percussion et de danger dans la surface adverse.
L'effectif de l'OM est-il taillé pour ce système ?
C'est la grande interrogation, et le mercato puis les premiers matches amicaux délivreront des premières réponses. Mais l'effectif, bâti pour convenir au 3-4-2-1 d'Igor Tudor, va subir des retouches importantes. En attendant de connaître le nom des recrues, qui seront forcément adaptées au 4-4-2 de Marcelino, on peut déjà identifier les joueurs qui seront à l'aise naturellement, et ceux qui devront travailler pour intégrer le 11 de l'Espagnol.
Pour Poirier, au milieu, l'OM a les éléments (Rongier, Vérétout, Guendouzi, Gueye, en attendant Kondogbia) pour le football du technicien asturien. "Pour Sanchez (s'il reste), Ünder, Gigot, ça ira. Pour Harit aussi, il pourra jouer milieu gauche et entrer sur son pied droit", analyse l'entraîneur de Martigues. Vitinha, qui n'a pas montré son vrai visage, semble aussi avoir le profil : en début de saison dernière, son équipe, Braga, jouait dans le même schéma et il empilait les buts. D'autres auront peut-être plus de mal. Jonathan Clauss, formé en tant qu'ailier, aura "besoin d'une adaptation et d'une progression sur l'aspect défensif. Dans un 3-5-2 ou 3-4-2-1, tu défends en avançant ; en 4-4-2, tu dois contrôler l'excentré adverse. Ce n'est pas du tout pareil."
Pour Azzedine Ounahi ou Ruslan Malinovskyi, plutôt 8 ou 10, "ça peut être délicat, comme pour Dimitri Payet. Le système n'a pas l'air d'être avantageux pour eux". L'option d'aligner un de ces joueurs en deuxième pointe existe, mais cela ferait "perdre beaucoup de profondeur. Pas sûr que Marcelino soit dans cette optique-là", prédit Poirier. Enfin, l'entraîneur du FC Martigues se pose la question de l'adaptation de Chancel Mbemba : "Il était très intéressant à trois parce qu'il réussissait à gérer beaucoup d'espaces, parfois jusqu'à 50 mètres. Là, on sera plus sur une gestion tactique et de concentration, à voir s'il s'en sort."
La Provence