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« Mais Roger, t'es fada ou quoi ? » Les frères Boli se lâchent avant Lens-OM
L'un, Basile, restera à jamais le héros de Munich, l'autre, Roger, a terminé meilleur buteur de D1 avec Lens en 1993-1994. Nous avons réuni les deux frères à l'approche du choc de samedi soir entre Lens et l'OM. Et pour le Marseillais, le public olympien reste évidemment le meilleur.
Depuis quelques jours, les SMS fusent entre Basile et Roger Boli, les deux frangins. À l'aube de ce Lens-Marseille, ils se chambrent comme au bon vieux temps. Tout le monde connaît leur attachement à leurs clubs respectifs, entre le buteur inoubliable de l'OM en finale de la Ligue des champions en 1993 contre le Milan AC (1-0), devenu depuis ambassadeur, et le meilleur buteur de L1 avec Lens en 1993-1994 (20 buts, à égalité avec Youri Djorkaeff et Nicolas Ouédec). Nous les avons réunis via WhatsApp, l'un, Roger, étant basé en Côte d'Ivoire, où il gère ses affaires depuis des années, l'autre étant en déplacement au Luxembourg. Dans un éclat de rire permanent, les Boli ont renoué avec leur passé.
« Le 15 février 1992, Lens a battu l'OM (2-1), un match qui détient toujours le record d'affluence à Bollaert (48 912). Ce fut l'un de vos duels les plus épiques. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Roger Boli : Il faisait tellement froid, tu te souviens, Basile. Ohlalala...
Basile Boli : Oh oui ! Et sur le tableau noir, chez nous, on notait qui était le meilleur joueur adverse pour lui mettre un mec au marquage. C'était toi et ça m'angoissait. J'ai levé la main. Mais les minutes passaient et je ne m'en "occupais" pas. (Éric) Di Meco s'est approché : "Oh Baz, il est encore là Roger Boli sur le terrain !" Bon, qu'est-ce que j'ai fait ? Je l'ai emplâtré et je le voyais crier. Je lui ai dit : "Roger, heureusement que c'est moi qui te prends..." Mon père - c'était la première fois qu'il nous voyait adversaires - m'a demandé pourquoi je lui avais donné un coup. Je lui ai répondu : "Si c'est Di Meco, il l'envoie à l'hosto." (Les deux éclatent de rire)
R. B. : Mais c'était particulier pour nous car l'OM était la meilleure équipe et était sur une bonne dynamique. Un nul nous convenait et je marque puis Basile égalise. Basile a redynamisé son équipe mais quand il marque, je pense qu'il a gâché ma soirée, j'avais les boules. En plus, chaque fois que j'accélérais, je le voyais qui revenait, qui mettait une jambe, un pied... Avec eux, c'était physique (rire). (Jocelyn) Angloma, (Bernard) Casoni, Di Meco... Tu regardes une défense comme ça, tu ne sais pas par où passer ! Mais on était chez nous, c'était la fête et on aimait bien cet OM avec (Chris) Waddle. C'était bon enfant et ça m'a permis de retrouver Basile et toute la famille.
B.B. : Quand Roger marque, j'avais l'impression aussi d'avoir marqué, ça chantait partout Roger Boli, Roger Boli. Et j'entendais seulement Boli, bien sûr. On ne s'était pas lâchés du match, deux jours après j'étais en Bleu. Roger m'a dit : "Tu me gardes un maillot". Je lui ai répondu non. Mais finalement, j'ai craqué...
R. B. : Après le match, t'es même resté à la maison avec les supporters. On a passé une soirée top. Ce match de février 1992 restera un grand moment.
B.B. : Roger, c'est quand même le seul joueur qui recevait les supporters chez lui !
On évoque justement souvent le poids des supporters dans les deux clubs. Quel est donc le meilleur public de France entre Lens et l'OM ?
R. B. : C'est différent. À Lens, je retiens qu'il n'y a jamais de méchanceté. Ce sont des contextes différents mais ils sont plus compréhensifs à Lens qu'à Marseille où ils sont plus exigeants. C'est plus dur d'être aimé à Marseille qu'à Lens. Tu peux être mauvais à Lens mais le public ne s'en prendra pas à toi. Il va te siffler mais tout faire pour t'aider à revenir, à te pousser. À Marseille, t'es mort.
B. B. : À Marseille, on te prend en grippe, t'es mort. Mais Roger, t'es fada ou quoi ? Attends, vous avez les Corons qui lèvent les poils, une seule chanson, et nous, on en a plein : Aux armes, Allez l'OM, etc. (il chante) Tu rigoles ! Tu sais qu'on est le meilleur public, Roger ! Ici, tu vis le foot partout. Une fois, je vais à la boulangerie après une défaite à Lille. Le mec revenait du match, de 24 heures de bus et arrivait tout juste dans sa boulangerie. Et sur qui il tombe ? Sur Basile Boli. Et bien, il n'a pas voulu me servir !
R.B. : À Lens, il m'est arrivé d'avoir raté un penalty lors d'une séance de tirs au but contre Auxerre. Durant l'entraînement, les mecs étaient énervés après moi mais le week-end d'après, c'était oublié. Ils m'ont beaucoup aidé. Ils pouvaient être durs mais une fois que je faisais une envolée sur le côté, ils étaient tous derrière moi. Je suis fier de les voir là, car Lens a connu quelques difficultés, la L2... Se retrouver au pied de la C1 avec cet engouement dans la ville. J'aime voir cette ville vibrer, tout le monde est imprégné, je reçois beaucoup de messages actuellement. C'est une ville de foot qui mérite d'être au premier plan.
Vous vous retrouvez à la veille d'un match historique. Vous vous en parlez ?
B. B. : Bien sûr ! Je lui ai envoyé tous les SMS que j'ai reçus récemment pour dire que son record de buts avait été battu.
R. B. : Tu n'arrêtes pas mais tu te trompes, il reste deux buts à mettre à (Loïs) Openda (18 buts) pour revenir sur moi...
B.B. : Et quand Lens a gagné contre Toulouse (1-0), il m'a appelé tout de suite. Mais à l'extérieur, on est pas mal comme à Lyon (2-1). Pour moi, c'est le match de la saison. Je ne suis pas surpris par Lens, c'est une vraie machine collective, y a pas mieux. Je connais un peu l'entraîneur, l'état d'esprit avec ce public qui galvanise. Mais ce que Roger sait, c'est qu'on va gagner.
R.B. : Ça m'étonnerait, je suis désolé, Basile, mais on est injouable à domicile.
B.B. : T'as vu nos stats à l'extérieur ? T'as vu comment on a pris Lyon ? pas photo !
R.B. : Mais Lyon, c'est pas Lens (rire). Cette année, je ne sais pas comment ils peuvent gagner.
B.B. : Mets-toi devant ta télé et tu verras. Ce que fait Tudor, ça n'a rien à voir avec le marquage individuel à la Guy Roux, c'est un marquage individuel dans une zone et ça surprend beaucoup à l'extérieur.
R.B. : Tudor sent le foot comme Franck Haise. Franck, je le connais bien, il a même eu Charly (Charles, son fils). Même si ça ne s'est pas bien terminé (après plusieurs prêts, il a été transféré à Pau [L2] en 2022), il a toujours eu un discours cohérent, a toujours fait ce qu'il a dit. C'est un bosseur et c'est un mec honnête. Et au fait, Baz, tu vois qui faire pencher la balance ?
B.B. : Votre côté gauche n'est pas top défensivement. Et sur les coups de pied arrêtés, on a tout pour marquer.
R.B. : Nous aussi on est forts sur les coups de pied arrêtés offensifs. Et tu parles de Facundo (Medina) à gauche ? Gradit, de l'autre côté, c'est top. Il est vif, court vite. On devra faire attention sur ce côté gauche peut-être mais on est tellement bons, on a un jeu tellement porté vers l'avant...
B.B. : Mais tu me parles du Real ou de Lens ? Tu as trop le coeur sang et or. Le pire, ce sont tes enfants. Ils m'envoient des SMS : "Tonton, qu'est-ce que t'en penses ?" Mais je ne réponds rien...
R.B. : Je vois un tarif maison, 3-0, dans une ambiance incroyable. Je suis un peu malheureux pour toi, Basile...
B.B. : Arrête Roger, arrête... (rires) »
Guy Roux, Nutella et boîte de nuit
Tout a débuté pour le duo à Auxerre avec Guy Roux. Ils n'ont rien oublié des ces nombreuses années passées ensemble, dans les années 1980, qui les ont façonnés.
Roger Boli : « Il y a eu du travail pour arriver en haut. À Auxerre, Basile et moi, on en a chié (rire) !
Basile Boli : Oh oui !
R.B. : Tu te souviens quand tu as simulé une blessure lors d'un footing ? On tournait, on tournait et à un moment, Basile tombe. "J'ai mal". Guy (Roux) a dit : "On rentre." Tout le monde est allé le remercier. Tu nous a sauvés.
B.B. : J'ai même reçu du Nutella de (Éric) Cantona.
R.B. : C'était sa spécialité. Éric coupait un croissant en deux et mettait le pot entier de Nutella !
B.B. : À 17h, on entrait dans sa chambre et on attendait ça. Il y avait aussi (William) Prunier, lui, c'était les madeleines. On avait un bon fournisseur aussi, c'était (Franco) Vignola. Il filait absolument tout, même les clopes (rires).
R.B. : Et le 31 décembre, on revenait tous à Auxerre l'après-midi pour fêter ensemble en boîte le soir. C'était une génération exceptionnelle avec une ambiance hors norme. Tout ça nous a forgés. »
L’Equipe