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Tactique : le parti pris risqué mais séduisant de Vincenzo Italiano, l'entraîneur de la Fiorentina
Deux ans après son arrivée à Florence, Vincenzo Italiano participera peut-être, ce mercredi soir à l'occasion de la finale de la Ligue Europa Conférence (21 heures), à son dernier match en tant qu'entraîneur de la Viola. Les résultats obtenus par son équipe et le jeu audacieux proposé ont séduit plusieurs grands clubs.
Les supporters de la Fiorentina n'ont pas accueilli avec le sourire l'annonce du départ de Luciano Spalletti. Non pas par empathie envers celui qui s'est dit « fatigué » après avoir conduit Naples à son premier titre en Serie A depuis 1990. Mais parce qu'ils se doutaient que leur entraîneur, Vincenzo Italiano (45 ans), ferait partie des cibles prioritaires d'Aurelio de Laurentiis, le propriétaire du tout frais champion d'Italie. Depuis, l'OM a aussi rejoint le rang des courtisans.
Il faut dire que le coach de la Viola prendra part mercredi soir (21 heures) au dernier match d'une saison exceptionnelle, ponctuée par deux finales. Celle de Coupe d'Italie a déjà été perdue contre l'Inter (1-2) le 24 mai. Reste donc la rencontre face à West Ham en Ligue Europa Conférence qui pourrait déboucher sur le deuxième titre européen des Florentins, après 1961 et la première édition de la Coupe des vainqueurs de coupe (C2).
Si la Fiorentina a disputé l'Europe à de nombreuses reprises au cours de sa longue histoire, le passé récent n'a pas toujours été rose. Vincenzo Italiano a repris à l'été 2021 une équipe qui sortait d'une période difficile. Et lui a permis de revenir rapidement au premier plan. Le tout, grâce à un projet de jeu peaufiné au fur et à mesure de ses expériences dans les divisions inférieures.
Le pressing le plus intense d'Italie
S'il est plutôt de coutume de s'intéresser en premier lieu à ce qui se passe avec le ballon, l'équipe d'Italiano, disposée en 4-3-3 ou 4-2-3-1, brille avant tout par sa capacité à presser très haut ses adversaires avec efficacité. La Viola affiche le PPDA (passes par action défensive) le plus faible de Serie A, un indicateur qui permet de mesurer l'intensité du pressing. En l'occurrence, plus la valeur est basse, plus celui-ci est intense.
L'approche ne varie pas. Quel que soit le niveau de l'adversaire, la première ligne de pression ira « agresser » les relanceurs pour conduire le porteur de balle à commettre une erreur ou à jouer long. En témoigne la finale de Coupe d'Italie face à l'Inter. Bien qu'outsiders, les Florentins ont assumé des un contre un partout, y compris en défense.
Ce parti pris vaut à Vincenzo Italiano d'être qualifié de dogmatique par certains, de courageux par d'autres. La Fiorentina peut se targuer d'être l'équipe qui a subi le moins de tirs en Serie A. Mais elle ne possède pour autant que la 7e défense d'Italie, à égalité avec l'AC Milan. La Viola concède peu mais il s'agit souvent de grosses occasions. Reste qu'elle a progressé dans ce domaine en encaissant 8 buts de moins que la saison passée (43 contre 51).
Les adversaires, eux, sont contraints de s'adapter à ce pressing étouffant. Mais quelques-uns parviennent à le retourner à leur profit.
Si l'idée générale ne change jamais, l'entraîneur de la Viola, qui confesse être obsédé par le football, prépare toujours de minutieux plans de jeu en fonction de l'adversité. Son équipe est capable de modifier sa manière de presser par séquences.
Des mécanismes de relance variés
Comme pour le pressing, l'idée globale avec le ballon reste la même d'un match à l'autre mais Vincenzo Italiano a mis en place des mécanismes variés pour parvenir à faire progresser le jeu vers l'avant. Lors des phases de possession, la Fiorentina cherche à ressortir proprement depuis le gardien, dont le jeu au pied peut être utilisé. Elle peut se projeter rapidement ou se montrer nettement plus patiente. Les défenseurs sont évidemment responsabilisés.
Il n'y a pas une unique structure privilégiée à la relance. Les centraux forment souvent un triangle avec la sentinelle (Sofyan Amrabat par exemple) devant eux. Triangle qui peut devenir un losange avec l'intégration de l'un des latéraux ou d'un milieu. On a même vu la Viola en 1+3 (un central seul, une ligne de trois resserrée devant lui) face à Bâle en demi-finales de C4. Toujours en quête d'amélioration, Italiano apporte régulièrement de petites modifications. Depuis quelques semaines, un défenseur axial s'insère au milieu. Ce fut notamment le cas contre l'Inter en finale de Coupe d'Italie.
Le rôle clé des latéraux
Mais ce sont surtout les latéraux qui possèdent un rôle clé en phase de possession. Leur positionnement change d'une action à l'autre. Ils sont impliqués parfois assez bas, parfois beaucoup plus haut, notamment pour libérer les lignes de passe vers les ailiers. Ils jouent également un rôle majeur aux abords de la surface. Ils peuvent dédoubler à l'extérieur pour centrer, comme aime le faire à gauche Cristiano Biraghi, le plus prolifique de Serie A dans ce domaine (plus de 10 centres par match). Mais aussi effectuer des courses à l'intérieur, jusque dans la surface.
La multiplication et la variété des courses, les décrochages, les rotations entre les joueurs s'effectuent avec une grande fluidité et offrent toujours de nombreuses solutions de passe au porteur. Les triangles formés un peu partout sur le terrain (notamment entre l'ailier, le milieu dans le demi-espace et le latéral) facilitent les combinaisons.
La Viola ne fait toutefois pas de la relance courte une obsession. Si nécessaire, elle sait allonger sur ses joueurs les plus aptes à jouer les duels (Cabral, Jovic, Kouamé) et disputer les seconds ballons. Quelle que soit la manière dont l'action a démarré, les offensives finissent, elles, souvent sur les côtés avec l'idée de combiner ou de générer des un contre un que les ailiers tenteront de gagner. À commencer par Jonathan Ikoné, à l'aise dans l'exercice.
Des soucis dans le dernier tiers
Si la Fiorentina n'a pas réussi à faire mieux que 8e en Serie A, c'est avant tout par manque d'efficacité, elle qui n'hésite pourtant pas à mettre de nombreux joueurs devant le ballon. Ses expected goals hors penalty indiquent une nette sous-performance (-3,8) imputable en partie aux éléments offensifs. Le meilleur buteur du club en Championnat se nomme Arthur Cabral avec 8 réalisations.
Les lacunes dans le dernier tiers sont criantes. Si l'équipe passe une bonne partie du temps avec le ballon (56,1 %, seul Naples est au-dessus), elle a du mal à faire le bon choix à l'approche de la surface et mange une bonne partie des occasions qu'elle se procure. Il manque à l'équipe un milieu créatif, capable de délivrer la dernière passe. Un problème qui s'est moins vu face à des formations plus faibles en Ligue Europa Conférence, où elle dispose de la meilleure attaque avec 36 buts inscrits.
L'usure engendrée par le pressing ainsi que l'important turnover voulu par Italiano à tous les postes (deux joueurs de champ seulement dépassent les 25 titularisations en Serie A) sont notamment pointés du doigt. Il sera intéressant de voir ce que ses principes de jeu donneront avec des joueurs d'un niveau plus élevé.